{{#widget:Qwant}}
« Inst:Walt Disney Productions » : différence entre les versions
De MedFilm PPRD
(Enregistré en utilisant le bouton « Enregistrer et continuer » du formulaire) |
Aucun résumé des modifications |
||
| (13 versions intermédiaires par la même utilisatrice non affichées) | |||
| Ligne 2 : | Ligne 2 : | ||
|Description={{Description-langue | |Description={{Description-langue | ||
|Langue=fr | |Langue=fr | ||
|Description=== Walt Disney | |Description=== Les films utilitaires de Walt Disney == | ||
Walt Disney est un nom qui parle à l’imaginaire collectif. À l’évocation de ce nom, certains pensent à la pléiade de dessins animés qui ont bien souvent bercé leur enfance ; d’autres aux parcs d’attractions ou bien à l’homme lui-même qui, parti de rien, a réussi à créer un véritable empire.<br> | Walt Disney est un nom qui parle à l’imaginaire collectif. À l’évocation de ce nom, certains pensent à la pléiade de dessins animés qui ont bien souvent bercé leur enfance ; d’autres aux parcs d’attractions ou bien à l’homme lui-même qui, parti de rien, a réussi à créer un véritable empire.<br> | ||
| Ligne 105 : | Ligne 105 : | ||
3. des films à destination du grand public, de type propagande, où l’on incite la population à payer ses impôts ou bien à conserver les huiles de friture qui vont permettre de produire des munitions. Dans cette catégorie, les films mettent en scène des personnages connus tels que Minnie ou une nouvelle fois Donald, comme dans : | 3. des films à destination du grand public, de type propagande, où l’on incite par exemple la population à payer ses impôts ou bien à conserver les huiles de friture qui vont permettre de produire des munitions. Dans cette catégorie, les films mettent en scène des personnages connus tels que Minnie ou une nouvelle fois Donald, comme dans : | ||
[[Fichier:From the Frying Pan.jpg|vignette|right|150px]] | [[Fichier:From the Frying Pan.jpg|vignette|right|150px]] | ||
*''The New Spirit''(1942)<br> | *''The New Spirit'' (1942)<br> | ||
*''Out of the Frying Pan into the Firing Line'' (1942)<br> | *''Out of the Frying Pan into the Firing Line'' (1942)<br> | ||
*''Food will win the War'' (1942) | *''Food will win the War'' (1942) | ||
| Ligne 128 : | Ligne 128 : | ||
Étant donné leur aura, certains personnages apparaissent même dans des films qui ne sont pas produits directement par Disney, mais par l’armée ou les instances gouvernementales (exemple : [[Insomnia]]).<br> | Étant donné leur aura, certains personnages apparaissent même dans des films qui ne sont pas produits directement par Disney, mais par l’armée ou les instances gouvernementales (exemple : [[Insomnia]]).<br> | ||
La conséquence de cette participation massive à l’effort de guerre est que le nom de Disney devient | La conséquence de cette participation massive à l’effort de guerre est que le nom de Disney devient synonyme de patriotisme aux États-Unis (il l'est d'ailleurs encore de nos jours). Pour les studios, le travail aura été intense : pendant une partie de l’année 1942, pour pouvoir répondre au planning serré mis en place pour répondre aux demandes de la Navy, les équipes travaillent 18 heures par jour, 6 jours sur 7. (Il n'est pas possible d'en faire plus car il faut laisser refroidir certaines machines.) | ||
[[Fichier:Victory through Air Power.jpg|vignette|Magazine Life, 1943|left|180px]] | [[Fichier:Victory through Air Power.jpg|vignette|Magazine Life, 1943|left|180px]] | ||
Mais même si la motivation profonde de Walt Disney pour produire ces films est le patriotisme, les considérations financières y tiennent aussi une petite part. | Mais même si la motivation profonde de Walt Disney pour produire ces films est le patriotisme, les considérations financières y tiennent aussi une petite part. En effet, il ne faut pas oublier que la production cinématographique américaine s’est écroulée à cette époque, notamment en raison de la fermeture des marchés européens pendant la guerre. Les studios Disney en sont profondément affectés puisque ces marchés représentaient près de la moitié de leurs recettes. La guerre n’a ainsi fait qu’aggraver les problèmes financiers de l’entreprise. (Entre les frais générés par la construction des locaux de Burbank, la grève des employés et la perte de revenus liée à la guerre en Europe, la dette des studios Disney atteint 4,5 millions de dollars en 1941.)<br> | ||
Tout apport financier venant de l’armée ou du gouvernement, aussi maigre soit-il, est donc le bienvenu. Ainsi, les 90 000 $ octroyés par la ''Navy'' pour une commande de 77 films fin 1941 permettent aux frères Disney de maintenir les salaires et de faire fonctionner une partie des bâtiments. <br> | Tout apport financier venant de l’armée ou du gouvernement, aussi maigre soit-il, est donc le bienvenu. Ainsi, les 90 000 $ octroyés par la ''Navy'' pour une commande de 77 films fin 1941 permettent aux frères Disney de maintenir les salaires et de faire fonctionner une partie des bâtiments. <br> | ||
Mais au final, les studios Disney ne font aucun profit : ils sortent de la guerre aussi endettés qu’au début. | Mais au final, les studios Disney ne font aucun profit : ils sortent de la guerre aussi endettés qu’au début. | ||
| Ligne 137 : | Ligne 137 : | ||
==== IV. Une dimension latino-américaine qui prend de l’ampleur : ==== | ==== IV. Une dimension latino-américaine qui prend de l’ampleur : ==== | ||
Une autre part contextuelle majeure dans les années 1940 | Une autre part contextuelle majeure dans les années 1940 réside dans la préoccupation grandissante des États-Unis par rapport aux populations latino-américaines. En plus de la nécessité de pacifier les relations avec cette région (cf. supra), c’est une double dimension supplémentaire qui entre en jeu. | ||
