|
|
| Ligne 155 : |
Ligne 155 : |
| |Notes complémentaires={{HTNotes | | |Notes complémentaires={{HTNotes |
| |Langue=fr | | |Langue=fr |
| |Texte=Dans leur ouvrage ''Le regard des autres'', publié en 1990, Monique Saladin se confie en ces termes: | | |Texte=L’approche cinématographique de Monique Saladin et Alain Casanova s’inscrit dans le mouvement du cinéma vérité, ou comme il a été renommé plus tard, cinéma direct. |
| | | Né en Amérique du Nord entre 1958 et 1962, le cinéma direct s’emploie à capter les moments du quotidien, à rechercher les situations de spontanéité, pour transmettre directement le réel. |
| Toute rencontre provoque une certaine émotion mais sans doute est-elle
plus forte, même inconsciemment, avec une personne handicapée. Comme
dans toute situation humaine, elle change selon les personnes, les lieux et les
raisons de la rencontre. Certes, dans toute communication inter-personnelle,
on joue un peu à cache-cache avec ses propres sentiments, mais ce jeu devient
plus compliqué avec bon nombre de handicapés. Il n'est pas facile d'établir
avec eux la juste distance relationnelle. On oscille entre une mise à distance
ou une trop grande implication. Il y a surtout une rigidité de communication
qui s'instaure et qui semble difficile à modifier. Il faut libérer les émotions,
les leurs comme les nôtres. Ne plus en avoir peur, les apprivoiser car si elles
n'arrivent pas à s'exprimer, nous ne pourrons jamais nous adapter à la
situation. Nos émotions font partie du processus d'adaptation.
| | Son avènement est rendu possible notamment par l’évolution technologique des caméras et magnétophones, rendus plus légers et fiables. |
| | | Les réalisateurs en parlent en ces mots dans leur ouvrage « Le regard des autres » : |
| Arriver à une attitude réceptive à l'autre, sans angoisse ni rejet, sans
compassion, ni pitié ni complaisance, dans une supposée supériorité que vous
donne la conscience de votre propre intégrité apparente, demande beaucoup
de temps. Toutes ces choses oblitèrent nos rapports avec ces autruis, miroirs
dérangeants de nos fragilités et de nos déficits. Le moi idéal, modèle ou
idole, est battu en brèche par ce renvoi à nos incomplétudes, à nos dimi
nutions, à la plus massive et déterminante de celles-ci : la perte de la vie.
Elles sont donc des images insoutenables de notre propre mort.
Ces sentiments, concomitants mais aussi contradictoires, sont autant
d'éléments qu'il a bien fallu, à un moment donné, regarder en face. Comment
admettre que nous soyons doubles en nous-mêmes puisque la vie et la mort
s'y affrontent? Comment devenir conscients de nos inconscients et des désarrois
qui y règnent? Comment réussir à devenir complice de notre malaise? Le
handicap n'est-il pas, finalement, un déficit d'identité, une détérioration du
rapport au monde qui va jusqu'à la mort? Etais-je seule habitée de tout cela?
Fallait-il le taire ou en parler? N'était-ce pas moi le monstre?
| | Le cinéma direct est né de trois mouvements concomitants. Sortir des
studios d'abord, et utiliser la caméra comme stylo, comme instrument d'eth
nologie ou de sociologie avec une approche pragmatique, un peu comme les
Anglo-Saxons ou les Québécois, plutôt qu'intellectuelle et universitaire à la
française. Il y a eu enfin l'essor fantastique de la télévision.
Avec le 16 mm et aujourd'hui la vidéo, très sensiblement, le caméraman
va s'approcher du sujet pour écouter et même dialoguer, grâce à la maniabilité
de plus en plus grande du matériel de prise de vues. C'est désormais le
contenu du discours qui bien souvent va rythmer les séquences et même
servir de fil conducteur au montage. Le cadre serré guette et traque la parole
libératrice, comme le silence éloquent, tout aussi révélateur. |
| | |
| C'est alors que je me suis aperçue que parmi les valides, tout le monde,
ou presque, avait peur, et que les handicapés, aussi, finissaient par avoir peur
de la confrontation. Chacun campait sur ses positions. La communication,
les rapports entre valides et handicapés se passent comme si les deux groupes
en présence se faisaient réciproquement peur. Des deux côtés, même si l'on
s'observe à la dérobée, la méconnaissance des problèmes de l'autre est
importante. Les défenses profondes qui se manifestent lors d'une confrontation
ne sont guère entamées. Souvent les problèmes sont mal posés. Chaque geste
des uns augmente la gêne des autres. Où se situe cette peur? Comment la
débusquer? Peut-on la dépasser? Comment peur et marginalisation peuvent-
elles céder la place à une communication capable de transformer progressivement les relations? Il fallait sortir de cette situation, d'autant plus qu'aujourd'hui, parmi les 320 millions d'habitants de la Communauté européenne,
près d'un tiers vit de façon plus ou moins proche, et plus ou moins régulière,
les problèmes induits par les handicaps de plus de 30 millions d'entre eux. | |
| }}{{HTNotes | | }}{{HTNotes |
| |Langue=fr | | |Langue=fr |
| |Texte=Dans leur ouvrage ''Le regard des autres'', publié en 1990, Monique Saladin se confie en ces termes: | | |Texte=L’approche cinématographique de Monique Saladin et Alain Casanova s’inscrit dans le mouvement du cinéma vérité, ou comme il a été renommé plus tard, cinéma direct. |
| | | Né en Amérique du Nord entre 1958 et 1962, le cinéma direct s’emploie à capter les moments du quotidien, à rechercher les situations de spontanéité, pour transmettre directement le réel. |
| Toute rencontre provoque une certaine émotion mais sans doute est-elle
plus forte, même inconsciemment, avec une personne handicapée. Comme
dans toute situation humaine, elle change selon les personnes, les lieux et les
raisons de la rencontre. Certes, dans toute communication inter-personnelle,
on joue un peu à cache-cache avec ses propres sentiments, mais ce jeu devient
plus compliqué avec bon nombre de handicapés. Il n'est pas facile d'établir
avec eux la juste distance relationnelle. On oscille entre une mise à distance
ou une trop grande implication. Il y a surtout une rigidité de communication
qui s'instaure et qui semble difficile à modifier. Il faut libérer les émotions,
les leurs comme les nôtres. Ne plus en avoir peur, les apprivoiser car si elles
n'arrivent pas à s'exprimer, nous ne pourrons jamais nous adapter à la
situation. Nos émotions font partie du processus d'adaptation.
