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« Vivre à Bonneuil » : différence entre les versions
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|Titre=Vivre à Bonneuil | |Titre=Vivre à Bonneuil | ||
|anneeProd=1974 | |anneeProd=1974 | ||
| | |anneeDiff=1975 | ||
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| | |intervenants=Roger Gentis; Robert Lefort | ||
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|Langue=fr | |Langue=fr | ||
|Texte=La vocation et le quotidien de l'établissement psychiatrique de Bonneuil, conceptualisé et dirigé par la psychiatre Maud Mannoni. | |Texte=La vocation et le quotidien de l'établissement psychiatrique de Bonneuil, conceptualisé et dirigé par la psychiatre Maud Mannoni. Après ''Vivre à Bonneuil'', Guy Seligmann réalise en 1977 un second film sur cette expérience d'accompagnement éducatif des enfants psychotiques : ''Secrète enfance.'' | ||
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|Texte=Réalisateur : Guy Seligmann - Producteur : Paul Ceuzin - Participant : Robert Lefort (psychiatre) - Directeur de la photographie : Bernard Dumont - Montage : Jean Gibory - Musique : Lucien Rosengart | |Texte=Gén. début : Réalisateur : Guy Seligmann - Producteur : Paul Ceuzin - Participant : Robert Lefort (psychiatre) - Directeur de la photographie : Bernard Dumont - Montage : Jean Gibory - Musique : Lucien Rosengart. | ||
Gén. fin : nous remercions Hélène Marchadier d'avoir permis d'utiliser un extrait de son film / Assistant réalisateur : Nino Monti / Images : Richard Dzuilko. | |||
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|Résumé={{HTRés | |Résumé={{HTRés | ||
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|Contexte={{HTCont | |Contexte={{HTCont | ||
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|Texte= | |Texte=''Maud Mannoni'' | ||
Née en 1923, morte en 1998, la psychanalyste Maud Mannoni a travaillé dès 1948 avec Françoise Dolto à l'hôpital Trousseau. Elle s'est spécialisée dans un travail en direction des enfants et des adolescents. Influencée par Winnicott et Melanie Klein, dans le sillage de l'expérience menée à Kingsley Hall par les britanniques Cooper et Laing, elle a introduit l'antipsychiatrie en France. | Née en 1923, morte en 1998, la psychanalyste Maud Mannoni a travaillé dès 1948 avec Françoise Dolto à l'hôpital Trousseau. Elle s'est spécialisée dans un travail en direction des enfants et des adolescents. Influencée par Winnicott et Melanie Klein, dans le sillage de l'expérience menée à Kingsley Hall par les britanniques Cooper et Laing, elle a introduit l'antipsychiatrie en France. | ||
''Le CERPP et l'Ecole expérimentale de Bonneuil'' | |||
Le Cerpp | Le Cerpp (Centre d'étude et de recherches pédagogiques et psychanalytiques) a été fondé en 1969 par Maud Mannoni, le Dr Robert Lefort et deux éducateurs, Rose Marie et Yves Guérin. Il avait pour but de créer, pour les enfants en rupture avec le milieu scolaire, une École différente. En premier lieu, la visée thérapeutique du Cerpp était de redonner aux enfants le désir d’apprendre et de s’intégrer socialement. Comme Fernand Deligny le fit dans les Cévennes, Maud Mannoni a mis en pratique ses théories et ses réflexions critiques en fondant à Bonneuil, avec le Docteur Robert Lefort et un couple d'éducateurs, Rose-Marie et Yves Guérin, un lieu d'accueil et de vie pour les enfants et les adolescents autistes, psychotiques ou souffrant de graves névroses. Lors de sa création, l’École de Bonneuil reposait exclusivement sur le bénévolat de l’équipe ainsi que sur le soutien financier des parents. Toutefois, en 1975, elle est devenue un Hôpital de Jour avec Foyer Thérapeutique de Nuit et un Service d’Accueil Familial Thérapeutique en province. Actuellement, l’équipe psychopédagogique est constituée de psychologues, d’éducateurs, de professeurs des écoles, de psychiatres et de nombreux stagiaires venant du monde entier. Grâce à cette multidisciplinarité, l’école peut proposer des types de prises en charge variées aux enfants et à leurs familles. | ||
''La loi de 1975 sur la prise en charge sociale des personnes handicapées'' | |||
