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« Secrète enfance » : différence entre les versions
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|Titre=Secrète enfance | |Titre=Secrète enfance | ||
|anneeProd=1977 | |anneeProd=1977 | ||
| | |anneeDiff=1979 | ||
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|intervenants=Robert Lefort; Maud Mannoni | |intervenants=Robert Lefort; Maud Mannoni; André Bourguignon | ||
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|Clé de tri=Secrète enfance | |Clé de tri=Secrète enfance | ||
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|Animateur=Non | |Animateur=Non | ||
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|Musique et bruitages=Oui | |Musique et bruitages=Oui | ||
|Images communes avec d'autres films= | |Images communes avec d'autres films=Oui | ||
|Detail images communes avec d'autres films=Vivre à Bonneuil (Guy Seligmann, 1974, aussi dans medfilm) | |||
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|Texte=Description de la prise en charge des enfants en souffrance psychiatrique selon la méthode de la psychiatre et psychanalyste Maud Mannoni. | |Texte=Description de la prise en charge des enfants en souffrance psychiatrique selon la méthode de la psychiatre et psychanalyste Maud Mannoni. ''Secrète enfance'' fait suite à un premier film que Guy Seligmann a réalisé sur le même sujet en 1974 : ''Vivre à Bonneuil.'' | ||
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|Résumé={{HTRés | |Résumé={{HTRés | ||
|Langue=fr | |Langue=fr | ||
|Texte=Faisant suite a " | |Texte=Faisant suite a "Vivre à Bonneuil", cette nouvelle émission sur l'école expérimentale destinée aux enfants "différents", autistiques ou simplement perturbés dans leur scolarité, rend compte de la nouvelle étape franchie par l'institution. Son but est de faire retrouver le plaisir de vivre aux enfants en les confiant à des familles situées en région, dont ils partagent par périodes la vie et le travail sur un chantier, dans un atelier, une ferme... Ce film montre la vie de huit enfants d'âges divers au milieu d'ouvriers et dans les familles de paysans ou d'artisans qui les accueillent ; on les voit participer aux travaux (soigner des chevaux, désherber, tisser, s'occuper d'animaux), manger, se laver, jouer, vivre avec ces adultes qui parlent simplement de leur communication et de leur compréhension mutuelle et dont quelques uns se disent aussi des "marginaux ". On écoute ces enfants, ainsi que d'anciens autistes qui se retrouvent périodiquement à Bonneuil, et quelques parents au cours de réunions organisées par l'institution, ou ils disent leurs difficultés : ils parlent ici du rejet de la société, de leurs divers cas, de leurs relations avec leurs enfants... Quelques membres de l'école, M. Mannoni et B. Lefort, animateurs, le directeur M. Polo, le psychiatre, M. Bourguignon, et une institutrice, Mme Fouquet, que l'on voit "jouer à apprendre" avec Eric, parlent aussi de ces enfants, de leurs besoins, de l'arriération de certains hôpitaux et insistent sur les fonctions thérapeutiques de la relation humaine. | ||
(notice INA) | (notice INA) | ||
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''Le CERPP et l'Ecole expérimentale de Bonneuil'' | ''Le CERPP et l'Ecole expérimentale de Bonneuil'' | ||
Le Cerpp, a été fondé en 1969 par Maud Mannoni, le Dr Robert Lefort et deux éducateurs, Rose Marie et Yves Guérin. Il avait pour but de créer, pour les enfants en rupture avec le milieu scolaire, une École différente. En premier lieu, la visée thérapeutique du Cerpp était de redonner aux enfants le désir d’apprendre et de s’intégrer socialement. Comme Fernand Deligny le fit dans les Cévennes, Maud Mannoni a mis en pratique ses théories et ses réflexions critiques en fondant à Bonneuil, avec le Docteur Robert Lefort et un couple d'éducateurs, Rose-Marie et Yves Guérin, un lieu d'accueil et de vie pour les enfants et les adolescents autistes, psychotiques ou souffrant de graves névroses. | Le Cerpp, a été fondé en 1969 par Maud Mannoni, le Dr Robert Lefort et deux éducateurs, Rose Marie et Yves Guérin. Il avait