Il s'agit tout d’abord d'une dimension liée à l’immigration. À partir de 1939, même si les États-Unis ne sont pas encore en guerre, l'industrie de l'armement commence à offrir aux travailleurs agricoles américains du sud-ouest des postes mieux payés.<br> | Il s'agit tout d’abord d'une dimension liée à l’immigration. À partir de 1939, même si les États-Unis ne sont pas encore en guerre, l'industrie de l'armement commence à offrir aux travailleurs agricoles américains du sud-ouest des postes mieux payés.<br> | ||
Il devient alors plus difficile pour les propriétaires agricoles de trouver des | Il devient alors plus difficile pour les propriétaires agricoles de trouver des saisonniers. Pour cette raison, ils demandent au gouvernement de pouvoir faire appel à la main-d'œuvre mexicaine. Ils se heurtent cependant à une opposition ferme, le gouvernement considérant cette pénurie de bras comme infondée. | ||
Mais l’attaque de Pearl Harbor change la donne. En 1942, le programme ''Bracero'' (un mot dérivé de l’espagnol | Mais l’attaque de Pearl Harbor change la donne. En 1942, le programme ''Bracero'' (un mot dérivé de l’espagnol ''brazo'', qui signifie "bras") est instauré entre les gouvernements mexicain et américain. Son but : formaliser le transfert légal de travailleurs mexicains pour pallier le manque de main-d’œuvre grandissant dans le secteur agricole. Ceux-ci sont introduits sur le marché du travail américain avec un permis de séjour à durée contractuelle. <br> | ||
Sur toute la période de l’accord (1942 - 1964), les États-Unis enregistrent un total de 4,5 millions de ''braceros'' qui entrent légalement dans le pays. Mais en parallèle, | Sur toute la période de l’accord (1942 - 1964), les États-Unis enregistrent un total de 4,5 millions de ''braceros'' qui entrent légalement dans le pays. Mais en parallèle, un nombre au moins égal de Mexicains qui ne remplissent pas les conditions pour immigrer légalement y entrent illégalement. | ||
En théorie, l'accord entre les deux gouvernements prévoit de protéger les travailleurs mexicains de toute discrimination aux États-Unis et de leur assurer des conditions de travail honnêtes. C’est pour cette raison que le Texas, jugé trop intolérant et raciste, est dans un premier temps | En théorie, l'accord entre les deux gouvernements prévoit de protéger les travailleurs mexicains de toute discrimination aux États-Unis, et de leur assurer des conditions de travail honnêtes. C’est pour cette raison que le Texas, jugé trop intolérant et raciste, est écarté dans un premier temps (les cinq premières années). <br> | ||
Mais en pratique, la situation est tout autre car le gouvernement n’effectue aucun contrôle sur place : les travailleurs émigrés, uniquement des hommes qui ont dû laisser femme et enfants au pays, se retrouvent à effectuer les tâches les plus pénibles pour des salaires inférieurs aux pratiques normales.<br> | Mais en pratique, la situation est tout autre car le gouvernement n’effectue aucun contrôle sur place : les travailleurs émigrés, uniquement des hommes qui ont dû laisser femme et enfants au pays, se retrouvent à effectuer les tâches les plus pénibles pour des salaires inférieurs aux pratiques normales.<br> | ||
[[Fichier:Whites'_only.jpg|vignette|left|150px]] | [[Fichier:Whites'_only.jpg|vignette|left|150px]] | ||
| Ligne 151 : | Ligne 151 : | ||
La situation est encore pire pour les travailleurs illégaux puisqu’il est facile de faire planer sur eux la menace d’une dénonciation aux autorités migratoires. Ils se retrouvent ainsi dans les situations les plus vulnérables et sont victimes de nombreux abus (salaires impayés, loyers énormes, etc.). | La situation est encore pire pour les travailleurs illégaux puisqu’il est facile de faire planer sur eux la menace d’une dénonciation aux autorités migratoires. Ils se retrouvent ainsi dans les situations les plus vulnérables et sont victimes de nombreux abus (salaires impayés, loyers énormes, etc.). | ||
Dans les deux cas, les conditions de vie sont insalubres car les équipements | Dans les deux cas, les conditions de vie sont insalubres car les équipements de base nécessaires au respect des règles d’hygiène et de propreté ne leur sont pas fournis. Les cas de dysenterie, de rachitisme et de typhoïde se multiplient. De même, la promiscuité dans les baraquements est à l'origine de la propagation très rapide de maladies respiratoires, en particulier la tuberculose. | ||
La seconde dimension | La seconde dimension de ce contexte se situe cette fois dans les pays d’Amérique du Sud. Comme mentionné dans les archives de l’OIAA, une division Santé et Hygiène publique (''Health and Sanitation Division'') est créée le 2 avril 1942 afin de mettre en place des mesures d’hygiène spécifiques dans certains des pays latino-américains avec lesquels les États-Unis entretiennent des liens très rapprochés. Ce programme repose sur le besoin : <br> | ||
1. de conditions d’hygiène et de santé correctes pour les forces américaines présentes dans les pays | 1. de conditions d’hygiène et de santé correctes pour les forces américaines présentes dans les pays situés en zone tropicale (Panama, Brésil et Nicaragua notamment) ;<br> | ||
2. d’une prévention des maladies qui pourraient | 2. d’une prévention des maladies qui pourraient affecter les travailleurs latino-américains qui produisent des matériaux nécessaires à la guerre (caoutchouc, etc.) ;<br> | ||
3. d’une mise en place de meilleures conditions d’hygiène et de santé publique dans la région, en ligne avec le programme de l’OIAA d’amélioration de la santé en général.<br> | 3. d’une mise en place de meilleures conditions d’hygiène et de santé publique dans la région, en ligne avec le programme de l’OIAA d’amélioration de la santé en général.<br> | ||
