Le générique qui ouvre le film se termine sur deux plans d'activités sportives en plein air : lutte pour les garçons, gymnastique rythmique pour les filles. Ces deux activités, spécifiées selon les genres, correspondent à la phase terminale de la "méthode d’éducation physique sportive généralisée (EPSG)" que le conseiller technique du film, Maurice Baquet, a mise au point.
La ville, l'atelier, le bureau : des cadres de vie étouffants
Sur une musique échevelée, succession de plans de train lancé en pleine vitesse. Arrivée en gare, les voyageurs ont ouvert les portes des wagons et se tiennent sur le seuil alors que le train est encore en mouvement. Quand il s'est tout à fait immobilisé, ils se déversent sur le quai et avancent en colonnes denses vers la sortie. Quand ils atteignent la rue, ils sont cernés par un trafic étourdissant. Commentaire : "Tous les jours, des milliers de jeunes gens, employés ou ouvriers, garçons ou filles, arrivent par les trains de banlieue. Ils s'engouffrent dans le métro pour aller à leur travail." Plan large dans un espace de travail (qui pourrait préfigurer l'actuel open space) où deux hommes sont installés de part et d'autre d'un grand bureau , et deux jeunes femmes, isolées l'une de l'autre, installées à des tables à part, sont en train de taper à la machine. La caméra resserre sur l'une des deux jeunes filles, celle qui était à l'avant plan. "Certes le travail discipline la vie, mais le corps et l'esprit ont un rythme intense, épuisant parfois". Elle lève le regard vers la fenêtre près de laquelle elle se trouve. Elle pousse un soupir qui exprime sa lassitude et fait sentir son désir d'aller dehors. A un établi d'usine dans un local d'atelier, un jeune homme prend la même attitude : regard vers la fenêtre, aspiration mélancolique au dehors. Dans une salle de montage de film, une jeune monteuse pose un regard triste sur la pellicule 35 mm qu'elle passe dans les galets de la table. "Aussi le besoin d'échapper à cette discipline est instinctif. Ils rêvent à des jeux sains et joyeux." La séquence se décline sur un plan d'atelier de couture où des jeunes femmes s'activent avec langueur, et un plan dans un local adminisrtaitf où un jeune homme consulte un lourd registre d'un air ennuyé. "Ils rêvent à un peu de lumière. Ils rêvent à la liberté." (02:34)
Découverte de l'association sportive moderne
Musique de fanfare, deux jeunes hommes et deux jeunes femmes franchissent le portique en ciment d'un stade sportif. "La détente qu'ils s'offrent : le sport, un sport". Le commentaire précise qu'il "faut le choisir adapté à ses possibilités physiques et à ses goûts." Saut à la perche, lancer de javelot, saut en longueur... Une succession de plans décline les activités offertes par l'"association sportive moderne" (citée par le commentaire) dans un cadre aéré et végétalisé. Ils mettent en jeu des corps souples, fins, à la gestuelle maîtrisée. "Gestes harmonieux qui expriment la force, la détente du corps". A noter que le filmage est décadré, l'assise des plans est devenue oblique, comme pour mettre en valeur leur géomatrisation de leur composition, laquelle est déterminée par l'architecture du stade et la structure des équipements. Leur agencement suscite un foisonnement hiératique de lignes qui accentue, par contraste, la souplesse des corps qui y sont projetés. En contrechamp, les jeunes personnes initialement montrées dans cette séquence. Filmées en plan poitrine et en contreplongée pour valoriser leur apparence, ils se tiennent droit et attentifs au spectacle des performances en tain de s'accomplir autour d'eux. Nous reconnaissons les protagonistes de la séquence précédente qui les montrait alanguis et oppressés. A présent, un sourire flotte sur leurs visages et leurs yeux sont grand ouverts. Ils se projettent dans ces sportifs qui laissent leurs corps s'exprimer avec discipline. Ils sont mus par "le désir de l'action soudain et prolongé", ils admirent "la beauté dans l'effort". Barres parallèles, cheval d'arçon, barres asymétriques... "Il faut choisir, et pourtant, tout vous semble facile". (04:55)
Le temps de la préparation physique
La musique perd de son emphase et se fait agreste avec un motif de flutiau. Gros plan sur les deux jeunes filles, au regard plus attentif que jamais. En contrechamp, d'autres jeunes filles en tenue sportive courent dans un espace boisé, bondissant parmi les basses ramures. Jusqu'à présent, toutes les performances sportives montrées mettaient en jeu des hommes. "Quel plaisir pour ces jeunes filles de courir en pleine nature!". La séquence se poursuit avec une action de rugby, jeu "fort rude mais splendide", à laquelle seuls des garçons participent.. à ce double titre? Haltérophilie et boxe sont montrées tour à tour. Leur pratique permet de "connaître sa force", "savoir donner parer les coups".
