Préambule formaliste pour introduire la finalité thérapeutique de l'activité industrielle
Ouverture sur le logo Bayer, avec une musique dramatique. Bref plan de paysage aux prises avec une tempête. Ciel tourmenté, végétation couchée par le vent et lumière changeante composent une ambiance de drame romantique. Le calme s'impose brusquement. Dans la pénombre d'un intérieur, un homme se dirige vers un autre homme allongé. Il lui prend la main. La caméra glisse sur la scène, retourne à la pénombre, découvre d'autres personnes alitées, un vieillard et un adolescent. À chaque fois, une main se tend vers le visage du patient pour un geste de soin et de compassion. Noir créé par la silhouette du soignant qui masque le champ, puis rangée de lits dans une chambre d'hôpital. Une silhouette de femme se découpe sur une fenêtre voilée, elle se retourne vers la baie, se met à contempler la vue : nous découvrons le visage de la femme, empreint de gravité. En bas, c'est la rue avec des personnes traversant des rails de tramway et se disposant en rangs et colonnes comme si elles défilaient. Nous retrouvons la mise en scène ruttmannienne des travailleurs de la métropole industrielle, comme dans le premier acte de Berlin, symphonie d'une grande ville (1926).
Mobilisation du personnel
Une silhouette d'homme se découpe sur le ciel, avec, à l'horizon, une cheminée d'usine et les piles d'acier d'un pont. L'homme commence un discours qui s'adresse à une masse d'ouvriers réunis sur un site de travail. En contrechamp, nous voyons certains visages dans la foule tendus vers l'orateur en surplomb, dans une attitude de grande attention. "Les ennemis qui nous menacent, ces maladies qui frappent l'humanité sont des forces extrêmement puissantes et unies. Il n'y a qu'en les affrontant collectivement en travailleurs résolus et unis, que nous réussirons ! Résolument, inlassablement, forgeons les armes du médecin qui les combat... Des millions de gens nous regardent avec espoir et gratitude... Par conséquent ouvriers, employés de bureau, chercheurs, au travail ! " Sur l'injonction "Au travail !", le film revient sur l'orateur, celui-ci levant les bras comme un chef d'orchestre.
Cette séquence reprend les codes de la mobilisation ouvrière par les syndicats : par un jeu du champ-contrechamp, elle montre un leader placé en surplomb et des masses restées dans la fosse des ateliers, une personne qui parle et les autres qui écoutent avec implication et gravité comme si elles s'identifiaient dans les paroles qui leur sont adressées. Le discours, cependant, emprunte à la terminologie guerrière. Le spectateur comprend par ses dernières phrases que l'orateur est un cadre de laboratoire pharmaceutique qui s'adresse à ses employés, tous niveaux de responsabilités confondus. L'industrie des agents thérapeutiques est présentée non comme une activité économique, mais comme une lutte au service d'une cause urgente et sans fin. (03:43)
La fabrication du médicament
Séquence de "symphonie industrielle" appliquée à la médecine. Machines-transferts, rotatives et pièces de mécanique sont montrées en action pour fabriquer massivement le médicament. Le ballet impeccable de leurs mouvements est souligné par la musique, lyrique et rythmée. Nous pensons aux autres films de Ruttmann, ou celui de Joris Ivens pour Phillips (1930), à ceci près que la fin de la séquence ne montre plus les machines isolées dans le champ, mais des hommes à la manœuvre. Cette co-présence des hommes avec les machines manifeste le souci de montrer que cette fabrication reste une œuvre humaine, déterminée et contrôlée par les employés de l'entreprise. (05:47)
Les recherches en laboratoire