Par conséquent, à partir de 1942, l’utilité de diffuser des messages d’hygiène simples et efficaces est double : ils doivent servir à la fois sur le territoire américain et sur toute la région sud-américaine. Faute d’améliorer les conditions de vie des populations locales ou émigrées, les autorités veulent au moins rappeler et diffuser les règles basiques d’hygiène afin d’endiguer la propagation des maladies. <br> | Par conséquent, à partir de 1942, l’utilité de diffuser des messages d’hygiène simples et efficaces est double : ils doivent servir à la fois sur le territoire américain et sur toute la région sud-américaine. Faute d’améliorer les conditions de vie des populations locales ou émigrées, les autorités veulent au moins rappeler et diffuser les règles basiques d’hygiène afin d’endiguer la propagation des maladies. <br> | ||
Là encore, le gouvernement américain reconnaît le pouvoir de l’animation : il décide donc de commander des films pédagogiques à Walt Disney. Quelques petites productions isolées avaient été réalisées par le passé mais en 1943, avec l’encouragement et en concertation avec | Là encore, le gouvernement américain reconnaît le pouvoir de l’animation : il décide donc de commander des films pédagogiques à Walt Disney. Quelques petites productions isolées avaient été réalisées par le passé mais en 1943, avec l’encouragement du gouvernement et en concertation avec celui-ci, Disney inaugure un programme pédagogique qui va perdurer pendant plusieurs années.<br> | ||
Ces films sont initialement destinés aux populations rurales latino-américaines ou émigrées, mais ils sont également conçus pour être adaptés ailleurs dans le monde. La connaissance des pays latino-américains acquise par Walt Disney en 1941 lui permet d’adapter le ton mais surtout les couleurs de ces films.<br> | Ces films sont initialement destinés aux populations rurales latino-américaines ou émigrées, mais ils sont également conçus pour être adaptés ailleurs dans le monde. La connaissance des pays latino-américains acquise par Walt Disney en 1941 lui permet d’adapter le ton mais surtout les couleurs de ces films.<br> | ||
En Amérique du Sud comme aux États-Unis, les films pédagogiques circulent de village en village. On y apprend à vivre selon les règles d’hygiène américaine et à être vigilant sur ses conditions de vie. De "L’Eau : amie ou ennemie" (''Water, Friend or Enemy'' - 1943) à "La Propreté est source de santé" (''Cleanliness brings Health'' - 1945), en passant par "Le Fléau ailé" (''The Winged Scourge'' - 1943), Walt Disney met en place un programme pédagogique d’une grande efficacité alors même qu’il ne souhaite pas devenir une référence en la matière. Il considère en effet que son rôle premier doit rester le divertissement. | En Amérique du Sud comme aux États-Unis, les films pédagogiques circulent de village en village. On y apprend à vivre selon les règles d’hygiène américaine et à être vigilant sur ses conditions de vie. De "L’Eau : amie ou ennemie" (''Water, Friend or Enemy'' - 1943) à "La Propreté est source de santé" (''Cleanliness brings Health'' - 1945), en passant par "Le Fléau ailé" (''The Winged Scourge'' - 1943), Walt Disney met en place un programme pédagogique d’une grande efficacité alors même qu’il ne souhaite pas devenir une référence en la matière. Il considère en effet que son rôle premier doit rester le divertissement. | ||
Malheureusement, entre ces réalisations éducatives et les films de propagande, les stéréotypes raciaux s’ancrent peu à peu dans les mentalités | Malheureusement, entre ces réalisations éducatives et les films de propagande, les stéréotypes raciaux s’ancrent peu à peu dans les mentalités. De manière générale, on représente :<br> | ||
- les Japonais | - les Japonais comme des idiots barbares (dans le style de [[Use_your_head]], dessiné par un ancien collaborateur des studiod Disney) ;<br> | ||
- les Allemands comme des êtres apparemment civilisés mais en réalité sournois et violents ;<br> | - les Allemands comme des êtres apparemment civilisés mais en réalité sournois et violents ;<br> | ||
- les Latinos-Américains comme des analphabètes, incultes et sales. | - les Latinos-Américains comme des analphabètes, incultes et sales. | ||
En 1944, le dénouement de la guerre étant plus ou moins proche, les | En 1944, le dénouement de la guerre étant plus ou moins proche, les studios Walt Disney s’éloignent tout doucement de la propagande militaire pour se concentrer sur ces courts-métrages de prévention et d’information.<br> | ||
C’est à ce moment-là que des films comme ''Tuberculosis'', ''What is Disease'', ''Insects as Carriers of Disease'' ou ''Cleanliness brings Health'' voient le jour sous la thématique ''Health for the Americas''. Tous sont commandés par le ''United States Information Service'' (U.S.I.S - agence chargée de mener à bien la diplomatie publique américaine, ainsi que des programmes d’échange dans le monde), de même que d’autres relevant de thèmes plus ou moins similaires (''Cuidado y Alimentación infantil, El Cuerpo Humano''). | C’est à ce moment-là que des films comme ''Tuberculosis'', ''What is Disease'', ''Insects as Carriers of Disease'' ou ''Cleanliness brings Health'' voient le jour sous la thématique ''Health for the Americas''. Tous sont commandés par le ''United States Information Service'' (U.S.I.S - agence chargée de mener à bien la diplomatie publique américaine, ainsi que des programmes d’échange dans le monde), de même que d’autres relevant de thèmes plus ou moins similaires (''Cuidado y Alimentación infantil, El Cuerpo Humano''). | ||
L’aspect simple et dépouillé de ces films sanitaires peut déconcerter quand on les compare aux grandes productions cinématographiques Disney de l’époque mais il faut rappeler que le studio avait amorcé une diversification pendant les années de guerre, afin de se positionner comme un studio capable de produire aussi bien des films de divertissement pour le cinéma que des films pédagogiques ou utilitaires.<br> | L’aspect simple et dépouillé de ces films sanitaires peut déconcerter quand on les compare aux grandes productions cinématographiques Disney de l’époque mais il faut rappeler que le studio avait amorcé une diversification pendant les années de guerre, afin de se positionner comme un studio capable de produire aussi bien des films de divertissement pour le cinéma que des films pédagogiques ou utilitaires.<br> | ||