pour but de créer, pour les enfants en rupture avec le milieu scolaire, une École différente. En premier lieu, la visée thérapeutique du Cerpp était de redonner aux enfants le désir d’apprendre et de s’intégrer socialement. Comme Fernand Deligny le fit dans les Cévennes, Maud Mannoni a mis en pratique ses théories et ses réflexions critiques en fondant à Bonneuil, avec le Docteur Robert Lefort et un couple d'éducateurs, Rose-Marie et Yves Guérin, un lieu d'accueil et de vie pour les enfants et les adolescents autistes, psychotiques ou souffrant de graves névroses. Lors de sa création, l’École de Bonneuil reposait exclusivement sur le bénévolat de l’équipe ainsi que sur le soutien financier des parents. Toutefois, en 1975, elle est devenue un Hôpital de Jour avec Foyer Thérapeutique de Nuit et un Service d’Accueil Familial Thérapeutique en province. Actuellement, l’équipe psychopédagogique est constituée de psychologues, d’éducateurs, de professeurs des écoles, de psychiatres et de nombreux stagiaires venant du monde entier. Grâce à cette multidisciplinarité, l’école peut proposer des types de prises en charge variées aux enfants et à leurs familles. | ||
''La loi de 1975 sur la prise en charge sociale des personnes handicapées'' | |||
En 1975, l’aide aux personnes handicapées et leur prise en charge étaient encore une affaire privée. Beaucoup avait déjà été fait, mais essentiellement par les associations de parents ou de professionnels, et donc de manière très dispersée, bien qu’avec des aides de l’Etat. Les financements restaient problématiques, les orientations dépendaient des dispositions de chaque établissement. Il devenait nécessaire, pour assurer la prise en charge sociale des personnes handicapées, de revoir l’organisation du secteur médico-éducatif, son financement, ses modalités d’action et de repenser la place des personnes handicapées dans la société. C’était l’objet fondamental de la loi du 30 juin 1975 défendue devant l’Assemblée Nationale par Simone Veil, ministre de la Santé, avait été préparée par René Lenoir, secrétaire d’Etat à l’action sociale (et auteur de ''Les exclus''). L’enfant handicapé ayant droit à l’éducation et il a droit aux soins, la loi rapprochait les ministères de l’Education nationale et de la Santé, en créant une instance centrale, la CDES (Commission Départementale de l’Education Spéciale), où siégeraient simultanément les représentants de l’un et l’autre ministère et dont la présidence serait assurée alternativement par l’Inspecteur d’Académie et par le Directeur de la DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales). Le Secrétaire d’Etat René Lenoir : « Ce qui compte – sur ce point nous sommes tous d’accord – c’est qu’il y ait éducation suivant le cas de l’enfant. Il va de soi que lorsqu’il s’agira d’une éducation de type scolaire elle pourra être donnée dans un établissement scolaire. Mais (pour des enfants perturbés) le traitement vient d’abord, l’enseignement ensuite. Il n’y a pas pour autant dispense d’éducation. Simplement, l’éducation n’est pas « scolaire » pour un temps plus ou moins long. » (Marc Barthélémy, « Histoire de l’Enseignement spécial en France, 1760-1990 », Ed. DIALOGUES, 1996, pages 227-245.) (cf. https://ecole-et-handicap.fr/la-loi-dorientation-du-30-juin-1975/) | |||
Le centre de Bonneuil est cité dans la conférence donnée pour CICLIC par Igor Krtolica, docteur en philosophie, sur la démarche de prise en charge de Fernand Deligny dans les Cévennes : " Fernand Deligny et la "tentative des Cévennes". L'équipe de Bonneuil a régulièrement confié des enfants autistes à celle de Fernand Deligny qui s'est installée dans les Cévennes. (https://upopi.ciclic.fr/analyser/le-cinema-la-loupe/image-et-langage-chez-fernand-deligny) | |||
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|Direction regard spectateur={{HTDirige | |Direction regard spectateur={{HTDirige | ||
