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|Description=== Walt Disney | |Description=== Les films utilitaires de Walt Disney == | ||
Walt Disney est un nom qui parle à l’imaginaire collectif. À l’évocation de ce nom, certains pensent à la pléiade de dessins animés qui ont bien souvent bercé leur enfance ; d’autres aux parcs d’attractions ou bien à l’homme lui-même qui, parti de rien, a réussi à créer un véritable empire.<br> | Walt Disney est un nom qui parle à l’imaginaire collectif. À l’évocation de ce nom, certains pensent à la pléiade de dessins animés qui ont bien souvent bercé leur enfance ; d’autres aux parcs d’attractions ou bien à l’homme lui-même qui, parti de rien, a réussi à créer un véritable empire.<br> | ||
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- '''''What is disease''''' : la version espagnole est plus infantilisante que la version anglaise (le mot "paludisme" est cité dans la version anglaise alors que la version espagnole se cantonne au terme générique de "maladie"). Le personnage y est appelé Ramón alors que dans la version anglaise il ne porte pas de nom. Et le narrateur tutoie le personnage principal alors qu'il vouvoie le médecin... et la mouche !<br> | - '''''What is disease''''' : la version espagnole est plus infantilisante que la version anglaise (le mot "paludisme" est cité dans la version anglaise alors que la version espagnole se cantonne au terme générique de "maladie"). Le personnage y est appelé Ramón alors que dans la version anglaise il ne porte pas de nom. Et le narrateur tutoie le personnage principal alors qu'il vouvoie le médecin... et la mouche !<br> | ||
- '''''Cuidado y alimentación infantil''''' : le film est en espagnol, mais les enfants y ont tous des prénoms anglophones, ce qui sous-entend qu’il est plutôt destiné aux populations émigrées. Les clichés portent sur les vêtements, la nourriture (papaye, melon) et sur la famille nombreuse.<br> | - '''''Cuidado y alimentación infantil''''' : le film est en espagnol, mais les enfants y ont tous des prénoms anglophones, ce qui sous-entend qu’il est plutôt destiné aux populations émigrées. Les clichés portent sur les vêtements, la nourriture (papaye, melon) et sur la famille nombreuse.<br> | ||
- ''''El cuerpo humano''''' : ce film reprend beaucoup d’éléments présents dans d’autres films. Ainsi, l’homme avec sa binette qui cultive du maïs fait penser à celui de ''What is Disease'' (la musculature en plus…). Sa maison y est d’ailleurs identique, de même que la scène de l’ajout de la fenêtre. | - '''''El cuerpo humano''''' : ce film reprend beaucoup d’éléments présents dans d’autres films. Ainsi, l’homme avec sa binette qui cultive du maïs fait penser à celui de ''What is Disease'' (la musculature en plus…). Sa maison y est d’ailleurs identique, de même que la scène de l’ajout de la fenêtre. Quant à la démonstration du fonctionnement des poumons, elle est identique à celle de ''Tuberculosis''. Les clichés sont aussi nombreux, tel le fait que le protagoniste mange trop souvent des ''frijoles''. Il est par ailleurs intéressant de noter que même si le film prône au tout début un message de diversité, la représentation de l’homme moyen est celle d’un caucasien, jeune et musclé.<br> | ||
- '''Insects as carriers of disease ''''' : on retrouve le personnage de Ramón qui apparaît dans ''What is disease''. Le discours y est sensiblement le même.<br> | - '''''Insects as carriers of disease ''''' : on retrouve le personnage de Ramón qui apparaît dans ''What is disease''. Le discours y est sensiblement le même.<br> | ||
Ce personnage de Ramón, communément appelé '' | Ce personnage de Ramón, communément appelé dans les versions anglaises ''Careless Charlie'' se retrouve également dans ''Cleanliness Brings Health, How Disease Travels'' et ''Planning for Good Eating.''<br> | ||