En 1975, l’aide aux personnes handicapées et leur prise en charge étaient encore une affaire privée. Beaucoup avait déjà été fait, mais essentiellement par les associations de parents ou de professionnels, et donc de manière très dispersée, bien qu’avec des aides de l’Etat. Les financements restaient problématiques, les orientations dépendaient des dispositions de chaque établissement. Il devenait nécessaire, pour assurer la prise en charge sociale des personnes handicapées, de revoir l’organisation du secteur médico-éducatif, son financement, ses modalités d’action et de repenser la place des personnes handicapées dans la société. C’était l’objet fondamental de la loi du 30 juin 1975 défendue devant l’Assemblée Nationale par Simone Veil, ministre de la Santé, avait été préparée par René Lenoir, secrétaire d’Etat à l’action sociale (et auteur de Les exclus). L’enfant handicapé ayant droit à l’éducation et il a droit aux soins, la loi rapprochait les ministères de l’Education nationale et de la Santé, en créant une instance centrale, la CDES (Commission Départementale de l’Education Spéciale), où siégeraient simultanément les représentants de l’un et l’autre ministère et dont la présidence serait assurée alternativement par l’Inspecteur d’Académie et par le Directeur de la DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales). Le Secrétaire d’Etat René Lenoir : « Ce qui compte – sur ce point nous sommes tous d’accord – c’est qu’il y ait éducation suivant le cas de l’enfant. Il va de soi que lorsqu’il s’agira d’une éducation de type scolaire elle pourra être donnée dans un établissement scolaire. Mais (pour des enfants perturbés) le traitement vient d’abord, l’enseignement ensuite. Il n’y a pas pour autant dispense d’éducation. Simplement, l’éducation n’est pas « scolaire » pour un temps plus ou moins long. » (Marc Barthélémy, « Histoire de l’Enseignement spécial en France, 1760-1990 », Ed. DIALOGUES, 1996, pages 227-245.) (cf. https://ecole-et-handicap.fr/la-loi-dorientation-du-30-juin-1975/) | |||
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|Texte=L'orientation immersive de la réalisation permet de rapprocher le public de la réalité quotidienne de l'établissement. Par la sélection des séquences, elle combine les aperçus sur les activités d'éveil et d'orientation professionnelle qui y sont mis en place avec les aperçus sur son organisation. Les entretiens avec Maud Mannoni lui | |Texte=L'orientation immersive de la réalisation permet de rapprocher le public de la réalité quotidienne de l'établissement. Par la sélection des séquences, elle combine les aperçus sur les activités d'éveil et d'orientation professionnelle qui y sont mis en place avec les aperçus sur son organisation. Les entretiens avec Maud Mannoni lui donnent l'occasion de rappeler la vocation et l'esprit de Bonneuil. Les interventions du commentaire sont résolument partisans, leurs contenus constituent le relais des interventions de Maud Mannoni ; ils témoignent d'une adhésion à sa mise en accusation de "la société" comme milieu aliénant. Par exemple, en rappelant que l'établissement ne bénéficie d'aucune subvention, il affirme : "depuis cinq ans, la société fait la sourde oreille." L'expression "sourde oreille" appliquée ici à la "société" amène à retourner contre elle le stigmate dont souffrent les patients autistes. | ||
Par ailleurs, lors de son entretien dans le film, Maud Mannoni interroge le bien-fondé de la démarche de celui-ci : quel sera son contenu, comment va-t-il être interprété ? En introduisant au sein de son film la critique de celui-ci, Guy Seligmann poursuit une démarche intellectuelle qui emprunte à l'anthropologie filmée (Jean Rouch) et au cinéma militant (Jean-Daniel Pollet). | Par ailleurs, lors de son entretien dans le film, Maud Mannoni interroge le bien-fondé de la démarche de celui-ci : quel sera son contenu, comment va-t-il être interprété ? En introduisant au sein de son film la critique de celui-ci, Guy Seligmann poursuit une démarche intellectuelle qui emprunte à l'anthropologie filmée (Jean Rouch) et au cinéma militant (Jean-Daniel Pollet). | ||
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|Communications et événements associés au film={{HTCom | |Communications et événements associés au film={{HTCom | ||