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Sur une plage blanche "Eric" en écriture à la main. Un album de photos de famille s'ouvre, qui montre, d'une image l'autre un bébé devenir un petit enfant. Une voix d'homme en off raconte que le problème d'Eric a été découvert quand, un 15 août, alors qu'il avait quatre ans, "il s'est roulé par terre pendant deux heures", sans qu'il ait été possible de l'arrêter. La voix d'homme, qu'on devine être celle du père, ajoute que la naissance de Christian, le petit frère, a constitué un événement déclencheur et révélateur de sa situation. A travers les carreaux d'une porte fenêtre, les visages de deux enfants assis l'un à côté de l'autre. Regard sombre de l'aîné qui dévisage la caméra. Le filmage se faisant désormais en intérieur, un dézoom depuis les enfants montre qu'ils sont installés dans un salon abondamment éclairé, avec un ameublement élégant, et sur une table en bois au plateau luisant, un vase avec un bouquet de fleurs. Le dézoom continue en montrant des porte ouvertes puis un couloir, puis l'intérieur d'une nouvelle pièce où la caméra a été installée. Par un panoramique, elle montre, réunis avec le coordinateur de Bonneuil, un homme et une femme qui s'avèrent, par leurs propos, être les parents d'Eric. Pour son père, l'expérience du séjour à Bonneuil a permis de comprendre "qui est vraiment Eric". "On est passé d'un phénomène de rejet à l'acceptation", ajoute-t-il. Sa mère, filmée de dos dans son fauteuil de manière à ne pas montrer son visage, admet qu'ils lui ont administré "des raclées monumentales". Elle a raconté plutôt dans quel état d'épuisement il les avait mis des mois durant, nuit et jour. Dans sa chambre, Eric étendu sur son lit. Gros plan sur son visage sur lequel se lit une lassitude triste. Cut, une voiture dans un chemin de campagne, elle évolue vers une cour de ferme, stationne près d'une bâtisse ancienne. Le coordinateur en sort, rejoint une tablée composée d'un homme, d'une femme qui tient un bébé, d'un adolescent, d'un enfant, et d'Eric. Salutations cordiales entre adultes qui témoigne de la familiarité que le coordinateur a acquise auprès d'eux. Dans une étable, Eric, assis dans la cuve d'une mangeoire, regarde deux hommes enlevant la peau à un cadavre de mouton pendu par les pattes. Gros plan sur le visage attentif d'Eric qui chantonne des bribes de la chanson ''Les retrouvailles'', grand succès des veillées des années 70.(59:36) | Sur une plage blanche "Eric" en écriture à la main. Un album de photos de famille s'ouvre, qui montre, d'une image l'autre un bébé devenir un petit enfant. Une voix d'homme en off raconte que le problème d'Eric a été découvert quand, un 15 août, alors qu'il avait quatre ans, "il s'est roulé par terre pendant deux heures", sans qu'il ait été possible de l'arrêter. La voix d'homme, qu'on devine être celle du père, ajoute que la naissance de Christian, le petit frère, a constitué un événement déclencheur et révélateur de sa situation. A travers les carreaux d'une porte fenêtre, les visages de deux enfants assis l'un à côté de l'autre. Regard sombre de l'aîné qui dévisage la caméra. Le filmage se faisant désormais en intérieur, un dézoom depuis les enfants montre qu'ils sont installés dans un salon abondamment éclairé, avec un ameublement élégant, et sur une table en bois au plateau luisant, un vase avec un bouquet de fleurs. Le dézoom continue en montrant des porte ouvertes puis un couloir, puis l'intérieur d'une nouvelle pièce où la caméra a été installée. Par un panoramique, elle montre, réunis avec le coordinateur de Bonneuil, un homme et une femme qui s'avèrent, par leurs propos, être les parents d'Eric. Pour son père, l'expérience du séjour à Bonneuil a permis de comprendre "qui est vraiment Eric". "On est passé d'un phénomène de rejet à l'acceptation", ajoute-t-il. Sa mère, filmée de dos dans son fauteuil de manière à ne pas montrer son visage, admet qu'ils lui ont administré "des raclées monumentales". Elle a raconté plutôt dans quel état d'épuisement il les avait mis des mois durant, nuit et jour. Dans sa chambre, Eric étendu sur son lit. Gros plan sur son visage sur lequel se lit une lassitude triste. Cut, une voiture dans un chemin de campagne, elle évolue vers une cour de ferme, stationne près d'une bâtisse ancienne. Le coordinateur en sort, rejoint une tablée composée d'un homme, d'une femme qui tient un bébé, d'un adolescent, d'un enfant, et d'Eric. Salutations cordiales entre adultes qui témoigne de la familiarité que le coordinateur a acquise auprès d'eux. Dans une étable, Eric, assis dans la cuve d'une mangeoire, regarde deux hommes enlevant la peau à un cadavre de mouton pendu par les pattes. Gros plan sur le visage attentif d'Eric qui chantonne des bribes de la chanson ''Les retrouvailles'', grand succès des veillées des années 70.(59:36) | ||