- '''''Tuberculosis''''' : on y retrouve beaucoup de scènes de ''What is disease '': la chambre où tous dorment ensemble alors qu’un enfant est malade ; le lait qui bout comme l’eau ; etc. Les légumes donnés en exemple sont les mêmes que ceux de ''Cuidado y alimentación infantil.''<br> | - '''''Tuberculosis''''' : on y retrouve beaucoup de scènes de ''What is disease '': la chambre où tous dorment ensemble alors qu’un enfant est malade ; le lait qui bout comme l’eau ; etc. Les légumes donnés en exemple sont les mêmes que ceux de ''Cuidado y alimentación infantil.''<br> | ||
Dans la plupart des cas, on constate un recyclage de scènes clés (la réutilisation de la scène du lavage de mains est quasi systématique) ou du procédé visuel (utilisation du pinceau pour faire apparaître/disparaître des éléments). Idem, les points de préoccupation se recoupent très souvent : mouches et moustiques à annihiler, eau à faire bouillir, etc.<br> | Dans la plupart des cas, on constate un recyclage de scènes clés (la réutilisation de la scène du lavage de mains est quasi systématique) ou du procédé visuel (utilisation du pinceau pour faire apparaître/disparaître des éléments). Idem, les points de préoccupation se recoupent très souvent : mouches et moustiques à annihiler, eau à faire bouillir, etc.<br> | ||
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==== V. La filiale des films pédagogiques Disney : ==== | ==== V. La filiale des films pédagogiques Disney : ==== | ||
Au sortir de la guerre, Walt Disney inaugure finalement un département consacré aux films éducatifs dans une volonté de contribuer à bâtir un monde propre et fertile. Carl Nater, qui était déjà coordinateur de production des films pédagogiques militaires pendant la guerre, est nommé | Au sortir de la guerre, Walt Disney inaugure finalement un département consacré aux films éducatifs dans une volonté de contribuer à bâtir un monde propre et fertile. Carl Nater, qui était déjà coordinateur de production des films pédagogiques militaires pendant la guerre, est nommé à la tête de cette division en 1945 (il y restera pendant plus de 20 ans). <br> | ||
Mais sous l’apparence d’une approche scientifique et factuelle, Walt Disney forge, ou du moins se conforme, au carcan puritain et hygiéniste de l’Amérique d’après-guerre. | Mais sous l’apparence d’une approche scientifique et factuelle, Walt Disney forge, ou du moins se conforme, au carcan puritain et hygiéniste de l’Amérique d’après-guerre. | ||
On peut ainsi citer ''The Story of Menstruation'' (1946) qui présente une vision très traditionnelle des jeunes filles et explique le principe de la menstruation d’une manière très "princesse" | On peut ainsi citer ''The Story of Menstruation'' (1946) qui présente une vision très traditionnelle des jeunes filles et explique le principe de la menstruation d’une manière très "princesse" puisque, par exemple, les pertes y sont blanches et non rouges. Le graphisme fait penser à celui de Cendrillon dont la production est officiellement reprise la même année.<br> | ||
Le graphisme fait penser à celui de Cendrillon dont la production est officiellement reprise la même année.<br> | |||
Ce film, sponsorisé par la marque Kotex (Cello-Cotton Company, aujourd’hui Kimberly-Clark), est diffusé dans les écoles pendant près de 20 ans auprès de 105 millions de jeunes Américains. Dès sa sortie, le fim reçoit le ''Good Housekeeping Seal of Approval'' (approbation officielle d’un magazine féminin renommé aux États-Unis), ce qui explique très probablement sa longévité.<br> | Ce film, sponsorisé par la marque Kotex (Cello-Cotton Company, aujourd’hui Kimberly-Clark), est diffusé dans les écoles pendant près de 20 ans auprès de 105 millions de jeunes Américains. Dès sa sortie, le fim reçoit le ''Good Housekeeping Seal of Approval'' (approbation officielle d’un magazine féminin renommé aux États-Unis), ce qui explique très probablement sa longévité.<br> | ||
C'est l'un des premiers films publicitaires sponsorisés à être distribué dans les écoles. Un livret | C'est l'un des premiers films publicitaires sponsorisés à être distribué dans les écoles. Un livret intitulé ''Very Personally Yours'' et comprenant des encarts publicitaires pour les produits de la marque Kotex, est fourni aux instituteurs et aux élèves. Il déconseille notamment l'usage des tampons hygiéniques, produits vendus principalement sous la marque Tampax par la société concurrente, Procter & Gamble.<br> | ||