|Langue=fr | |Langue=fr | ||
|Texte=En 1981 (8 octobre), un débat est organisé dans le cadre de Encontro Internacional de Educação Especial, à l’Hotel Nacional de Rio de Janeiro sur la présentation de Michel Polo et Alain Vannier des films Vivre à Bonneuil et Secrète enfance (cf. https://elianegomes.arq.br/chemin) | |||
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|Public={{HTPub | |Public={{HTPub | ||
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'''"Laisser Bonneuil à la porte"''' | '''"Laisser Bonneuil à la porte"''' | ||
Un bureau dans un espace ouvert avec un agencement de tables chargées de matériel de papèterie. Le commentaire nous apprend qu'il s'agit d'un local de graphistes dans lequel Michel fait son activité. Travelling avant sur la table où il se tient, montrant la bande dessinée qu'il a réalisée, posée sur son plateau. Elle décrit l'activité quotidienne de Bonneuil. Cut, une autre séquence montre comment deux enfants, Ernest et Alain, accompagnés par des stagiaires, vont faire les courses chez "les commerçants du quartier". Le commentaire révèle que ceux-ci, d'abord réticents à les accueillir, se sont adaptés à eux. "C'est par ces contacts que Bonneuil pose à la société qui l'entoure la question de savoir si oui ou non il faut enfermer, isoler les enfants qui ont des comportements que l'on juge anormaux." Retour à l'atelier de graphisme, l'accompagnateur explique à Michel qui vient de dessiner une case : "Ce n'est pas la case qui fait le dessin, c'est le dessin qui fait la case. Sinon tu te retrouves comme les gens qui font une surface et qui se limitent à une surface." Michel, en réagissant, montre qu'il saisit très bien le sens des propos qui lui sont adressés, voire les différentes interprétations qu'ils supposent ("agis d'abord selon tes désirs avant de t'interroger sur les limites qu'il faudrait leur imposer"). Michel explique à Seligmann, resté hors champ, qu'il voudrait laisser "Bonneuil à la porte" quand il entre dans l'atelier. Pourtant, son dessin a Bonneuil pour sujet. L'accompagnateur explique que l'intérêt est que Michel puisse s'exprimer dans un cadre professionnel, c'est-à-dire un environnement responsabilisant dans lequel les personnes exécutent leurs tâches. Que Michel le fasse à son tour est un objectif demandera du temps. Le séjour de Michel ne consiste ni à suivre une formation professionnelle, ni à simplement passer son temps sans but. Mais l'accompagnateur ne précise pas davantage. Michel se lance dans une bande dessinée qui raconte l'amitié entre deux lapins. La séquence le montre aussi en train de filmer, muni d'une Bolex, dans le cabanon de Bonneuil. (33:12) | Un bureau dans un espace ouvert avec un agencement de tables chargées de matériel de papèterie. Le commentaire nous apprend qu'il s'agit d'un local de graphistes dans lequel Michel fait son activité. Travelling avant sur la table où il se tient, montrant la bande dessinée qu'il a réalisée, posée sur son plateau. Elle décrit l'activité quotidienne de Bonneuil. Cut, une autre séquence montre comment deux enfants, Ernest et Alain, accompagnés par des stagiaires, vont faire les courses chez "les commerçants du quartier". Le commentaire révèle que ceux-ci, d'abord réticents à les accueillir, se sont adaptés à eux. "C'est par ces contacts que Bonneuil pose à la société qui l'entoure la question de savoir si oui ou non il faut enfermer, isoler les enfants qui ont des comportements que l'on juge anormaux." Retour à l'atelier de graphisme, l'accompagnateur explique à Michel qui vient de dessiner une case : "Ce n'est pas la case qui fait le dessin, c'est le dessin qui fait la case. Sinon tu te retrouves comme les gens qui font une surface et qui se limitent à une surface." Michel, en réagissant, montre qu'il saisit très bien le sens des propos qui lui sont adressés, voire les différentes interprétations qu'ils supposent ("agis d'abord selon tes désirs avant de t'interroger sur les limites qu'il faudrait leur imposer"). Michel explique à Guy Seligmann, resté hors champ, qu'il voudrait laisser "Bonneuil à la porte" quand il entre dans l'atelier. Pourtant, son dessin a Bonneuil pour sujet. L'accompagnateur explique que l'intérêt est que Michel puisse s'exprimer dans un cadre professionnel, c'est-à-dire un environnement responsabilisant dans lequel les personnes exécutent leurs tâches. Que Michel le fasse à son tour est un objectif demandera du temps. Le séjour de Michel ne consiste ni à suivre une formation professionnelle, ni à simplement passer son temps sans but. Mais l'accompagnateur ne précise pas davantage. Michel se lance dans une bande dessinée qui raconte l'amitié entre deux lapins. La séquence le montre aussi en train de filmer, muni d'une Bolex, dans le cabanon de Bonneuil. (33:12) | ||