'''Eric joue toujours à tout ignorer''' | '''"Eric joue toujours à tout ignorer"''' | ||
En voix off intervient la voix d'une femme qui déplore que la rédaction du dossier scolaire d'une enfant puisse comporter des informations qui tendent à infléchir l'interprétation de son cas. Filmée en in, assise à côté d'Eric, derrière une table chargée de feuilles et de stylo-feutres, elle explique qu'elle est institutrice. Mais avec Eric, "tout se passe au niveau du jeu. Le mot 'travail', il y est allergique." Elle raconte qu'un matin, il lui a dit qu'il ne voulait pas travailler, mais qu'il était disposé à "jouer à lire et écrire" avec elle. Elle ajoute, alors qu'il continue de dessiner près d'elle : "Je ne sais d'ailleurs pas s'il sait lire ou pas puisque Eric joue toujours à tout ignorer". Directement interrogé par l'intervieweur, Eric dit qu'il aime travailler avec l'institutrice, que son activité préférée est la lecture et le dessin". Mais il ajoute qu'il ne sait pas lire, qu'il aimerait apprendre "parce que c'est intéressant". L'institutrice commente : "Je crois que ce qui l'intéresse c'est l'apprentissage, mais pas de savoir lire. Eric a très peur de savoir. Eric a très peur d'être autonome." Ses phrases sont si nettement formulées qu'elles paraissent extraites d'un écrit qu'elle aurait rédigé, ou bien d'une réflexion développée par l'intensité de son expérience, l'intérêt qu'elle lui porte. Il s'y exprime l'acuité de son analyse et le désarroi intime qui en résulte. L'intervieweur, devenu tiers entre elle et Eric, retourne vers lui l'observation qu'elle vient de faire à son sujet. "C'est vrai?" Eric répond "oui" sans attendre. "T'as compris ce qu'elle a dit?" Il répond "oui" de nouveau. "T'en penses quoi?" Il répond par des phonèmes qui imitent la phrase de l'institutrice, comme on répèterait la phrase qu'on a entendu dans une langue inconnue, s'aidant de sa seule mémoire auditive. Aux questions précédentes, il regardait l'intervieweur, mais cette fois, son regard est resté attaché à son dessin. (01:03:20) | En voix off intervient la voix d'une femme qui déplore que la rédaction du dossier scolaire d'une enfant puisse comporter des informations qui tendent à infléchir l'interprétation de son cas. Filmée en in, assise à côté d'Eric, derrière une table chargée de feuilles et de stylo-feutres, elle explique qu'elle est institutrice. Mais avec Eric, "tout se passe au niveau du jeu. Le mot 'travail', il y est allergique." Elle raconte qu'un matin, il lui a dit qu'il ne voulait pas travailler, mais qu'il était disposé à "jouer à lire et écrire" avec elle. Elle ajoute, alors qu'il continue de dessiner près d'elle : "Je ne sais d'ailleurs pas s'il sait lire ou pas puisque Eric joue toujours à tout ignorer". Directement interrogé par l'intervieweur, Eric dit qu'il aime travailler avec l'institutrice, que son activité préférée est la lecture et le dessin". Mais il ajoute qu'il ne sait pas lire, qu'il aimerait apprendre "parce que c'est intéressant". L'institutrice commente : "Je crois que ce qui l'intéresse c'est l'apprentissage, mais pas de savoir lire. Eric a très peur de savoir. Eric a très peur d'être autonome." Ses phrases sont si nettement formulées qu'elles paraissent extraites d'un écrit qu'elle aurait rédigé, ou bien d'une réflexion développée par l'intensité de son expérience, l'intérêt qu'elle lui porte. Il s'y exprime l'acuité de son analyse et le désarroi intime qui en résulte. L'intervieweur, devenu tiers entre elle et Eric, retourne vers lui l'observation qu'elle vient de faire à son sujet. "C'est vrai?" Eric répond "oui" sans attendre. "T'as compris ce qu'elle a dit?" Il répond "oui" de nouveau. "T'en penses quoi?" Il répond par des phonèmes qui imitent la phrase de l'institutrice, comme on répèterait la phrase qu'on a entendu dans une langue inconnue, s'aidant de sa seule mémoire auditive. Aux questions précédentes, il regardait l'intervieweur, mais cette fois, son regard est resté attaché à son dessin. (01:03:20) | ||