Pour s’assurer de l’exactitude des propos, un gynécologue, Mason Hohn, est engagé | Pour s’assurer de l’exactitude des propos, un gynécologue, Mason Hohn, est engagé comme consultant. Il donne du crédit au film afin que les médecins et infirmières scolaires approuvent sa diffusion. Son implication contribue à accentuer l’aspect biologique du film, plus que son aspect marketing.<br> | ||
D’autres courts-métrages, aussi appelés ''shorts'', vont suivre la même année tels que ''Treasure from the Sea'' (Dow Chemical Company, sur le thème du magnésium) ou ''Bathing Time for Baby'' (Johnson & Johnson).<br> | |||
D’autres courts-métrages, aussi appelés shorts, vont suivre la même année tels que ''Treasure from the Sea'' (Dow Chemical Company, sur le thème du magnésium) ou ''Bathing Time for Baby'' (Johnson & Johnson). | |||
Un autre dessin animé, ''How to Catch a Cold'' (sponsorisé par Kleenex, qui appartient également à la Cello-Cotton Company), connaît le même succès pédagogique puisqu’après sa première diffusion en 1951, il est présenté de nombreuses années durant dans les écoles américaines. | Un autre dessin animé, ''How to Catch a Cold'' (sponsorisé par Kleenex, qui appartient également à la Cello-Cotton Company), connaît le même succès pédagogique puisqu’après sa première diffusion en 1951, il est présenté de nombreuses années durant dans les écoles américaines. | ||
Mais | Mais au bout du compte, la production des films pédagogiques s’avère peu rentable car les écoles se prêtent les bobines sans passer par le studio pour éviter de payer la location des films. Et surtout, cette production passe au second plan. En conséquence, Disney cesse de faire dans l’éducatif au tournant des années 1950 et réinvestit peu à peu le monde des princesses et des contes. | ||
Loin du milieu scolaire, l’expérience pédagogique se poursuit néanmoins à la télévision en 1955 et 1956 via une série de courts-métrages, ''I’m no fool'', diffusée pendant le ''Mickey Mouse Club''. Jiminy Cricket y joue au maître d’école bienveillant qui apprend aux téléspectateurs à se comporter dans la rue, en voiture, dans l’eau, etc. Cette série dénote la volonté de Walt Disney de continuer à produire du divertissement à valeur ajoutée, sans pour autant revendiquer une réelle mission culturelle ou éducative. | |||
D’autres séries comme les ''You…'' (1956-1962) ou les ''Walt Disney presents…'' (1958-1961, présentés par Walt Disney lui-même) perdurent pendant plusieurs années.<br> | |||
C’est aussi dans cet état d’esprit que Walt Disney continue de proposer des extraits de ses films ou épisodes télévisuels aux écoles américaines jusqu’au milieu des années 1960. Quelques courts-métrages comme ''Donald’s Fire Survival Plan'' (1966) sont d’ailleurs produits uniquement à destination des établissements scolaires. | C’est aussi dans cet état d’esprit que Walt Disney continue de proposer des extraits de ses films ou épisodes télévisuels aux écoles américaines jusqu’au milieu des années 1960. Quelques courts-métrages comme ''Donald’s Fire Survival Plan'' (1966) sont d’ailleurs produits uniquement à destination des établissements scolaires. | ||
Après la disparition de Walt Disney en 1966, ses héritiers (sa veuve et ses | Après la disparition de Walt Disney en 1966, ses héritiers (sa veuve et ses deux filles) reprennent la direction des studios et décident en 1969 de faire renaître les productions éducatives en créant une entreprise qui leur sera spécialement dédiée : la ''Walt Disney Educational Materials Co.'' Celle-ci change une première fois de nom à la fin des années 1970 (''Walt Disney Educational Media Co.'') avant de prendre en 1987 son nom actuel de ''Disney Educational Productions.''<br> | ||
Carl Nater devient président de cette « nouvelle » division : son chiffre annuel est à l’époque d’environ 1 million de dollars grâce à la vente et à la location de films aux écoles, mais une volonté d’expansion se fait vite sentir. <br> | Carl Nater devient président de cette « nouvelle » division : son chiffre annuel est à l’époque d’environ 1 million de dollars grâce à la vente et à la location de films aux écoles, mais une volonté d’expansion se fait vite sentir. <br> | ||
