La maladie et sa prise en charge
Affection microbienne contagieuse, la syphilis a pour agent le tréponème pâle et se transmet par les rapports sexuels. Son évolution se fait en trois phases successives : le stade primaire au bout de trois semaines avec l’apparition d’un chancre et de ganglions non douloureux, le stade secondaire entre six semaines et trois ans avec des lésions cutanées, le stade tertiaire avec une dégradation générale de l’organisme puis du système nerveux.
Cependant les évolutions médicales pour la soigner sont de plus en plus perfectionnées. L'intervention des pouvoirs publics par la surveillance sanitaire des marins, des soldats et des prostituées, ainsi que l'introduction de nouvelles thérapeutiques comme l'iodure de potassium, et ceux de l'hygiène, font sensiblement reculer toutes les maladies vénériennes entre le milieu du siècle et 1880. Dès 1905, les Allemands Fritz Richard Schaudinn et Paul Erich Hoffmann découvrent l'agent de la syphilis, un spirille nommé "tréponèm pâle". La même année, Wassermann met au point un séro-diagnostic qui permet d'identifier la maladie dès ses premiers stades. Pour le mettre en évidence, ils emploient le le microscope à fond noir mis au point par Siedentopf et Zsigmondy en 1903. En 1909, Jean Comandon mobilise ce même microscope pour réaliser dans l'Hôpital Saint-Louis des prises de vue micro-cinématographiques du même spirille.
En 1910, Paul Ehrlich et Sahachiro Hatta découvrent l'arsphénamine ou '606' (le produit sera commercialisé sous le nom de Salvarsan). Viendront le '914' ou Néo-Salvarsan puis le '910' ou Stovarsol. Les numéros correspondent à ceux des dossiers dans l'ordre des expérimentations animales. En 1921, Ernest Fourneau, met au point un dérivé de l'arsenic à l'institut Pasteur : le Stovarsol. Ce dérivé est plus stable et se prend par voie orale. En 1934 le principe actif du Salvarsan, découvert en 1920 par Carl Voegtlin et Homer Smith, est introduit par le traitement de la syphilis sous le nom de Mapharsen. L'arrivée des traitements par sulfamides puis par antibiotiques a donné l'espoir de pouvoir éradiquer, sinon toutes, du moins les plus graves des MST, et jusque vers 1965, la diminution continue des nouvelles contaminations l'a laissé espérer.
L'organisation de l'information et de la prévention publique
Par le décret du 27 janvier 1920, Millerand crée le ministère de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale, à la suite d'une pétition déposée à la Chambre des députés le 27 février 1919 par les associations de lutte contre les fléaux sociaux et les groupes parlementaires qui les représentent. La création de ce nouveau département résulte de la juxtaposition des services du ministère de l'Intérieur, notamment ceux de l'assistance et de l'hygiène, et de ceux du ministère de la Santé, et les services du ministère du Travail, en particulier ceux de la mutualité et de la prévoyance. Mais le ministère de l'Hygiène est peu doté et le ministère du Travail s'oppose au projet et refuse de débloquer les fonds nécessaires. Lorsque, en 1924, le ministère de l'Assistance, de l'Hygiène et de la Prévoyance sociale disparaît et est absorbé par le ministère du Travail, il n'y a plus de place pour le projet. Justin Godard, radical-socialiste déjà engagé dans la lutte contre les fléaux sociaux et M. Gunn de la Fondation Rockefeller élaborent un projet d'Office destiné à coordonner les activités des services d'hygiène et de santé publique. Le 4 décembre 1924, l'Office national d'Hygiène sociale est créé, sous la direction de Jules Brisac, ancien directeur de l'hygiène au ministère de l'Intérieur. Il marque l'institutionnalisation bureaucratique des fléaux sociaux, sous l'influence américaine, puisque les trois quarts du budget du nouvel Office sont consacrés à la lutte contre les maladies infectieuses. Les trois quarts du budget du nouvel Office sont d'origine américaine suite à l'implication de la Mission Rockfeller. Ce n'est que quatre ans plus tard que le budget français dépasse celui de la fondation philanthropique. L'objectif de l'Office était de "rassembler et mettre à jour la documentation sur la situation sanitaire de la France, " en inventoriant les documents relatifs à l'hygiène, aux maladies sociales et à leur prophylaxie ; d'assurer la coordination des efforts entre les pouvoirs publics et les organismes sociaux " Plusieurs services sont créés : Études techniques, Enquêtes départementales, Documentation et statistiques. Enquêtes, documentation et statistiques départementales. Les principales associations y sont représentées : la CNDT, la Ligue contre le péril vénérien, la Ligue nationale contre l'alcoolisme, le Comité national de l'Enfance, la Ligue contre le cancer... Mais la crise économique et les restrictions ont conduit à la suppression de l'Office le 4 avril 1934.
Syphilis et cinéma
Tout le temps où la syphilis s'est imposée comme fléau social, Le problème des médecins demeure l'ignorance de la population devant la menace qu'elle représente. Les campagnes d'information ne parviennent pas à la sensibiliser de façon déterminante. D'où le recours de plus en plus fréquent au cinéma : ce médium attire les foules et présente un réel potentiel pédagogique en présentant des agencements de vues réelles, de schémas animés et d'images microcinématographiques.
Le Dr André Cavaillon, responsable au Ministère de l'Hygiène publique, spécialisé dans la prévention du péril vénérien, en est convaincu. Le film Il était une fois trois amis lui paraît exemplaire à ce titre, par l'efficacité de son exposé et son choix de la fiction pour le présenter : "Ce n'est pas uniquement le genre documentaire qui doit uniquement instruire le public. Il faut faire en sorte que le public soit presque inconscient qu'il est en train d'assister à un film d'instruction. Quoique des films dramatiques de ce type soient difficiles à faire, ils peuvent être faits, comme le prouve l'expérience (ainsi Il était une fois trois amis, œuvre du Dr Devraigne, chef de la maternité Laribosière, et de Benoit-Lévy.)" (Dr André Cavaillon, Le cinéma et les campagnes contre les maladies vénériennes).
Syphilis et contexte militaire
Avec la Première Guerre mondiale, la recrudescence de pathologies infectieuses dans le milieu militaire comme la blennorragie et la syphilis a imposé d’ajouter, au moyen de la propagande sanitaire, une nouvelle guerre à celle qui se traduit par le conflit armé. La peur de la sanction ou de la stigmatisation poussait les soldats infectés à ne pas déclarer leur situation, différant de cette façon le traitement nécessaire et favorisant le cycle de contamination. Afin de les inviter à se manifester, les autorités ont senti la nécessité d’adopter un discours compréhensif à leur égard, compte tenu de leur éloignement de leurs familles.