Le style austère de ces derniers a l’avantage incontestable d’être moins onéreux (une considération importante vu les minces budgets alloués). Il cache aussi une raison plus profonde : il avait été expressément demandé à Walt Disney de réaliser ces films dans des designs aussi simples et directs que possible. Il avait par le passé réalisé quelques films éducatifs plus élaborés et incluant une touche de divertissement mais les agences gouvernementales l’avaient dissuadé de continuer dans cette | Le style austère de ces derniers a l’avantage incontestable d’être moins onéreux (une considération importante vu les minces budgets alloués). Il cache aussi une raison plus profonde : il avait été expressément demandé à Walt Disney de réaliser ces films dans des designs aussi simples et directs que possible. Il avait par le passé réalisé quelques films éducatifs plus élaborés et incluant une touche de divertissement mais les agences gouvernementales l’avaient dissuadé de continuer dans cette voie. Pour elles, un style simple, dépouillé de toute frivolité ferait mieux passer le message pédagogique. | ||
Ce sont donc en tout 15 films de ce type qui voient le jour entre 1943 et 1946 : | Ce sont donc en tout 15 films de ce type qui voient le jour entre 1943 et 1946 : | ||
| Ligne 196 : | Ligne 196 : | ||
Dans ces films, le ton employé reflète la pensée de l’époque : il est paternaliste, voire infantilisant, et développe des idées dans des termes d’une simplicité plus que basique. Tout le monde, même les moins instruits, doit pouvoir comprendre.<br> | Dans ces films, le ton employé reflète la pensée de l’époque : il est paternaliste, voire infantilisant, et développe des idées dans des termes d’une simplicité plus que basique. Tout le monde, même les moins instruits, doit pouvoir comprendre.<br> | ||
En faisant une étude comparative de certains de ces films, on constate que :<br> | En faisant une étude comparative de certains de ces films, on constate que :<br> | ||
- ''What is disease'' | - '''''What is disease''''' : la version espagnole est plus infantilisante que la version anglaise (le mot "paludisme" est cité dans la version anglaise alors que la version espagnole se cantonne au terme générique de "maladie"). Le personnage y est appelé Ramón alors que dans la version anglaise il ne porte pas de nom. Et le narrateur tutoie le personnage principal alors qu'il vouvoie le médecin... et la mouche !<br> | ||
- ''Cuidado y alimentación infantil'' | - '''''Cuidado y alimentación infantil''''' : le film est en espagnol, mais les enfants y ont tous des prénoms anglophones, ce qui sous-entend qu’il est plutôt destiné aux populations émigrées. Les clichés portent sur les vêtements, la nourriture (papaye, melon) et sur la famille nombreuse.<br> | ||
- '''El cuerpo humano''' | - '''''El cuerpo humano''''' : ce film reprend beaucoup d’éléments présents dans d’autres films. Ainsi, l’homme avec sa binette qui cultive du maïs fait penser à celui de ''What is Disease'' (la musculature en plus…). Sa maison y est d’ailleurs identique, de même que la scène de l’ajout de la fenêtre. Quant à la démonstration du fonctionnement des poumons, elle est identique à celle de ''Tuberculosis''. Les clichés sont aussi nombreux, tel le fait que le protagoniste mange trop souvent des ''frijoles''. Il est par ailleurs intéressant de noter que même si le film prône au tout début un message de diversité, la représentation de l’homme moyen est celle d’un caucasien, jeune et musclé.<br> | ||
- '''Insects as carriers of disease ''' | - '''''Insects as carriers of disease ''''' : on retrouve le personnage de Ramón qui apparaît dans ''What is disease''. Le discours y est sensiblement le même.<br> | ||
Ce personnage de Ramón, communément appelé '' | Ce personnage de Ramón, communément appelé dans les versions anglaises ''Careless Charlie'' se retrouve également dans ''Cleanliness Brings Health, How Disease Travels'' et ''Planning for Good Eating.''<br> | ||
- '''''Tuberculosis''''' : on y retrouve beaucoup de scènes de ''What is disease '': la chambre où tous dorment ensemble alors qu’un enfant est malade ; le lait qui bout comme l’eau ; etc. Les légumes donnés en exemple sont les mêmes que ceux de ''Cuidado y alimentación infantil.''<br> | - '''''Tuberculosis''''' : on y retrouve beaucoup de scènes de ''What is disease '': la chambre où tous dorment ensemble alors qu’un enfant est malade ; le lait qui bout comme l’eau ; etc. Les légumes donnés en exemple sont les mêmes que ceux de ''Cuidado y alimentación infantil.''<br> | ||
Dans la plupart des cas, on constate un recyclage de scènes clés (la réutilisation de la scène du lavage de mains est quasi systématique) ou du procédé visuel (utilisation du pinceau pour faire apparaître/disparaître des éléments). Idem, les points de préoccupation se recoupent très souvent : mouches et moustiques à annihiler, eau à faire bouillir, etc.<br> | Dans la plupart des cas, on constate un recyclage de scènes clés (la réutilisation de la scène du lavage de mains est quasi systématique) ou du procédé visuel (utilisation du pinceau pour faire apparaître/disparaître des éléments). Idem, les points de préoccupation se recoupent très souvent : mouches et moustiques à annihiler, eau à faire bouillir, etc.<br> | ||
| Ligne 208 : | Ligne 208 : | ||
==== V. La filiale des films pédagogiques Disney : ==== | ==== V. La filiale des films pédagogiques Disney : ==== | ||