Une filiale indépendante, WDEMCO, est donc créée afin de proposer un catalogue plus varié sur des sujets très divers. C’est cette variété qui, à partir de 1973, va permettre à la filiale d’engranger plus de 10 millions de dollars par an. | Une filiale indépendante, WDEMCO, est donc créée afin de proposer un catalogue plus varié sur des sujets très divers. C’est cette variété qui, à partir de 1973, va permettre à la filiale d’engranger plus de 10 millions de dollars par an.<br> | ||
Les courts-métrages ainsi produits seront aussi bien animés que réalisés en prises de vues réelles. Cette dernière catégorie est la plus fournie car ce type de courts-métrages s’avère bien moins cher à produire.<br> | Les courts-métrages ainsi produits seront aussi bien animés que réalisés en prises de vues réelles. Cette dernière catégorie est la plus fournie car ce type de courts-métrages s’avère bien moins cher à produire.<br> | ||
La gamme des thèmes abordés va de la santé (méfaits du tabac, intérêt du sport, fonctionnement de certains organes, etc.), aux explications scientifiques sur l’atome ou l’espace, en passant par des portraits de grands personnages tels que Léonard de Vinci. | La gamme des thèmes abordés va de la santé (méfaits du tabac, intérêt du sport, fonctionnement de certains organes, etc.), aux explications scientifiques sur l’atome ou l’espace, en passant par des portraits de grands personnages tels que Léonard de Vinci.<br> | ||
Plusieurs séries avec différentes thématiques voient le jour parmi lesquelles on peut citer : <br> | Plusieurs séries avec différentes thématiques voient le jour parmi lesquelles on peut citer : <br> | ||
- ''Upjohn’s Triangle of Health'' (1968-1979) : Upjohn est une entreprise pharmaceutique. Elle commande à Disney des dessins animés expliquant que la santé passe par | - ''Upjohn’s Triangle of Health'' (1968-1979) : Upjohn est une entreprise pharmaceutique. Elle commande à Disney des dessins animés expliquant que la santé passe par l’équilibre<br> | ||
- ''What should I do'' (1969-1970) : explique les réactions à adopter face à certaines | - ''What should I do'' (1969-1970) : explique les réactions à adopter face à certaines situations<br> | ||
- ''A Lesson'' (1978-1981) donne des leçons de savoir-vivre en vantant les mérites de l’honnêteté, de la recherche de compromis, etc. | - ''A Lesson'' (1978-1981) donne des leçons de savoir-vivre en vantant les mérites de l’honnêteté, de la recherche de compromis, etc. | ||
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- ''VD Blues'', une émission spéciale d’une heure diffusée sur PBS (présentée par Dick Cavett) qui remporte un ''Emmy Award'' dans sa catégorie. Elle traite des dangers des maladies vénériennes sous forme de sketches. Un second opus est même lancé en 1973 dans lequel Dick Cavett brandit une lunette de toilettes en s’écriant "vous n’attraperez pas de maladies vénérienne avec ça !" (''You won’t get VD from one of these !''). | - ''VD Blues'', une émission spéciale d’une heure diffusée sur PBS (présentée par Dick Cavett) qui remporte un ''Emmy Award'' dans sa catégorie. Elle traite des dangers des maladies vénériennes sous forme de sketches. Un second opus est même lancé en 1973 dans lequel Dick Cavett brandit une lunette de toilettes en s’écriant "vous n’attraperez pas de maladies vénérienne avec ça !" (''You won’t get VD from one of these !''). | ||
Inspirée par cette mouvance, la directrice de la ''Walt Disney Educational Media Company'' de l’époque, Donna George (PhD), décide de se lancer sur un thème quasi inexploré chez Disney : celui des maladies vénériennes. Ces maladies font en effet rage dans les lycées à ce moment-là et beaucoup de professeurs en éducation | Inspirée par cette mouvance, la directrice de la ''Walt Disney Educational Media Company'' de l’époque, Donna George (PhD), décide de se lancer sur un thème quasi inexploré chez Disney : celui des maladies vénériennes. Ces maladies font en effet rage dans les lycées à ce moment-là et beaucoup de professeurs en éducation à la santé à travers tout le pays recherchent désespérément des supports audiovisuels qui permettraient de réellement faire passer un message de prévention auprès des élèves.<br> | ||