| | Son avènement est rendu possible notamment par l’évolution technologique des caméras et magnétophones, rendus plus légers et fiables. |
| | | Les réalisateurs en parlent en ces mots dans leur ouvrage « Le regard des autres » : |
| Arriver à une attitude réceptive à l'autre, sans angoisse ni rejet, sans
compassion, ni pitié ni complaisance, dans une supposée supériorité que vous
donne la conscience de votre propre intégrité apparente, demande beaucoup
de temps. Toutes ces choses oblitèrent nos rapports avec ces autruis, miroirs
dérangeants de nos fragilités et de nos déficits. Le moi idéal, modèle ou
idole, est battu en brèche par ce renvoi à nos incomplétudes, à nos dimi
nutions, à la plus massive et déterminante de celles-ci : la perte de la vie.
Elles sont donc des images insoutenables de notre propre mort.
Ces sentiments, concomitants mais aussi contradictoires, sont autant
d'éléments qu'il a bien fallu, à un moment donné, regarder en face. Comment
admettre que nous soyons doubles en nous-mêmes puisque la vie et la mort
s'y affrontent? Comment devenir conscients de nos inconscients et des désarrois
qui y règnent? Comment réussir à devenir complice de notre malaise? Le
handicap n'est-il pas, finalement, un déficit d'identité, une détérioration du
rapport au monde qui va jusqu'à la mort? Etais-je seule habitée de tout cela?
Fallait-il le taire ou en parler? N'était-ce pas moi le monstre?
| | Le cinéma direct est né de trois mouvements concomitants. Sortir des
studios d'abord, et utiliser la caméra comme stylo, comme instrument d'eth
nologie ou de sociologie avec une approche pragmatique, un peu comme les
Anglo-Saxons ou les Québécois, plutôt qu'intellectuelle et universitaire à la
française. Il y a eu enfin l'essor fantastique de la télévision.
Avec le 16 mm et aujourd'hui la vidéo, très sensiblement, le caméraman
va s'approcher du sujet pour écouter et même dialoguer, grâce à la maniabilité
de plus en plus grande du matériel de prise de vues. C'est désormais le
contenu du discours qui bien souvent va rythmer les séquences et même
servir de fil conducteur au montage. Le cadre serré guette et traque la parole
libératrice, comme le silence éloquent, tout aussi révélateur. |
| | |
| C'est alors que je me suis aperçue que parmi les valides, tout le monde,
ou presque, avait peur, et que les handicapés, aussi, finissaient par avoir peur
de la confrontation. Chacun campait sur ses positions. La communication,
les rapports entre valides et handicapés se passent comme si les deux groupes
en présence se faisaient réciproquement peur. Des deux côtés, même si l'on
s'observe à la dérobée, la méconnaissance des problèmes de l'autre est
importante. Les défenses profondes qui se manifestent lors d'une confrontation
ne sont guère entamées. Souvent les problèmes sont mal posés. Chaque geste
des uns augmente la gêne des autres. Où se situe cette peur? Comment la
débusquer? Peut-on la dépasser? Comment peur et marginalisation peuvent-
elles céder la place à une communication capable de transformer progressivement les relations? Il fallait sortir de cette situation, d'autant plus qu'aujourd'hui, parmi les 320 millions d'habitants de la Communauté européenne,
près d'un tiers vit de façon plus ou moins proche, et plus ou moins régulière,
les problèmes induits par les handicaps de plus de 30 millions d'entre eux. | |
| }} | | }} |
| |Documents_Externes={{Documents externes | | |Documents_Externes={{Documents externes |