'''"Soignants les uns des autres"''' | '''"Soignants les uns des autres"''' | ||
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'''Planning des semaines et des vacances''' | '''Planning des semaines et des vacances''' | ||
Explication d'un nouvel aspect organisationnel de l'établissement : celui-ci fonctionne comme un externant de manière à continuer d'associer les parents au projet pédagogique auquel leur enfant est associé ; néanmoins des bâtiments sont à la disposition d'enfants qui "ne peuvent pas ou ne souhaitent pas" rentrer chez eux tous les soirs. pendant les vacances scolaires, les enfants ont la possibilité soit d'aller "à la montagne chez des bergers, soit chez des communautés villageoises". Après avoir dansé une ronde ensemble, enfants et adultes déroulent de grandes bandes de papier sur lesquelles ils ont peint collectivement. Muni d'un couteau, un enfant taille des fenêtres dans la grande maison qu'il a peinte en rouge. Retour du piano | Explication d'un nouvel aspect organisationnel de l'établissement : celui-ci fonctionne comme un externant de manière à continuer d'associer les parents au projet pédagogique auquel leur enfant est associé ; néanmoins des bâtiments sont à la disposition d'enfants qui "ne peuvent pas ou ne souhaitent pas" rentrer chez eux tous les soirs. pendant les vacances scolaires, les enfants ont la possibilité soit d'aller "à la montagne chez des bergers, soit chez des communautés villageoises". Après avoir dansé une ronde ensemble, enfants et adultes déroulent de grandes bandes de papier sur lesquelles ils ont peint collectivement. Muni d'un couteau, un enfant taille des fenêtres dans la grande maison qu'il a peinte en rouge. Retour du piano rêveur, un panoramique sur la pièce unique du cabanon, montrant tour à tour le piano, le poêle, les peintures collectives, une planche appuyée à une cloison, une fenêtre barbouillée de peinture à travers laquelle on aperçoit des enfants dispersés dans le jardin, l'un d'eux allongé sur l'herbe, recroquevillé dans une position foetale. (44:03) | ||
'''"Ailleurs, on peut pas dire ce qu'on pense"''' | '''"Ailleurs, on peut pas dire ce qu'on pense"''' | ||
Le commentaire évoque Jacques, élève en terminale C, arrivé dans l'établissement "bourré de médicaments". Face à Maud Mannoni, il revient sur son parcours. Il n'est montré que de dos (si c'est bien de lui dont il s'agit), coiffé d'une | Le commentaire évoque Jacques, élève en terminale C, arrivé dans l'établissement "bourré de médicaments". Face à Maud Mannoni, il revient sur son parcours. Il n'est montré que de dos (si c'est bien de lui dont il s'agit), coiffé d'une casquette trop courte et vêtu d'un imperméable et curieusement, sa voix sonne comme s'il parlait au téléphone. Il s'est plu à Bonneuil au point de ne plus vouloir en sortir jusqu'au moment où il en a eu "marre d'être coupé du monde". Il souffre néanmoins du statut d'"anormal" qui lui est attribué. Maud Mannoni répond, en riant : "Eux, ils disent qu'ils sont normaux..." Elle a trouvé une opportunité de s'affirmer du côté des patients plutôt que de la société qui les a exclus. Le discours du jeune homme est construit et son vocabulaire est choisi. Il dérive dangereusement sur une vision de lui-même en officier SS ayant sous sa garde des femmes mises en camp de concentration : "les femmes dans les camps, c'est là qu'elles sont le mieux". Plans de coupe sur les jeunes qui l'écoutent avec une expression d'impatience et de malaise. "Ici, ce qui est bien, ajoute le jeune homme, c'est qu'on peut parler librement." La confession - logorrhée du jeune homme s'achevant, la réunion cesse aussitôt, mais c'est ensemble et non dispersés que ses membres se lèvent et rejoignent le fond du jardin, Maud Mannoni tenant un des enfants par l'épaule. (48:37) | ||