Comme le rappelle Charles Grizzle dans une interview de 1999, Donna George sentait que Disney pourrait répondre à ce besoin. C'est de là qu'est né [[VD_Attack_Plan]]. Le projet est toutefois mal reçu au sein de Disney, notamment par la vieille garde. Au niveau de la direction, Ron Miller (gendre de Walt Disney), Donn Tatum et Card Walker (présidents de la société) craignent que le fait d’aborder des sujets sexuels ne soit mal accueilli par la presse et que cela ne vienne impacter les entrées des grandes productions cinématographiques. | Comme le rappelle Charles Grizzle dans une interview de 1999, Donna George sentait que Disney pourrait répondre à ce besoin. C'est de là qu'est né [[VD_Attack_Plan]]. Le projet est toutefois mal reçu au sein de Disney, notamment par la vieille garde. Au niveau de la direction, Ron Miller (gendre de Walt Disney), Donn Tatum et Card Walker (présidents de la société) craignent que le fait d’aborder des sujets sexuels ne soit mal accueilli par la presse et que cela ne vienne impacter les entrées des grandes productions cinématographiques. Donna George leur répond en ces termes : "Nous n’allons pas parler de sexe ; nous allons parler de santé, d’un problème de santé très sérieux" (''We’re not dealing with sex ; we’re dealing with health, a very serious health issue.'')<br> Carte blanche est donnée pour la conception du court-métrage mais un silence absolu sur le sujet est exigé des employés. À sa sortie en 1973, [[VD_Attack_Plan]] est reçu de façon très positive par les enseignants qui l’utilisent pendant plusieurs années dans les cours d’éducation sexuelle des lycées ou universités. Mais même avec ce "succès", Disney restera toujours discret sur l’existence de ce film au niveau du grand public. | ||
Donna George leur répond | |||
Carte blanche est donnée pour la conception du court-métrage mais un silence absolu sur le sujet est exigé des employés. À sa sortie en 1973, [[VD_Attack_Plan]] est très | |||
Outre le thème abordé, ce court-métrage en 16mm est très particulier par bien des aspects :<br> | Outre le thème abordé, ce court-métrage en 16mm est très particulier par bien des aspects :<br> | ||
- le titre du film est à double sens : il peut être pris comme le plan d’attaque des maladies vénériennes ou le plan d’attaque contre les maladies vénériennes.<br> | - le titre du film est à double sens : il peut être pris comme le plan d’attaque des maladies vénériennes ou le plan d’attaque contre les maladies vénériennes.<br> | ||
- le graphisme : simple mais soigné, avec une palette de couleurs limitées. Les humains sont | - le graphisme : simple mais soigné, avec une palette de couleurs limitées. Les humains sont représentés par des lignes anguleuses qui permettent de reconnaître aisément de quel genre on parle tout en le "désexualisant". Le format même du dessin animé permet de toucher les adolescents pendant longtemps sans risque d’obsolescence car même s’il a une petite patte années 70, le fait qu’il s’agisse de personnages animés réduit le risque de paraître démodé ou hors de son temps.<br> | ||
[[Fichier:VD Attack Sergeant.jpg|vignette|Le personnage du "sergent" dans VD Attack Plan|right|200px]] | [[Fichier:VD Attack Sergeant.jpg|vignette|Le personnage du "sergent" dans VD Attack Plan|right|200px]] | ||
- le personnage principal est l’agent infectieux lui-même (avec la voix de Keenan Wynn, acteur que l’on retrouve dans d’autres films Disney comme ''The Absent-Minded Professor'' de 1961 ou ''Herbie Rides Again'' de 1974). Il porte un casque à pointe similaire à ceux des Allemands pendant la Première Guerre mondiale.<br> | - le personnage principal est l’agent infectieux lui-même (avec la voix de Keenan Wynn, acteur que l’on retrouve dans d’autres films Disney comme ''The Absent-Minded Professor'' de 1961 ou ''Herbie Rides Again'' de 1974). Il porte un casque à pointe similaire à ceux des Allemands pendant la Première Guerre mondiale.<br> | ||