Au sortir de la guerre, Walt Disney inaugure finalement un département consacré aux films éducatifs dans une volonté de contribuer à bâtir un monde propre et fertile. Carl Nater, qui était déjà coordinateur de production des films pédagogiques militaires pendant la guerre, est nommé | Au sortir de la guerre, Walt Disney inaugure finalement un département consacré aux films éducatifs dans une volonté de contribuer à bâtir un monde propre et fertile. Carl Nater, qui était déjà coordinateur de production des films pédagogiques militaires pendant la guerre, est nommé à la tête de cette division en 1945 (il y restera pendant plus de 20 ans). <br> | ||
Mais sous l’apparence d’une approche scientifique et factuelle, Walt Disney forge, ou du moins se conforme, au carcan puritain et hygiéniste de l’Amérique d’après-guerre. | Mais sous l’apparence d’une approche scientifique et factuelle, Walt Disney forge, ou du moins se conforme, au carcan puritain et hygiéniste de l’Amérique d’après-guerre. | ||
On peut ainsi citer ''The Story of Menstruation'' (1946) qui présente une vision très traditionnelle des jeunes filles et explique le principe de la menstruation d’une manière très "princesse" | On peut ainsi citer ''The Story of Menstruation'' (1946) qui présente une vision très traditionnelle des jeunes filles et explique le principe de la menstruation d’une manière très "princesse" puisque, par exemple, les pertes y sont blanches et non rouges. Le graphisme fait penser à celui de Cendrillon dont la production est officiellement reprise la même année.<br> | ||
Le graphisme fait penser à celui de Cendrillon dont la production est officiellement reprise la même année.<br> | |||
Ce film, sponsorisé par la marque Kotex (Cello-Cotton Company, aujourd’hui Kimberly-Clark), est diffusé dans les écoles pendant près de 20 ans auprès de 105 millions de jeunes Américains. Dès sa sortie, le fim reçoit le ''Good Housekeeping Seal of Approval'' (approbation officielle d’un magazine féminin renommé aux États-Unis), ce qui explique très probablement sa longévité.<br> | Ce film, sponsorisé par la marque Kotex (Cello-Cotton Company, aujourd’hui Kimberly-Clark), est diffusé dans les écoles pendant près de 20 ans auprès de 105 millions de jeunes Américains. Dès sa sortie, le fim reçoit le ''Good Housekeeping Seal of Approval'' (approbation officielle d’un magazine féminin renommé aux États-Unis), ce qui explique très probablement sa longévité.<br> | ||
C'est l'un des premiers films publicitaires sponsorisés à être distribué dans les écoles. Un livret | C'est l'un des premiers films publicitaires sponsorisés à être distribué dans les écoles. Un livret intitulé ''Very Personally Yours'' et comprenant des encarts publicitaires pour les produits de la marque Kotex, est fourni aux instituteurs et aux élèves. Il déconseille notamment l'usage des tampons hygiéniques, produits vendus principalement sous la marque Tampax par la société concurrente, Procter & Gamble.<br> | ||
Pour s’assurer de l’exactitude des propos, un gynécologue, Mason Hohn, est engagé | Pour s’assurer de l’exactitude des propos, un gynécologue, Mason Hohn, est engagé comme consultant. Il donne du crédit au film afin que les médecins et infirmières scolaires approuvent sa diffusion. Son implication contribue à accentuer l’aspect biologique du film, plus que son aspect marketing.<br> | ||
D’autres courts-métrages, aussi appelés ''shorts'', vont suivre la même année tels que ''Treasure from the Sea'' (Dow Chemical Company, sur le thème du magnésium) ou ''Bathing Time for Baby'' (Johnson & Johnson).<br> | |||
D’autres courts-métrages, aussi appelés shorts, vont suivre la même année tels que ''Treasure from the Sea'' (Dow Chemical Company, sur le thème du magnésium) ou ''Bathing Time for Baby'' (Johnson & Johnson). | |||
Un autre dessin animé, ''How to Catch a Cold'' (sponsorisé par Kleenex, qui appartient également à la Cello-Cotton Company), connaît le même succès pédagogique puisqu’après sa première diffusion en 1951, il est présenté de nombreuses années durant dans les écoles américaines. | Un autre dessin animé, ''How to Catch a Cold'' (sponsorisé par Kleenex, qui appartient également à la Cello-Cotton Company), connaît le même succès pédagogique puisqu’après sa première diffusion en 1951, il est présenté de nombreuses années durant dans les écoles américaines. | ||
Mais | Mais au bout du compte, la production des films pédagogiques s’avère peu rentable car les écoles se prêtent les bobines sans passer par le studio pour éviter de payer la location des films. Et surtout, cette production passe au second plan. En conséquence, Disney cesse de faire dans l’éducatif au tournant des années 1950 et réinvestit peu à peu le monde des princesses et des contes. | ||
Loin du milieu scolaire, l’expérience pédagogique se poursuit néanmoins à la télévision en 1955 et 1956 via une série de courts-métrages, ''I’m no fool'', diffusée pendant le ''Mickey Mouse Club''. Jiminy Cricket y joue au maître d’école bienveillant qui apprend aux téléspectateurs à se comporter dans la rue, en voiture, dans l’eau, etc. Cette série dénote la volonté de Walt Disney de continuer à produire du divertissement à valeur ajoutée, sans pour autant revendiquer une réelle mission culturelle ou éducative. | |||
D’autres séries comme les ''You…'' (1956-1962) ou les ''Walt Disney presents…'' (1958-1961, présentés par Walt Disney lui-même) perdurent pendant plusieurs années.<br> | |||
C’est aussi dans cet état d’esprit que Walt Disney continue de proposer des extraits de ses films ou épisodes télévisuels aux écoles américaines jusqu’au milieu des années 1960. Quelques courts-métrages comme ''Donald’s Fire Survival Plan'' (1966) sont d’ailleurs produits uniquement à destination des établissements scolaires. | C’est aussi dans cet état d’esprit que Walt Disney continue de proposer des extraits de ses films ou épisodes télévisuels aux écoles américaines jusqu’au milieu des années 1960. Quelques courts-métrages comme ''Donald’s Fire Survival Plan'' (1966) sont d’ailleurs produits uniquement à destination des établissements scolaires. | ||