'''Lacan observe''' | '''Lacan observe''' | ||
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'''"La possibilité lui et offerte de ne pas travailler"''' | '''"La possibilité lui et offerte de ne pas travailler"''' | ||
Pour Roger Gentis, "la meilleure politique thérapeutique c'est l'abstention, c'est de foutre la paix au sujet, c'est de ne pas avoir de politique thérapeutique à proprement parler mais d'assurer une certaine écoute, une certaine présence, un certain accueil au comportement du malade." Cette optique implique | Pour Roger Gentis, "la meilleure politique thérapeutique c'est l'abstention, c'est de foutre la paix au sujet, c'est de ne pas avoir de politique thérapeutique à proprement parler mais d'assurer une certaine écoute, une certaine présence, un certain accueil au comportement du malade." Cette optique implique que le malade soit amené à vivre des situations de rencontre, de communication, voire d'apprentissage. C'est le rôle donné aux ateliers d'artisans, comme celui de matelasserie à présent filmé, de constituer un environnement propice à ces situations. La jeune Cathy se tient dans un recoin de l'atelier, regardant carder les matelassières. Elle chasse de la main l'accompagnatrice qui lui proposait de se se mettre elle-même au "travail". Contraste entre son apparente inertie et la puissante activité que déploient les artisanes. Un homme s'assit à ses côtés, probablement un habitant du quartier, avec lequel elle se met à discuter. Quel gain éducatif permet une telle configuration ? Accéder au spectacle du travail (et peut-être s'imprégner de la réalité technique de ses gestes) et initier une démarche de sociabilité par la communication que suppose la présence régulière des mêmes personnes dans l'atelier. Le commentaire explicite cette démarche qui fait du travail une option : "Cathy travaille chez un artisan matelassier de Bonneuil. Mais la possibilité lui est aussi offerte de ne pas travailler, et d'être simplement là, avec l'adulte qui l'accompagne, au milieu des artisans." Gros plan sur Cathy, filmée de profil. Elle porte les mains à son visage et grimace avec douleur, puis reprend son attitude initiale d'observatrice. Intervention de Roger Gentis : "C'est très difficile de faire concevoir un séjour chez un artisan comme une thérapeutique, ça ne rentre pas du tout dans le cadre de l'idéologie médicale." Il ajoute, pointant l'enjeu administratif qui détermine cette réticence : "Pour la sécurité sociale, sortit pendant 48 heures de l'hôpital, ça signifie qu'on ne paie plus... Il ne s'agit plus de soins à proprement parler même si les jeunes gens sont encadrés par du personnel de l'hôpital, c'est-à-dire continuent de revenir aussi cher à l'établissement. Au bout de 48h, la Sécurité sociale refuse de payer. Conséquence ils (les patients) restent à l'hôpital et se chronicisent davantage." Autre exemple avec un atelier de peinture sur soie où une jeune fait des réalisations sur tissu, et une autre est responsabilisée sur la vente. Pour Gentis, les idées révolutionnaires qui gagnent certains jeunes psychiatres leur sont inspirées par leur constat que "les problèmes humains auxquels ils ont affaire sont créés par la société". intervention graphique sur un photogramme figé montrant des enfants réunis dans le pavillon de Bonneuil : " L'école en dehors de la vie, en dehors de la politique, est un mensonge et une hypocrisie - Lénine". (01:08:20) | ||
'''Le rituel du repas : une mise en scène singulière''' | '''Le rituel du repas : une mise en scène singulière''' | ||