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- le discours utilise de l’argot (''clap, syph'').<br> | - le discours utilise de l’argot (''clap, syph'').<br> | ||
- alors que d’autres films de l’époque associent les maladies vénériennes à certains types d’individus (par exemple les prostituées dans ''Summer of ’63''), [[VD_Attack_Plan]] explique que la gonorrhée et la syphilis frappent sans discernement, et peuvent donc potentiellement toucher tout le monde. Il est d'ailleurs fait référence à toutes les couleurs de peau des êtres humains.<br> | - alors que d’autres films de l’époque associent les maladies vénériennes à certains types d’individus (par exemple les prostituées dans ''Summer of ’63''), [[VD_Attack_Plan]] explique que la gonorrhée et la syphilis frappent sans discernement, et peuvent donc potentiellement toucher tout le monde. Il est d'ailleurs fait référence à toutes les couleurs de peau des êtres humains.<br> | ||
- l’usage du préservatif est évoqué comme moyen de prévention alors que les autres films éducatifs de l’époque mettent quasi-exclusivement en avant l’abstinence. Les établissements scolaires refusent en effet de diffuser les films évoquant la pilule ou le préservatif car ils pensent que cela aurait pour conséquence d’encourager les adolescents à avoir des relations sexuelles. | - l’usage du préservatif est évoqué comme moyen de prévention alors que les autres films éducatifs de l’époque mettent quasi-exclusivement en avant l’abstinence. Les établissements scolaires refusent en effet de diffuser les films évoquant la pilule ou le préservatif car ils pensent que cela aurait pour conséquence d’encourager les adolescents à avoir des relations sexuelles.<br> | ||
D’ailleurs, afin d’éviter que les associations parentales ou religieuses ne s’insurgent contre le film, celui-ci a longtemps été projeté en deux versions selon les lieux : une version destinée aux lycéens, courte et débarrassée de la mention du préservatif, et une version complète destinée aux jeunes adultes (universités) ou aux militaires. | D’ailleurs, afin d’éviter que les associations parentales ou religieuses ne s’insurgent contre le film, celui-ci a longtemps été projeté en deux versions selon les lieux : une version destinée aux lycéens, courte et débarrassée de la mention du préservatif, et une version complète destinée aux jeunes adultes (universités) ou aux militaires. | ||
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Bien que ce thème ait très peu été évoqué par Disney, les studios avaient tout de même déjà sorti un film destiné aux soldats en 1944 évoquant le problème des maladies vénériennes sous le titre ''A few quick facts #7'' mais il n’en reste que peu de traces. (Il est extrêmement difficile de savoir s'il est toujours classifié.)<br> | Bien que ce thème ait très peu été évoqué par Disney, les studios avaient tout de même déjà sorti un film destiné aux soldats en 1944 évoquant le problème des maladies vénériennes sous le titre ''A few quick facts #7'' mais il n’en reste que peu de traces. (Il est extrêmement difficile de savoir s'il est toujours classifié.)<br> | ||
La même année (1944), une courte BD (parue dans le magazine ''Look'', bimensuel américain à fort tirage, mois d’avril) met également en scène Mickey qui doit se faire traiter contre la gonorrhée (à noter : le dessin n°23 !) | |||
[[Fichier:The Sulfa Drugs 1.jpg|vignette|center| | [[Fichier:The Sulfa Drugs 1.jpg|vignette|center|450px]] | ||
[[Fichier:The Sulfa Drugs 2.jpg|vignette|center| | [[Fichier:The Sulfa Drugs 2.jpg|vignette|center|450px]] | ||
==== Conclusion ==== | ==== Conclusion ==== | ||
En définitive, on constate que c’est un contexte multiple qui est à l’origine de de la production de films médicaux pédagogiques par les | En définitive, on constate que c’est un contexte multiple qui est à l’origine de de la production de films médicaux pédagogiques par les studios Disney à partir des années 1940.<br> | ||
