L'histoire de Joëlle : De la surdité à l’implant cochléaire
Joëlle vit en banlieue parisienne avec son mari et leurs deux enfants. En février 1993, à l'âge de 34 ans, elle perd soudainement l’audition, après avoir souffert d’une surdité progressive pendant plusieurs dizaines d’années. En ayant porté des prothèses auditives, elle a suivi une scolarité normale. Sa détermination à ne pas se laisser définir par sa surdité l'a amenée à trouver des solutions parfois innovantes pour améliorer sa qualité de vie. Le témoignage de Joëlle est motivé par l’envie d’aider, à travers son expérience, les personnes confrontées à des situations similaires.
Le choc de la perte d’audition
Avant cette perte d’audition, Joëlle entendait encore quelques sons, comme ceux des voix et du bruit ambiant, mais c’était une perception de plus en plus limitée. En février 1993, elle perdit le peu d'audition qui lui restait. Ce qui dérange le plus, c’est que sa surdité la sépare des autres, et surtout de ses enfants. Elle se sent complètement isolée. Elle insiste sur l'importance vitale de la communication, la comparant à l'eau: “La communication c’est important, c’est très important. On en a besoin. C’est comme de l’eau” (Joëlle touche son verre d’eau en même temps) (04’02).
L'implant cochléaire, une lueur d’espoir
Informée par son audioprothésiste, Joëlle décide de se tourner vers la médecine pour retrouver une partie de ce qu’elle a perdu grâce à l’implant cochléaire. Elle se rend au centre hospitalier pour rencontrer le professeur Chouard, un médecin et chirurgien français, spécialisé dans le domaine de l'oto-rhino-laryngologie. Essentiellement connu pour ses travaux sur l’implant cochléaire, il réalise la première implantation cochléaire multi-électrodes à l'hôpital Saint-Antoine à Paris en 1973. Il lui explique le processus complexe de l’implantation et les différentes étapes de la rééducation. Joëlle, pleine d’espoir, se décide et accepte.
La chirurgie et la période post-opératoire
Bloc opératoire. L’implantation cochléaire est une opération délicate qui implique une anesthésie générale. Celle de Joëlle se déroule sans encombre. La rééducation phoniatrique, elle, sera longue et semée d’embûches. Joëlle doit s’adapter à un tout nouveau système auditif. Et chaque petit progrès devient une victoire.
Dès l’activation de l’implant, les premiers sons qu’elle perçoit sont étranges et presque incompréhensibles. Joëlle les compare à des sons de xylophone (14’16). C’est comme entendre une mélodie qu’on ne connaît pas. Mais petit à petit, les sons prennent forme. Et, au fur et à mesure des réglages et de la rééducation, Joëlle commence à comprendre des mots, puis des phrases. C’est un processus épuisant, tant physiquement que mentalement.
La rééducation phoniatrique de Joëlle se fera avec la Dr. Fugain, une médecin spécialisée en oto-rhino-laryngologie et phoniatrie. Elle travaille, aux côtés du Professeur Chouard, à l'hôpital Saint Antoine. Elle a également fondé le service « SOS voix » à l'hôpital Foch et écrit sur son expérience dans un livre: “Médecin des voix”. (Elle est la sœur du chanteur Michel Fugain).
Le premier grande victoire : entendre la voix de ses enfants
Le moment le plus émouvant de ce parcours intervient lorsqu’elle réussit à entendre la voix de son fils Florent, un son qu’elle n’avait plus entendu depuis des mois. Ce moment marque un tournant : elle se rend compte que l’implant cochléaire fonctionne, que la technologie commence à lui offrir la possibilité de retrouver une forme de communication normale. Cependant, ce n’est pas sans difficulté. Par exemple, il semblerait que Joëlle a toujours besoin d’un contact visuel pour la lecture labiale.
Les défis de la rééducation sonore et de la communication
Les jours passent et la rééducation devient de plus en plus exigeante. Au début, les sons sont déformés. Maintenant, la conversation au téléphone devient accessible. Joëlle doit se concentrer sur chaque mot prononcé, chaque syllabe, mais avec le temps, les progrès sont tangibles. Cependant, il lui faut encore un peu de temps avant de pouvoir parfaitement entendre, surtout dans des environnements bruyants.
La redécouverte de certaines sons
Joëlle commence à retrouver des sons qu’elle avait oubliés. Elle entend à nouveau le bruit des pas de ces enfants au réveil, la cloche de l’église, les sons des appareils électroménagers, et même la musique. Ce dernier aspect est particulièrement fascinant pour elle. Le chant des oiseaux lui paraît terriblement fort et agréable. Bien que ces sons ne soient pas aussi nets que dans son souvenir, ils lui rappellent la beauté du monde sonore.
Une nouvelle vie
Après plusieurs mois de rééducation et de réglages, Joëlle a retrouvé une vie plus proche de la normale. Elle peut, maintenant, se reconnecter avec le monde qui l’entoure. Elle entend la voix de ses enfants, participe à des conversations avec plus de facilité, et même parle au téléphone. Son parcours, bien qu'extrêmement difficile, a été marqué par la persévérance, le soutien de sa famille et la technologie. L’implant cochléaire ne lui a pas redonné une audition parfaite, mais il lui a permis de retrouver une part essentielle de sa vie selon elle, de redécouvrir le monde sonore, et surtout, de ne plus se sentir exclue.
Capacités linguistiques de Joelle: avant et après implant cochléaire
Avant son implant cochléaire, Joëlle présentait des omissions de phonèmes, notamment pour ce qui s’agit des fricatives. Sa prosodie était également altérée : sa voix était souvent trop aiguë et manquait de modulation tonale. Elle s’appuyait uniquement sur la lecture labiale pour comprendre son interlocuteur. Après l’implant cochléaire, elle dit que son intelligibilité s’est nettement améliorée. Elle n’a plus besoin de lire sur les lèvres, comme en témoigne la séquence où son fils l’appelle alors qu’elle lui tourne le dos (32’06). Cela lui permet une meilleure communication notamment de parler au téléphone. Sa prosodie s’est également ajustée : sa voix est devenue moins aiguë et sa modulation plus fluide, bien qu’elle reste encore légèrement altérée. De plus, elle ne présente plus d’omission de phonèmes. Malgré ces progrès, certaines situations comportent des difficultés. Joëlle déclare avoir des difficultés à reconnaître les voix au téléphone et à suivre une conversation dans un environnement bruyant.