Après la disparition de Walt Disney en 1966, ses héritiers (sa veuve et ses | Après la disparition de Walt Disney en 1966, ses héritiers (sa veuve et ses deux filles) reprennent la direction des studios et décident en 1969 de faire renaître les productions éducatives en créant une entreprise qui leur sera spécialement dédiée : la ''Walt Disney Educational Materials Co.'' Celle-ci change une première fois de nom à la fin des années 1970 (''Walt Disney Educational Media Co.'') avant de prendre en 1987 son nom actuel de ''Disney Educational Productions.''<br> | ||
Carl Nater devient président de cette « nouvelle » division : son chiffre annuel est à l’époque d’environ 1 million de dollars grâce à la vente et à la location de films aux écoles, mais une volonté d’expansion se fait vite sentir. <br> | Carl Nater devient président de cette « nouvelle » division : son chiffre annuel est à l’époque d’environ 1 million de dollars grâce à la vente et à la location de films aux écoles, mais une volonté d’expansion se fait vite sentir. <br> | ||
Une filiale indépendante, WDEMCO, est donc créée afin de proposer un catalogue plus varié sur des sujets très divers. C’est cette variété qui, à partir de 1973, va permettre à la filiale d’engranger plus de 10 millions de dollars par an. | Une filiale indépendante, WDEMCO, est donc créée afin de proposer un catalogue plus varié sur des sujets très divers. C’est cette variété qui, à partir de 1973, va permettre à la filiale d’engranger plus de 10 millions de dollars par an.<br> | ||
Les courts-métrages ainsi produits seront aussi bien animés que réalisés en prises de vues réelles. Cette dernière catégorie est la plus fournie car ce type de courts-métrages s’avère bien moins cher à produire.<br> | Les courts-métrages ainsi produits seront aussi bien animés que réalisés en prises de vues réelles. Cette dernière catégorie est la plus fournie car ce type de courts-métrages s’avère bien moins cher à produire.<br> | ||
La gamme des thèmes abordés va de la santé (méfaits du tabac, intérêt du sport, fonctionnement de certains organes, etc.), aux explications scientifiques sur l’atome ou l’espace, en passant par des portraits de grands personnages tels que Léonard de Vinci. | La gamme des thèmes abordés va de la santé (méfaits du tabac, intérêt du sport, fonctionnement de certains organes, etc.), aux explications scientifiques sur l’atome ou l’espace, en passant par des portraits de grands personnages tels que Léonard de Vinci.<br> | ||
Plusieurs séries avec différentes thématiques voient le jour parmi lesquelles on peut citer : <br> | Plusieurs séries avec différentes thématiques voient le jour parmi lesquelles on peut citer : <br> | ||
- ''Upjohn’s Triangle of Health'' (1968-1979) : Upjohn est une entreprise pharmaceutique. Elle commande à Disney des dessins animés expliquant que la santé passe par | - ''Upjohn’s Triangle of Health'' (1968-1979) : Upjohn est une entreprise pharmaceutique. Elle commande à Disney des dessins animés expliquant que la santé passe par l’équilibre<br> | ||
- ''What should I do'' (1969-1970) : explique les réactions à adopter face à certaines | - ''What should I do'' (1969-1970) : explique les réactions à adopter face à certaines situations<br> | ||
- ''A Lesson'' (1978-1981) donne des leçons de savoir-vivre en vantant les mérites de l’honnêteté, de la recherche de compromis, etc. | - ''A Lesson'' (1978-1981) donne des leçons de savoir-vivre en vantant les mérites de l’honnêteté, de la recherche de compromis, etc. | ||
| Ligne 254 : | Ligne 247 : | ||
- ''VD Blues'', une émission spéciale d’une heure diffusée sur PBS (présentée par Dick Cavett) qui remporte un ''Emmy Award'' dans sa catégorie. Elle traite des dangers des maladies vénériennes sous forme de sketches. Un second opus est même lancé en 1973 dans lequel Dick Cavett brandit une lunette de toilettes en s’écriant "vous n’attraperez pas de maladies vénérienne avec ça !" (''You won’t get VD from one of these !''). | - ''VD Blues'', une émission spéciale d’une heure diffusée sur PBS (présentée par Dick Cavett) qui remporte un ''Emmy Award'' dans sa catégorie. Elle traite des dangers des maladies vénériennes sous forme de sketches. Un second opus est même lancé en 1973 dans lequel Dick Cavett brandit une lunette de toilettes en s’écriant "vous n’attraperez pas de maladies vénérienne avec ça !" (''You won’t get VD from one of these !''). | ||
Inspirée par cette mouvance, la directrice de la ''Walt Disney Educational Media Company'' de l’époque, Donna George (PhD), décide de se lancer sur un thème quasi inexploré chez Disney : celui des maladies vénériennes. Ces maladies font en effet rage dans les lycées à ce moment-là et beaucoup de professeurs en éducation | Inspirée par cette mouvance, la directrice de la ''Walt Disney Educational Media Company'' de l’époque, Donna George (PhD), décide de se lancer sur un thème quasi inexploré chez Disney : celui des maladies vénériennes. Ces maladies font en effet rage dans les lycées à ce moment-là et beaucoup de professeurs en éducation à la santé à travers tout le pays recherchent désespérément des supports audiovisuels qui permettraient de réellement faire passer un message de prévention auprès des élèves.<br> | ||