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Un jeune garçon à vélo sur une route de campagne, sous la pluie. Cheveux au vent, vêtu de jeans et d'un ciré, chaussé de godillots. Le regard fier qui porte loin. Une intervention infographique nous apprend qu'il se prénomme Philippe. Il descend de son vélo qu'il a appuyé contre la façade d'une maison, il pousse la porte de celle-ci. Une voix d'homme en off, ses propos nous apprendront qu'il en est le père : "Philou, il a quinze ans. Je crois que de voir moins ses parents n'est pas une mauvaise chose. Élever un enfant, c'est pas simplement le fait des parents. Je pense qu'il pouvait nous quitter sans dommage, en fait." À présent, le père en in. Il est assis dans un fauteuil de skaï noir, à côté de lui, un buffet où sont rangés des verres à pied. "Comment vous le voyez, l'avenir de Philippe?" lui demande en off l'intervieweur. Le père rit à cette question, répond qu'il faudra engager des luttes, apprendre à être patient, affronter des échecs. Mais est-ce de Philippe qu'il parle, ou des adultes qui s'occupent de lui? Philippe dans l'intérieur d'une maison. On devine que c'est celle dans laquelle il est entré au retour de sa balade à vélo. Elle est meublée simplement, dans un style qui n'a pas évolué depuis l'après-guerre, avec des repères d'habitat rural. Un grand crucifix sur un des murs. Philippe traverse la cuisine en quittant son ciré et en allant se couper une tranche de pain. Il a ses habitudes. Échange de sourires avec une femme âgée montrée en plans de coupe, filmée en gros plan. Son regard pétille, témoignant de l'attachement qu'elle éprouve pour lui. La voix du père en off évoque une période où il a été amené à la Salpêtrière, tellement son comportement était devenu "insupportable". Intervention de Philippe qui compare l'établissement à une prison. Pendant l'une de ses crises, raconte-t-il, le personnel a attaché ses mains. Son séjour a duré "six mois". À présent, il est attablé devant un bol et commence son petit-déjeuner face à la caméra. Devant elle, il parle fort et sans timidité. Il prend des attitudes avec ses mains, sa manière de tenir sa tête. Les gros plans soulignent sa propension histrionique à exagérer sa gestuelle et ses mimiques. Transition sur les hôpitaux psychiatriques, d'abord évoqués par des jeunes de Bonneuil pendant une réunion de groupe, puis filmés de manière furtive, en montrant un couloir et un bureau dont la porte est ouverte, avec, en off, la voix du psychiatre André Bourguignon (apparaissant en in quelques plans plus tard, une intervention infographique nous apprend qu'il est responsable du secteur psychiatrique de Bonneuil-Créteil) : "C'est vrai qu'en France, les médecins jouissent encore d'une puissance extraordinaire." Maud Mannoni, filmée derrière un bureau : " On tend à faire du médecin un personnage qui va finalement supprimer la mort." Elle regrette que la prise en charge administrative, "donnée comme seul recours", ignore les solidarités "des gens entre eux". Elle estime qu'"on ne fait plus confiance aux non spécialistes." Le Dr. Bourguignon, assis à ses côtés, s'interroge à son tour sur la capacité de la société d'accepter de vivre avec les malades en son sein, sans avoir à les isoler. Retour à Philippe qui fait rentrer les vaches dans l'étable. Circulant au milieu d'elles, il les nomme, les interpelle, d'une voix autoritaire. Retour à Philippe au petit-déjeuner. Interrogé sur l'école, il répond qu'on y "perd son temps". S'il a de bonnes notes, elles dégringolent quelquefois. "J'ai déjà eu 6 en moyenne générale, au mois de novembre". Il appuie son affirmation d'un signe de tête, il veut montrer qu'il n'a pas honte de l'irrégularité de ses résultats, sans doute parce qu'elle signifie qu'il ne travaille que quand il le veut bien. "Et