Les jeunes gens doivent décider pour quelles activités ils vont opter."Choisir, il faut choisir!" Un homme s'avance vers eux en tenue de sport. Le commentaire le présente comme "un moniteur". Il les salue et leur désigne des ponts du stade hors champ : "il les conseille". Des jeunes hommes (torse et pieds nus) en train de courir autour d'un stade. "Avant de se spécialiser, une préparation physique rationnelle est indispensable". Nous abordons là un autre point de la méthode préconisée par Maurice Baquet : la "méthode d’éducation physique sportive généralisée (EPSG)". De nouveau, l'assise des plans est oblique. Les jeunes hommes marchent dans une posture droite, puis, à intervalles réguliers, se courbent et touchent le gazon du dos de leurs mains sans cesser de marcher. Ici, ce qui fait cinéma est la similitude des corps qui ont atteint un stade similaire de sveltesse, le rythme égal de leur allure et la synchronisation de leurs gestes. Ils effectuent des mouvements de gymnastique qui les groupent souvent en binômes ou par quatre. De nouveau, le programme prévu se différencie selon les genres : "pour les garçons, exercices variés ; éducation des poumons et du coeur, culture et discipline des muscles". Exercices de luttes, de course avec sauts de haies. Il s'agit d'"endurcir le corps et le caractère, développer l'énergie et la volonté." Scène de contrôle médical pendant l'organisme. Un des sportifs est assis sur une chaise au bord du stade, un médecin vient auprès de lui pour mesurer sa tension. Le commentaire compare l'organisme humain à "une machine dont il faut vérifier les moteurs et les rouages." Cette interprétation mécaniste était défendue et promue dès 1930 par Jean Benoit-Lévy avec La machine humaine enseignée par la machine automobile. (09:01)
"La française de demain sera sportive!"
De nouveau la musique agreste pour annoncer une séquence sur les jeunes filles. Nous les voyons en plan général se déployer sur une aire de gazon pour effectuer des exercices "plus souples et coordonnés" que ceux réservés aux garçons. Elles évoluent en cercles, leurs enjambées sont amples, elles effectuent une gestuelle de bras qui fait songer à une figure chorégraphique. Réparties en binômes, elles se livrent à un exercice qui consiste, dos à dos et main dans la main, à tirer chacune l'autre à soi dans un rapport conflictuel. "La femme aussi a besoin de courage et d'audace! La française de demain sera sportive!" L'emploi de l'expression "la femme aussi" montre que la condition de l'homme reste l'étalon de la sienne. Alors que les jeunes filles se succèdent sur le cheval d'arçon, le commentaire poursuit : "ces enfants ne craindront ni le risque, ni l'effort..." Un jugement sur la génération précédente, celle de la Seconde Guerre Mondiale? Rappelons que le but du programme sportif que Maurice Baquet élabore à l'échelle nationale consiste à contribuer au redressement national qui s'impose après les épreuves de la défaite et de la collaboration. (10:43)
Le temps de la spécialisation
Le moniteur sportif se rend auprès des jeunes pour les aider à choisir la spécialité qui leur convient "car toutes les spécialités sont pratiquées dans une société sportive moderne. Succession de scènes mettant en jeu les différentes disciplines qu'ils ont choisies. D'abord la lutte où "il faut apprendre à ne pas céder à la souffrance". Séquence monotone d'exercices pratiqués en binômes ou en groupes de trois, d'abord pour développer l'assouplissement, puis l'aptitude à utiliser la force de l'adversaire. Ensuite, le football, "sport populaire entre tous". Là aussi, monotone séquence centrée sur l'entraînement. C'est toujours la "préparation" qui est privilégiée : nous ne voyons pas deux lutteurs au combat ou deux équipes pendant un match. La méthode de Maurice Baquet promeut ce "temps d'avant" la performance, indispensable à l'optimisation de son accomplissement. Exercices techniques pour maîtriser le dribble et le tir de la tête. "Qu'est-ce que le football en somme? Un sport qui demande une triple maîtrise : du ballon, du corps et des réflexes." Ensuite, course de haies. Exercices de saut par-dessus des rondins empilés, puis une unique haie. "Que de travail avant d'atteindre la perfection du style de nos champions." Le film insiste sur le long chemin nécessaire pour atteindre le haut niveau, après avoir en quelque sorte "appâté" le public en lui montrant ce que ce haut niveau est devenu, au terme de ce chemin, capable d'accomplir. D'abord donner l'envie de ressembler aux champions, puis convaincre de la nécessité de se plier à la contrainte d'un entraînement long et systématique (illustré par la multiplication d'exercices qui jalonnent la seconde moitié du film) pour les rejoindre.
Le choix des jeunes filles est également aidé par le moniteur qui échange avec elles. L'une d'elles choisit le basket ball, "sport collectif qui convient particulièrement aux femmes." De nouveau, le discours du film consiste à affirmer qu'à chaque genre correspond une gamme de sports spécifiques. Là encore, la séquence se centre sur "l'apprentissage technique", avec des exercices où les joueuses se mettent en rangs pour s'exercer à la passe, au dribble, au lancer. "L'esprit d'équipe élimine l'égoïsme et la vanité, car le sport n'a pas seulement vocation de distraire mais aussi d'éduquer les jeunes des villes et des campagnes. " Un second choix se porte sur la natation, heureux choix puisque "la natation est certainement un des sports qui convient le mieux aux jeunes filles." Le commentaire rappelle que sa maîtrise permet de sauver des vies. Exercices de brasse, d'abord avec les bras puis avec les jambes. Le commentaire rappelle que l'intervention d'un instructeur est nécessaire, "le nageur étant incapable de se rendre compte par lui-même des imperfections de ses mouvements." Autant toutes les séquences précédentes se caractérisaient par la netteté de la composition de leurs plans, avec un souci de montrer l'épure des gestes, alternant entre des plans larges à mêmes de faire admirer des chorégraphies de corps unis par le même mouvement et des plans plus rapprochés isolant dans le champ un ou plusieurs participants pour mieux étudier la technique qu'ils appliquent, autant la réalisation de cette séquence tournée à la piscine enchaîne des plans brouillons où les nageurs sportifs sont confondus avec les autres dans une multitude agitée et bon enfant.