Sur un chantier, deux jeunes malades, Alain et Lucien accompagnent des carreleurs. Repas de la pause de midi. Comme dans le reste du film, marqué par de nombreuses scènes où les protagonistes se restaurent, les enfants qui mangent sont filmés en gros plan. Il y a une espèce d'impudeur dans cette volonté de les montrer mangeant d'une autre manière que celle que requiert l'éducation au "bien manger". Cette mise en scène rappelle celle de Truffaut qui insiste sur les "mauvaises manières" ou plutôt, l'absence de manières qui caractérisent l'attitude Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron, quand il dévore les champignons des bois qu'il a ravis à la paysanne qui les avait cueillis. Un autre type de comparaison s'impose à l'esprit : dans "L'enfant aveugle" qu'il a réalisé en 1964, van der Keuken montrait déjà en gros plan le signe du handicap (le regard qui ne voit pas). Le geste de Guy Seligmann pourrait être interprété comme la volonté d'interroger sur les codes du paraître qui régissent la scène sociale (excluant celles et ceux qui ne | Sur un chantier, deux jeunes malades, Alain et Lucien accompagnent des carreleurs. Repas de la pause de midi. Comme dans le reste du film, marqué par de nombreuses scènes où les protagonistes se restaurent, les enfants qui mangent sont filmés en gros plan. Il y a une espèce d'impudeur dans cette volonté de les montrer mangeant d'une autre manière que celle que requiert l'éducation au "bien manger". Cette mise en scène rappelle celle de Truffaut qui insiste sur les "mauvaises manières" ou plutôt, l'absence de manières qui caractérisent l'attitude Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron, quand il dévore les champignons des bois qu'il a ravis à la paysanne qui les avait cueillis. Un autre type de comparaison s'impose à l'esprit : dans "L'enfant aveugle" qu'il a réalisé en 1964, van der Keuken montrait déjà en gros plan le signe du handicap (le regard qui ne voit pas). Le geste de Guy Seligmann pourrait être interprété comme la volonté d'interroger sur les codes du paraître qui régissent la scène sociale (excluant celles et ceux qui ne les maîtrisent pas) et de promouvoir un regard sur le handicap qui assume sa réalité manifeste plutôt que de chercher à l'euphémiser. (01:15:16) | ||
'''"Réveille-toi!"''' | '''"Réveille-toi!"''' | ||
Atelier théâtre. Les enfants ont décidé d'adapter Alice au pays des merveilles. Une comédienne professionnelle est impliquée dans la préparation et la production du spectacle, elle se rend à Bonneuil une fois par semaine. Dans le jardin, les enfants vont et viennent avec l'effigie d'un lapin en drap blanc, scènes de répétition dans l'atelier, une grande bande de papier couverte de dessins sert de décor. Le commentaire explique que la démarche consistant à sortir l'activité du cadre physique de l'institution, une représentation est prévue dans un théâtre à Paris, " dans un vrai théâtre, devant un vrai public". Il s'agit d'un théâtre dirigé par Pierre Sala (est-ce celui de la Potinière qu'il a pris en main depuis 1973 jusqu'en 1978?), aussi connu comme concepteur de meubles. Alternance de scènes de répétition et de scènes de représentation | Atelier théâtre. Les enfants ont décidé d'adapter ''Alice au pays des merveilles.'' Une comédienne professionnelle est impliquée dans la préparation et la production du spectacle, elle se rend à Bonneuil une fois par semaine. Dans le jardin, les enfants vont et viennent avec l'effigie d'un lapin en drap blanc, scènes de répétition dans l'atelier, une grande bande de papier couverte de dessins sert de décor. Le commentaire explique que la démarche consistant à sortir l'activité du cadre physique de l'institution, une représentation est prévue dans un théâtre à Paris, " dans un vrai théâtre, devant un vrai public". Il s'agit d'un théâtre dirigé par Pierre Sala (est-ce celui de la Potinière qu'il a pris en main depuis 1973 jusqu'en 1978?), aussi connu comme concepteur de meubles. Alternance de scènes de répétition et de scènes de représentation, la séquence les raccordant par la même situation dramatique filmée d'abord dans un lieu (l'atelier) puis dans l'autre (la scène). D'une confusion continue de corps et de voix émerge la même injonction tirée des dialogues écrits par Carroll, scandée par l'intervenante comédienne : "réveille-toi!". Fin du spectacle sous les applaudissements, les actrices et les acteurs saluent, un bouquet de fleurs leur est donné par le public, il passe de main en main dans une liesse commune. (01:22:23) | ||
'''"Chez nous, il sourit beaucoup moins"''' | |||