Comme le rappelle Charles Grizzle dans une interview de 1999, Donna George sentait que Disney pourrait répondre à ce besoin. C'est de là qu'est né [[VD_Attack_Plan]]. Le projet est toutefois mal reçu au sein de Disney, notamment par la vieille garde. Au niveau de la direction, Ron Miller (gendre de Walt Disney), Donn Tatum et Card Walker (présidents de la société) craignent que le fait d’aborder des sujets sexuels ne soit mal accueilli par la presse et que cela ne vienne impacter les entrées des grandes productions cinématographiques. | Comme le rappelle Charles Grizzle dans une interview de 1999, Donna George sentait que Disney pourrait répondre à ce besoin. C'est de là qu'est né [[VD_Attack_Plan]]. Le projet est toutefois mal reçu au sein de Disney, notamment par la vieille garde. Au niveau de la direction, Ron Miller (gendre de Walt Disney), Donn Tatum et Card Walker (présidents de la société) craignent que le fait d’aborder des sujets sexuels ne soit mal accueilli par la presse et que cela ne vienne impacter les entrées des grandes productions cinématographiques. Donna George leur répond en ces termes : "Nous n’allons pas parler de sexe ; nous allons parler de santé, d’un problème de santé très sérieux" (''We’re not dealing with sex ; we’re dealing with health, a very serious health issue.'')<br> Carte blanche est donnée pour la conception du court-métrage mais un silence absolu sur le sujet est exigé des employés. À sa sortie en 1973, [[VD_Attack_Plan]] est reçu de façon très positive par les enseignants qui l’utilisent pendant plusieurs années dans les cours d’éducation sexuelle des lycées ou universités. Mais même avec ce "succès", Disney restera toujours discret sur l’existence de ce film au niveau du grand public. | ||
Donna George leur répond | |||
Carte blanche est donnée pour la conception du court-métrage mais un silence absolu sur le sujet est exigé des employés. À sa sortie en 1973, [[VD_Attack_Plan]] est très | |||
Outre le thème abordé, ce court-métrage en 16mm est très particulier par bien des aspects :<br> | Outre le thème abordé, ce court-métrage en 16mm est très particulier par bien des aspects :<br> | ||
- le titre du film est à double sens : il peut être pris comme le plan d’attaque des maladies vénériennes ou le plan d’attaque contre les maladies vénériennes.<br> | - le titre du film est à double sens : il peut être pris comme le plan d’attaque des maladies vénériennes ou le plan d’attaque contre les maladies vénériennes.<br> | ||
- le graphisme : simple mais soigné, avec une palette de couleurs limitées. Les humains sont | - le graphisme : simple mais soigné, avec une palette de couleurs limitées. Les humains sont représentés par des lignes anguleuses qui permettent de reconnaître aisément de quel genre on parle tout en le "désexualisant". Le format même du dessin animé permet de toucher les adolescents pendant longtemps sans risque d’obsolescence car même s’il a une petite patte années 70, le fait qu’il s’agisse de personnages animés réduit le risque de paraître démodé ou hors de son temps.<br> | ||
[[Fichier:VD Attack Sergeant.jpg|vignette|Le personnage du "sergent" dans VD Attack Plan|right|200px]] | [[Fichier:VD Attack Sergeant.jpg|vignette|Le personnage du "sergent" dans VD Attack Plan|right|200px]] | ||
- le personnage principal est l’agent infectieux lui-même (avec la voix de Keenan Wynn, acteur que l’on retrouve dans d’autres films Disney comme ''The Absent-Minded Professor'' de 1961 ou ''Herbie Rides Again'' de 1974). Il porte un casque à pointe similaire à ceux des Allemands pendant la Première Guerre mondiale.<br> | - le personnage principal est l’agent infectieux lui-même (avec la voix de Keenan Wynn, acteur que l’on retrouve dans d’autres films Disney comme ''The Absent-Minded Professor'' de 1961 ou ''Herbie Rides Again'' de 1974). Il porte un casque à pointe similaire à ceux des Allemands pendant la Première Guerre mondiale.<br> | ||
| Ligne 276 : | Ligne 265 : | ||
- le discours utilise de l’argot (''clap, syph'').<br> | - le discours utilise de l’argot (''clap, syph'').<br> | ||
- alors que d’autres films de l’époque associent les maladies vénériennes à certains types d’individus (par exemple les prostituées dans ''Summer of ’63''), [[VD_Attack_Plan]] explique que la gonorrhée et la syphilis frappent sans discernement, et peuvent donc potentiellement toucher tout le monde. Il est d'ailleurs fait référence à toutes les couleurs de peau des êtres humains.<br> | - alors que d’autres films de l’époque associent les maladies vénériennes à certains types d’individus (par exemple les prostituées dans ''Summer of ’63''), [[VD_Attack_Plan]] explique que la gonorrhée et la syphilis frappent sans discernement, et peuvent donc potentiellement toucher tout le monde. Il est d'ailleurs fait référence à toutes les couleurs de peau des êtres humains.<br> | ||
- l’usage du préservatif est évoqué comme moyen de prévention alors que les autres films éducatifs de l’époque mettent quasi-exclusivement en avant l’abstinence. Les établissements scolaires refusent en effet de diffuser les films évoquant la pilule ou le préservatif car ils pensent que cela aurait pour conséquence d’encourager les adolescents à avoir des relations sexuelles. | - l’usage du préservatif est évoqué comme moyen de prévention alors que les autres films éducatifs de l’époque mettent quasi-exclusivement en avant l’abstinence. Les établissements scolaires refusent en effet de diffuser les films évoquant la pilule ou le préservatif car ils pensent que cela aurait pour conséquence d’encourager les adolescents à avoir des relations sexuelles.<br> | ||
D’ailleurs, afin d’éviter que les associations parentales ou religieuses ne s’insurgent contre le film, celui-ci a longtemps été projeté en deux versions selon les lieux : une version destinée aux lycéens, courte et débarrassée de la mention du préservatif, et une version complète destinée aux jeunes adultes (universités) ou aux militaires. | D’ailleurs, afin d’éviter que les associations parentales ou religieuses ne s’insurgent contre le film, celui-ci a longtemps été projeté en deux versions selon les lieux : une version destinée aux lycéens, courte et débarrassée de la mention du préservatif, et une version complète destinée aux jeunes adultes (universités) ou aux militaires. | ||