puis les copains m'emmerdaient" ; il les considère, lorsqu'ils deviennent gentils avec lui, comme des "faux jetons". Plans de coupe sur la femme qui l'a accueillie, toujours assise avec lui dans la cuisine. Elle écoute l'échange avec intérêt et bienveillance. Elle admire visiblement ce garçon qui sait s'affirmer et mettre en question les règles du jeu auxquelles on cherche à le soumettre. "Je pense qu'il apprécie le climat familial", affirme-t-elle. Ses propres enfants le considèrent comme leur "petit frère". Philippe se tient derrière elle, à genoux sur le sol, caressant un chien, ajoutant des commentaires difficilement intelligibles. Comme Éric dans la séquence précédente, il ne perd pas une miette de la conversation quand il en est le sujet. Pour le père de Philippe, qui intervient en in, beaucoup de jeunes vont, à l'avenir, partager les problèmes de Philippe parce que le "système actuel" fabrique des "inadaptés". De loin en loin, le film émet le même message : la folie attribuée à ces enfants témoigne des vices d'un système industriel et marchand qui détruit le collectif et hystérise le rapport à la norme - se conformer à cette norme devenant une question de survie. Philippe à la fenêtre, peut-être en train d'écrire. Il est filmé de l'extérieur, en plan fixe, puis la caméra opère un travelling le long de la route qu'il avait empruntée à vélo. (01:23:55) | Un jeune garçon à vélo sur une route de campagne, sous la pluie. Cheveux au vent, vêtu de jeans et d'un ciré, chaussé de godillots. Le regard fier qui porte loin. Une intervention infographique nous apprend qu'il se prénomme Philippe. Il descend de son vélo qu'il a appuyé contre la façade d'une maison, il pousse la porte de celle-ci. Une voix d'homme en off, ses propos nous apprendront qu'il en est le père : "Philou, il a quinze ans. Je crois que de voir moins ses parents n'est pas une mauvaise chose. Élever un enfant, c'est pas simplement le fait des parents. Je pense qu'il pouvait nous quitter sans dommage, en fait." À présent, le père en in. Il est assis dans un fauteuil de skaï noir, à côté de lui, un buffet où sont rangés des verres à pied. "Comment vous le voyez, l'avenir de Philippe?" lui demande en off l'intervieweur. Le père rit à cette question, répond qu'il faudra engager des luttes, apprendre à être patient, affronter des échecs. Mais est-ce de Philippe qu'il parle, ou des adultes qui s'occupent de lui? Philippe dans l'intérieur d'une maison. On devine que c'est celle dans laquelle il est entré au retour de sa balade à vélo. Elle est meublée simplement, dans un style qui n'a pas évolué depuis l'après-guerre, avec des repères d'habitat rural. Un grand crucifix sur un des murs. Philippe traverse la cuisine en quittant son ciré et en allant se couper une tranche de pain. Il a ses habitudes. Échange de sourires avec une femme âgée montrée en plans de coupe, filmée en gros plan. Son regard pétille, témoignant de l'attachement qu'elle éprouve pour lui. La voix du père en off évoque une période où il a été amené à la Salpêtrière, tellement son comportement était devenu "insupportable". Intervention de Philippe qui compare l'établissement à une prison. Pendant l'une de ses crises, raconte-t-il, le personnel a attaché ses mains. Son séjour a duré "six mois". À présent, il est attablé devant un bol et commence son petit-déjeuner face à la caméra. Devant elle, il parle fort et sans timidité. Il prend des attitudes avec ses mains, sa manière de tenir sa tête. Les gros plans soulignent sa propension histrionique à exagérer sa gestuelle et ses mimiques. Transition sur les hôpitaux psychiatriques, d'abord évoqués par des jeunes de Bonneuil pendant une réunion de groupe, puis filmés de manière furtive, en montrant un couloir et un bureau dont la porte est ouverte, avec, en off, la voix du psychiatre André Bourguignon (apparaissant en in quelques plans plus tard, une intervention infographique nous apprend qu'il est responsable du secteur psychiatrique de Bonneuil-Créteil) : "C'est vrai qu'en France, les médecins jouissent encore d'une puissance extraordinaire." Maud Mannoni, filmée derrière un bureau : " On tend à faire du médecin un personnage qui va finalement supprimer la mort." Elle regrette que la prise en charge administrative, "donnée comme seul recours", ignore les solidarités "des gens entre eux". Elle estime qu'"on ne fait plus confiance aux non spécialistes." Le Dr. Bourguignon, assis à ses côtés, s'interroge à son tour sur la capacité de la société d'accepter de vivre avec les malades en son sein, sans avoir à les isoler. Retour à Philippe qui fait rentrer les vaches dans l'étable. Circulant au milieu d'elles, il les nomme, les interpelle, d'une voix autoritaire. Retour à Philippe au petit-déjeuner. Interrogé sur l'école, il répond qu'on y "perd son temps". S'il a de bonnes notes, elles dégringolent quelquefois. "J'ai déjà eu 6 en moyenne générale, au mois de novembre". Il appuie son affirmation d'un signe de tête, il veut montrer qu'il n'a pas honte de l'irrégularité de ses résultats, sans doute parce qu'elle signifie qu'il ne travaille que quand il le veut bien. "Et puis les copains m'emmerdaient" ; il les considère, lorsqu'ils deviennent gentils avec lui, comme des "faux jetons". Plans de coupe sur la femme qui l'a accueillie, toujours assise avec lui dans la cuisine. Elle écoute l'échange avec intérêt et bienveillance. Elle admire visiblement ce garçon qui sait s'affirmer et mettre en question les règles du jeu auxquelles on cherche à le soumettre. "Je pense qu'il apprécie le climat familial", affirme-t-elle. Ses propres enfants le considèrent comme leur "petit frère". Philippe se tient derrière elle, à genoux sur le sol, caressant un chien, ajoutant des commentaires difficilement intelligibles. Comme Éric dans la séquence précédente, il ne perd pas une miette de la conversation quand il en est le sujet. Pour le père de Philippe, qui intervient en in, beaucoup de jeunes vont, à l'avenir, partager les problèmes de Philippe parce que le "système actuel" fabrique des "inadaptés". De loin en loin, le film émet le même message : la folie attribuée à ces enfants témoigne des vices d'un système industriel et marchand qui détruit le collectif et hystérise le rapport à la norme - se conformer à cette norme devenant une question de survie. Philippe à la fenêtre, peut-être en train d'écrire. Il est filmé de l'extérieur, en plan fixe, puis la caméra opère un travelling le long de la route qu'il avait empruntée à vélo. (01:23:55) | ||
Sur des vues de rues de village ou d'intérieurs de ses maisons, un collage de commentaires, émis par des élèves de Bonneuil, qui estiment, avec bon sens, que les jeunes ayant un parcours plus réduit dans la société que les adultes, celle-ci a moins prise sur eux. Maud Mannoni suggère qu'ils pourraient être associés à une gestion municipale | '''"On nous demande pourquoi nous n'adaptons pas plutôt les enfants à l'usine"''' | ||
Sur des vues de rues de village ou d'intérieurs de ses maisons, un collage de commentaires, émis par des élèves de Bonneuil, sans doute ceux qui sont en rupture scolaire et sont accueillis avec les enfants psychotiques (ce principe a été expliqué dans ''Vivre à Bonneuil''). Ils estiment, avec bon sens, que les jeunes ayant un parcours plus réduit dans la société que les adultes, celle-ci a moins de prise sur eux. Quand Maud Mannoni suggère qu'ils pourraient être associés à une gestion municipale, aucune réponse convaincante ne lui est faite. Ces jeunes qui parlent volontiers expriment une révolte dont ils ont du mal à définir l'objet et se gardent de s'engager dans une quelconque prise de responsabilités, préférant compter les points. Un couple de fermiers entouré d'enfants, interrogé dans une cour. La femme estime que le mode de vie rural permet aux enfants de voir leur père pendant la journée et de vivre au contact de la nature. Paysage vallonné et désert où évolue un troupeau de moutons. En off, l'intervieweur demande à Maud Mannoni : "Est-ce que finalement cet effort pour réintégrer les enfants en difficulté dans les milieux paysans ou artisanaux n'est pas une idée parfaitement utopique?" "- C'est bien ce qu'on nous reproche, répond Maud Mannoni, toujours en off alors que la caméra continue de panoter