Une contractualisation d'Art et Science avec la Faculté de médecine de Lyon
En février 1954, le docteur Armand Notter à Lyon signe une convention de coproduction avec la société d’Éric Duvivier pour réaliser sous sa direction médicale et dans la clinique obstétricale de la faculté de médecine de Lyon du professeur Pigeaud un film consacré à la « prophylaxie anténatale des douleurs à type spasmodique au cours de l’accouchement ». Le dossier de production fait état d'un titre initialement prévu : Film consacré à la prophylaxie anténatales des douleurs à type spasmodique au cours de l’accouchement. Le film s’appela finalement L’accouchement sans appréhension. Dans ces cas de production professionnelle de films d’enseignement « purs » – i.e. sans financement industriel – le coût de production, assumé par le médecin, est adapté (diminué de moitié environ, 150.000 Frs anciens ici) et en contrepartie le médecin doit apporter son travail d’écriture, le « scénario médical », et de préparation des prises de vue, de figurations et de dessins animés. Pour ces « films d’auteurs médicaux » et non de commande publicitaire, Éric Duvivier accorde, outre le rabais sur le prix de production, plus de latitude pour la rédaction du générique concernant les personnes ayant participé, et l’auteur dispose d’un droit de veto sur la sortie du film. Il considère que la part coproductrice du médecin correspond au tiers de l’ensemble des frais du film et de ce fait il consent à ce qu’un tiers des recettes de la distribution lui revienne en retour. La distribution du film est assurée par les Films Art et Science sans intervention ou restriction de la part de l’auteur médecin.(Archives Duvivier, DHVS, Dossiers conventions). Cf. Christian Bonah. ”Réservé strictement au corps médical” : les sociétés de production audiovisuelle d’Éric Duvivier, l’industrie pharmaceutique et leurs stratégies de co-production de films médicaux industriels, 1950-1980. Cahiers d’histoire du Cnam, 2019, Le cinématographe pour l’industrie et dans les entreprises (1890-1990), vol.12, pp.133-158.
La méthode Read
Le film promeut une méthode éclose en Grande Bretagne après la Seconde Guerre Mondiale. Depuis 1847, date de la première application de l’anesthésie au soulagement des parturientes, seules l’analgésie médicamenteuse ou différentes formes d’anesthésies étaient proposées. Dans les années 1930 en Angleterre est mise au point une première méthode psychologique d’atténuation des douleurs obstétricales, dite accouchement « naturel », due à Grantly Dick-Read (1890-1959) qui est accoucheur à Woking dans la banlieue de Londres de 1923 à 1948. Observant les femmes en travail et étudiant des pratiques médicales variées (Franz Anton Mesmer, Jean-Martin Charcot, Émile Coué), il construit peu à peu une méthode d’accouchement « sans peur », fondée sur la conviction que, dans certaines circonstances, l’esprit peut commander au corps. En 1933, dans son premier ouvrage Natural Childbirth, il condamne l’accouchement « scientifique » sous anesthésie générale, largement pratiqué de son temps dans les pays anglo-saxons, et propose l’accouchement « selon la loi naturelle ». Pour cela, il faut briser le cycle fatal Peur-Tension-Douleur : la peur entraîne une tension des muscles, en particulier de l’utérus, et c’est ce qui cause la douleur. Pour atténuer la douleur, il faut d’abord supprimer la peur en préparant la femme qui va accoucher. Après avoir été instruite des différentes phases du travail, elle doit faire preuve pendant la phase de dilatation de patience et de contrôle de soi grâce à la pratique de la relaxation. Au moment de l’expulsion du fœtus, elle doit être capable de fournir un gros effort physique auquel elle aura été préparée. Le fondement de la méthode de Dick-Read est un spiritualisme qui exalte la fonction reproductive de la femme. En changeant les conditions de la venue au monde de nouveaux humains, il espère faire triompher la paix et l’harmonie sociale. (d'après Paula A. Michaels, Lamaze. An International History, Oxford University Press ; Andrée Rivard, Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne, Les éditions du remue-ménage)