| Ligne 283 : | Ligne 271 : | ||
Bien que ce thème ait très peu été évoqué par Disney, les studios avaient tout de même déjà sorti un film destiné aux soldats en 1944 évoquant le problème des maladies vénériennes sous le titre ''A few quick facts #7'' mais il n’en reste que peu de traces. (Il est extrêmement difficile de savoir s'il est toujours classifié.)<br> | Bien que ce thème ait très peu été évoqué par Disney, les studios avaient tout de même déjà sorti un film destiné aux soldats en 1944 évoquant le problème des maladies vénériennes sous le titre ''A few quick facts #7'' mais il n’en reste que peu de traces. (Il est extrêmement difficile de savoir s'il est toujours classifié.)<br> | ||
La même année (1944), une courte BD (parue dans le magazine ''Look'', bimensuel américain à fort tirage, mois d’avril) met également en scène Mickey qui doit se faire traiter contre la gonorrhée (à noter : le dessin n°23 !) | |||
[[Fichier:The Sulfa Drugs 1.jpg|vignette|center| | [[Fichier:The Sulfa Drugs 1.jpg|vignette|center|450px]] | ||
[[Fichier:The Sulfa Drugs 2.jpg|vignette|center| | [[Fichier:The Sulfa Drugs 2.jpg|vignette|center|450px]] | ||
==== Conclusion ==== | ==== Conclusion ==== | ||
En définitive, on constate que c’est un contexte multiple qui est à l’origine de de la production de films médicaux pédagogiques par les | En définitive, on constate que c’est un contexte multiple qui est à l’origine de de la production de films médicaux pédagogiques par les studios Disney à partir des années 1940.<br> | ||
À l’évidence, l’histoire de Disney et de ses productions a marqué la seconde partie du XXe siècle de bien des façons, tant | À l’évidence, l’histoire de Disney et de ses productions a marqué la seconde partie du XXe siècle de bien des façons, tant par son implication patriotique que par sa volonté éducative. Même si, au fil des années, les messages se sont trouvés de plus en plus galvaudés par la bienséance et le puritanisme inhérent à la société américaine, il n’en reste pas moins que ces productions témoignent de leur époque et des façons dont on souhaitait éduquer les adultes, américains ou non, et leurs enfants. | ||
Quant à la portée réelle de ces films, elle est | Quant à la portée réelle de ces films, elle est difficile à évaluer. On retrouve trace d’une expérience menée par Ken Pickering en 1951 et 1953 en Ouganda et au Ghana où des films comme ''Hookworm'' ou ''The Winged Scourge'' ont été diffusés à des populations illettrées. En Ouganda, ces diffusions ont été accompagnées d’explications sur la maladie et sur les moyens de la combattre qui sont énoncés dans le film. Cela n’a en revanche pas été le cas au Ghana où les films ont été diffusés sans environnement explicatif. Dans le rapport de conclusion de 1955, il s'avère que le message de prévention a été clairement compris et assimilé par les populations "testées" en Ouganda, alors qu’il s’est trouvé complètement galvaudé au Ghana. Ken Pickering en conclut que si les films sanitaires Disney sont soigneusement encadrés et expliqués, ils peuvent être d’une aide non négligeable dans le combat des maladies en Afrique. | ||
Dans le rapport de conclusion de 1955, il | |||
Qu’en est-il au niveau des populations lettrées d’Amérique ? Il semble qu’il y ait peu de place au doute. Pourtant un film comme ''The Story of Menstruation'' a bien ancré pendant plus de 20 ans dans l’esprit des jeunes filles une image réductrice d’elles-mêmes, de leur corps et de leur sexualité. Est-ce que la façon dont est abordé le film est un reflet des attitudes culturelles de l’époque, ou ces habitudes culturelles ont-elles perduré à cause de ce film, cela est difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c’est que les films pédagogiques Disney ont bel et bien marqué leur époque : reste à savoir quel en est l’héritage actuel. | Qu’en est-il au niveau des populations lettrées d’Amérique ? Il semble qu’il y ait peu de place au doute. Pourtant un film comme ''The Story of Menstruation'' a bien ancré pendant plus de 20 ans dans l’esprit des jeunes filles une image réductrice d’elles-mêmes, de leur corps et de leur sexualité. Est-ce que la façon dont est abordé le film est un reflet des attitudes culturelles de l’époque, ou ces habitudes culturelles ont-elles perduré à cause de ce film, cela est difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c’est que les films pédagogiques Disney ont bel et bien marqué leur époque : reste à savoir quel en est l’héritage actuel. | ||
| Ligne 338 : | Ligne 325 : | ||
Winters Jordan M., ''Send in the Mouse: How American Politicians Used Walt Disney Productions to Safeguard the American Home Front in WWII'', University of Washington Tacoma, 2014, https://digitalcommons.tacoma.uw.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1012&context=history_theses (consultéle 3 mai 2023)<br> | Winters Jordan M., ''Send in the Mouse: How American Politicians Used Walt Disney Productions to Safeguard the American Home Front in WWII'', University of Washington Tacoma, 2014, https://digitalcommons.tacoma.uw.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1012&context=history_theses (consultéle 3 mai 2023)<br> | ||
Zatz Marjorie S., Gamboa Erasmo, ''Mexican Labor and World War II: Braceros in the Pacific Northwest, 1942-1947'', University of Washington Press, October 2000 | Zatz Marjorie S., Gamboa Erasmo, ''Mexican Labor and World War II: Braceros in the Pacific Northwest, 1942-1947'', University of Washington Press, October 2000 | ||
|Liens externes=r | |||
}} | }} | ||
|auteurs=Séléna Turquetil | |auteurs=Séléna Turquetil | ||
}} | }} | ||
{{Inventaire}} | {{Inventaire}} | ||
Dernière version du 9 août 2023 à 08:29
Sur MedFilm
Société de production pour
Contributeurs : Séléna Turquetil

