sur le paysage majestueux qui se déploie sans infrastructure apparente (une rouet, une haie) qui le dompterait en le segmentant. On nous demande pourquoi nous n'adaptons pas plutôt les enfants à l'usine". Elle ajoute que la priorité n'est pas d'adapter au travail mais de faire en sorte que l'enfant trouve "un lieu où il se sente bien". Or "c'est en utilisant les structures archaïques qui existent encore en France qu'on réussit le mieux, dans la mesure où on y trouve un contexte d'environnement où il y a des paroles justes, des paroles que les gens trouvent eux-mêmes". Le film a commencé sur un long travelling le long des plus récents grands ensembles, par des plans abiotiques que traversent uniquement des véhicules qui ne paraissent même pas être conduits par des êtres humains. Il finit par une scène pastorale qui montre un jeune homme ramenant les moutons dans un parc après les avoir promenés dans un paysage vaste où la nature est en majesté. Ainsi, le mode de prise en charge des enfants psychotiques qui est recommandé consiste à fuir la ville et retrouver un mode de vie traditionnel, aux intérieurs inchangés, où les travaux et les jours rythment une société rurale qui aurait été indemne des mutations que Henri Mendras relate dans ''La fin des paysans'', paru dix ans plus tôt (1967). Sur le même air de flûte, repris par une section de vents, derniers plans sur le jeune homme que nous avons vu tout à l'heure. Sans doute issu de Bonneuil, il contemple d'un regard tranquille et grave les bêtes dont il a la charge. Intervention graphique sur l'image qui se fige : " Je suis peut-être le plus atteint, moi l'innocent, le jeune, l'enfant! - Jules Vallès". Il est intéressant que les termes "jeune" et "enfant" soient associés par cette citation, puisque, dans tout le film, les personnages principaux sont jeunes plus qu'enfants. Que signifie alors le titre du film, "secrète enfance", sinon le hors champ d'un âge antérieur où le drame s'est noué, qui a déterminé le parcours de chacun, et dont il faut deviner les tourments fondateurs à travers son comportement et ses propos actuels, et aussi l'analyse émise par les adultes qui l'ont accompagné? | |||
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Mario Pujó, "Psicoanalisis y el hospital - conversación con Maud Mannoni, Fundadora de la Escuela Experimental de Bonneuil, y con Michel Polo, su Director en ejercicio", dans Psicoanálisis y el Hospital: ''Psiquiatría y psicoanálisis'', n°9, fév 1996 (http://www.elpsitio.com/Noticias/NoticiaMuestra.asp?Id=1831). | Mario Pujó, "Psicoanalisis y el hospital - conversación con Maud Mannoni, Fundadora de la Escuela Experimental de Bonneuil, y con Michel Polo, su Director en ejercicio", dans Psicoanálisis y el Hospital: ''Psiquiatría y psicoanálisis'', n°9, fév 1996 (http://www.elpsitio.com/Noticias/NoticiaMuestra.asp?Id=1831). | ||
[https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000699217 Loi n°75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales] | |||
A noter un documentaire que Jacques Baratier a réalisé en collaboration avec Maud Mannoni : ''L'enfance africaine'', diffusé sur A2 le 16/01/1977 (notice INA n° CPB77052724). | A noter un documentaire que Jacques Baratier a réalisé en collaboration avec Maud Mannoni : ''L'enfance africaine'', diffusé sur A2 le 16/01/1977 (notice INA n° CPB77052724). | ||
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Dernière version du 4 février 2025 à 10:56
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Titre :
Secrète enfance
Année de production :
Pays de production :
Année de diffusion :
1979
Réalisation :
Intervenants :
Durée :
92 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Générique principal
Contenus
Sujet
Genre dominant
Résumé
Contexte
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Oui. Vivre à Bonneuil (Guy Seligmann, 1974, aussi dans medfilm)
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Communications et événements associés au film
Public
Audience
Descriptif libre
Notes complémentaires
Références et documents externes
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Joël Danet