Retour à l'entretien tourné avec une mère d'enfant pris en charge à Bonneuil. Elle chemine avec Guy Seligmann sur un pont de chemin de fer (celui de la Garde du Nord, allusion à Jean Rouch?), puis dans une petite rue où ils contournent une rôtisserie - ambiance du Paris quotidien. Elle fait part de ses tentatives de trouver une alternative auprès de psychiatres qui lui proposent d'accueillir son fils en hôpital de jour. "Finalement, on le laisse à Bonneuil et on s'aperçoit qu'il y a une espèce de stimulation. Parce que Mannoni vous injurie mais en même temps vous donne de l'espérance. Quand je regarde ses yeux je me dis qu'elle est une force de la nature. Il n'y a guère qu'elle qui croit qu'on peut tirer quelque chose de ces gens là." Elle ajoute que son enfant est mieux à Bonneuil que partout ailleurs. "Y compris chez vous?", lui demande franchement Guy Seligmann. "Ah oui, c'est certain, répond-elle. Quand il revient à la maison, je suis très contente de le voir mais c'est l'être qui perturbe. Ca se traduit même physiquement. Chez nous, il sourit beaucoup moins. A Bonneuil, il se met à courir, il agrippe les stagiaires par le bras... Il y a cette disponibilité qui, à Paris, est impossible. A la maison, je lui dis que j'ai autre chose à faire." (01: 25 : 00) | |||
'''Cette école révèle un malaise général de notre société''' | |||
Conclusion du film sur un fond de fête organisée par l'équipe de Bonneuil pour marquer la fin du tournage du documentaire. Un feu est allumé dans la cour, des danses s'organisent, des chapeaux de papier se distribuent. Comme toujours, les adultes se mêlent aux enfants pour vivre ensemble les différentes étapes de l'événement. Cette scène de fête qui rassemble patients psychiatriques et soignants peut faire songer à celle que Marion Ruspoli a tournée dans l'établissement de Saint-Alban pour ''La fête prisonnière'' qu'il a réalisé en 1961. Ici, le commentaire imprime un recul méditatif sur les images de liesse commune auxquelles il est associé : " Tous, dans le fond, nous avions ressenti la fragilité et la précarité de la situation de Bonneuil, cette école, parce qu'elle révèle un malaise général de notre société, se heurte à une administration qui refuse pour l'instant de la reconnaître. Bonneuil bouleverse les idées reçues, tant sur le plan de l'éducation que sur celui des soins, Bonneuil est ouvert à une contestation constructive. Depuis cinq ans, Bonneuil ne survit que grâce à une équipe qui offre son temps et la moitié de son salaire.Depuis cinq ans, Bonneuil vit de dons. Il fallait que c'en soit un pour nous aussi". Le commentaire poursuit cette démarche réflexive qui contraint le public du film à ne pas oublier qu'il en regarde un et à réfléchir sur le sens que revêt son existence, voire l'expérience de sa fabrication. Quel est le don en question? Faire un film sur Bonneuil? Offrir à ses patients et à son équipe la possibilité de vivre une expérience de tournage? Retour du piano rêveur. Vue intérieure dans la maison, dézoom depuis une fenêtre à travers laquelle on voit des enfants faire la ronde. Un pano montre deux enfants ouvrant des cahiers posés sur une table puis l'entrée de la cuisine, puis la fenêtre opposée qui donne sur la rue. Dernier plan : la balançoire sans personne dessus, intervention infographique avec des mots figés : " Qu'est-ce que le bonheur?", puis des mots qui défilent latéralement : "Bonheur n'existe pas - stop - seulement la difficulté d'exister - stop - Maud Mannoni, réponse à une enquête d'un hebdomadaire parisien". Ainsi, le dernier mot lui sera donné. | |||
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|Notes complémentaires={{HTNotes | |Notes complémentaires={{HTNotes | ||
Dernière version du 4 février 2025 à 10:58
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Titre :
Vivre à Bonneuil
Année de production :
Pays de production :
Année de diffusion :
1975
Réalisation :
Conseil scientifique :
Intervenants :
Durée :
91 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :
Générique principal
Contenus
Sujet
Genre dominant
Résumé
Contexte
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Communications et événements associés au film
Public
Audience
Descriptif libre
Notes complémentaires
Références et documents externes
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Joël Danet