À l’évidence, l’histoire de Disney et de ses productions a marqué la seconde partie du XXe siècle de bien des façons, tant | À l’évidence, l’histoire de Disney et de ses productions a marqué la seconde partie du XXe siècle de bien des façons, tant par son implication patriotique que par sa volonté éducative. Même si, au fil des années, les messages se sont trouvés de plus en plus galvaudés par la bienséance et le puritanisme inhérent à la société américaine, il n’en reste pas moins que ces productions témoignent de leur époque et des façons dont on souhaitait éduquer les adultes, américains ou non, et leurs enfants. | ||
Quant à la portée réelle de ces films, elle est | Quant à la portée réelle de ces films, elle est difficile à évaluer. On retrouve trace d’une expérience menée par Ken Pickering en 1951 et 1953 en Ouganda et au Ghana où des films comme ''Hookworm'' ou ''The Winged Scourge'' ont été diffusés à des populations illettrées. En Ouganda, ces diffusions ont été accompagnées d’explications sur la maladie et sur les moyens de la combattre qui sont énoncés dans le film. Cela n’a en revanche pas été le cas au Ghana où les films ont été diffusés sans environnement explicatif. Dans le rapport de conclusion de 1955, il s'avère que le message de prévention a été clairement compris et assimilé par les populations "testées" en Ouganda, alors qu’il s’est trouvé complètement galvaudé au Ghana. Ken Pickering en conclut que si les films sanitaires Disney sont soigneusement encadrés et expliqués, ils peuvent être d’une aide non négligeable dans le combat des maladies en Afrique. | ||
Dans le rapport de conclusion de 1955, il | |||
Qu’en est-il au niveau des populations lettrées d’Amérique ? Il semble qu’il y ait peu de place au doute. Pourtant un film comme ''The Story of Menstruation'' a bien ancré pendant plus de 20 ans dans l’esprit des jeunes filles une image réductrice d’elles-mêmes, de leur corps et de leur sexualité. Est-ce que la façon dont est abordé le film est un reflet des attitudes culturelles de l’époque, ou ces habitudes culturelles ont-elles perduré à cause de ce film, cela est difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c’est que les films pédagogiques Disney ont bel et bien marqué leur époque : reste à savoir quel en est l’héritage actuel. | Qu’en est-il au niveau des populations lettrées d’Amérique ? Il semble qu’il y ait peu de place au doute. Pourtant un film comme ''The Story of Menstruation'' a bien ancré pendant plus de 20 ans dans l’esprit des jeunes filles une image réductrice d’elles-mêmes, de leur corps et de leur sexualité. Est-ce que la façon dont est abordé le film est un reflet des attitudes culturelles de l’époque, ou ces habitudes culturelles ont-elles perduré à cause de ce film, cela est difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c’est que les films pédagogiques Disney ont bel et bien marqué leur époque : reste à savoir quel en est l’héritage actuel. | ||
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Winters Jordan M., ''Send in the Mouse: How American Politicians Used Walt Disney Productions to Safeguard the American Home Front in WWII'', University of Washington Tacoma, 2014, https://digitalcommons.tacoma.uw.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1012&context=history_theses (consultéle 3 mai 2023)<br> | Winters Jordan M., ''Send in the Mouse: How American Politicians Used Walt Disney Productions to Safeguard the American Home Front in WWII'', University of Washington Tacoma, 2014, https://digitalcommons.tacoma.uw.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1012&context=history_theses (consultéle 3 mai 2023)<br> | ||
Zatz Marjorie S., Gamboa Erasmo, ''Mexican Labor and World War II: Braceros in the Pacific Northwest, 1942-1947'', University of Washington Press, October 2000 | Zatz Marjorie S., Gamboa Erasmo, ''Mexican Labor and World War II: Braceros in the Pacific Northwest, 1942-1947'', University of Washington Press, October 2000 | ||
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|auteurs=Séléna Turquetil | |auteurs=Séléna Turquetil | ||
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Dernière version du 9 août 2023 à 08:29
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