Images microcinématographiques de corpuscules sur fond noir. Par-dessus se détachent des mots en lettres bâtons blanches : "SYPHILIS", "GRIPPE", "CHOLERA", "DIPHTERIE"... avec, en ombre portée, la silhouette d'un microscope. Cette scène rappelle le préambule de Feind im Blut" que Ruttmann a réalisé en 1931 au sujet de la syphilis. Il emploie la typographie comme moyen d'incarner le fléau social qui consiste en une infection contaminante. Travellings dans un laboratoire de recherche sur les fioles, les ballons, les flacons alignés sur des étagères. Des hommes s'activent, leurs dialogues se font entendre en commentaire : "On voit bien que la solution se trouble", "Faites faire une analyse bactériologique", "504 n'est pas cristallisé"... Il s'agit d'évoquer le travail des laborantins, non de l'expliquer par des plans didactiques. Toute cette séquence qui emprunte à l'expressivité du cinéma muet rappelle le style formaliste aux accents expressionnistes des films de Ruttmann. Vue en plongée d'un complexe de conduits. Commentaire : "Aux fins d'une production à grande échelle, les processus d'abord conçus et exécutés en laboratoire sont essayés dans cette installation géante." Baignés d'une musique exaltée, des plans de pâte épaisse que remuent et déchirent des pales géantes, dans un style apparenté à celui de La ligne générale d'Eisenstein (1929). Retour dans le laboratoire, travellings rêveurs parmi les récipients remplis de produits chauffés ou manipulés, compositions qui jouent avec la superposition de leurs parois transparentes. "Des récipients en verre contiennent les substances vitales par lesquelles l'homme a vaincu la souffrance et la maladie." Une porte s'ouvre sur le passage de la caméra, avec la plaque "Contrôle" sur un de ses panneaux. Gros plan sur le regard d'un laborantin qui scrute un produit. Le processus industriel reprend. Le commentaire insiste : "une stérilisation parfaite et une composition constante sont indispensables pour les drogues utilisées en médecine." (10:06)
Soigner avec le médicament
Raccord du regard attentif des laborantines sur les produits en élaboration avec le visage d'un malade dans son lit d'hôpital, le regard révulsé, les traits crispés. Un recul révèle qu'une boîte est posée sur la table de chevet, avec dessus l'indication "novalgine". Un médecin à ses côtés prépare une seringue. La musique est sourde et mélancolique. Elle s'éclaire insensiblement sur un gros plan du visage de l'homme dont les traits se détendent en une esquisse de sourire. En plan général, avec son dos en amorce, le médecin pose une main fraternelle sur l'épaule de l'homme qui le regarde avec gratitude, son geste de compassion faisant écho avec ceux qui s'enchaînaient au début du film. Même scène chez un dentiste, mais sur un ton un brin humoristique, comme pour alléger l'excessive gravité de la précédente. Raccord d'un plan industriel de fabrication de "novocaïne" avec la préparation du même produit dans une seringue par l'assistante du dentiste. Elle lui tend la seringue, le dentiste la saisit, la contrôle et l'enfonce dans la bouche de son patient. Le visage de celui-ci, d'abord douloureux, se détend en un sourire d'enfant. Encore une fois, le raccord est l'artifice essentiel de la narration. Ruttmann continue d'employer les ressorts du cinéma fondamental, le cinéma muet, pour suggérer une symbiose entre l'activité industrielle de fabrication des agents et l'activité de soins qui les mobilise. Par le montage qui souligne une continuité des gestes (préparer la solution) et un usage des mêmes objets (le produit, le tube), le cinéma fait espace commun de l'atelier d'usine et du cabinet dentaire (11:18). Reprise de la symphonie industrielle concentrée sur la fabrication et le conditionnement des cachets. Mais là aussi, la séquence aboutit au regard de personnels de Bayer chargés de superviser les opérations. "La main et la machine, un oeil attentif et le contrôle automatique s'associent dans un but commun."
Contribuer à l'action sanitaire dans les pays en voie de développement
Percussions tribales, montage cut associant une carte de l'Afrique, la silhouette d'un insecte, un corps d'homme noir en tunique qui gît sur le sol. Les bruits percussifs deviennent diégétiques, c'est un homme qui frappe un fût avec des maillets. Quand il finit, son visage interroge avec anxiété le hors champ, comme s'il guettait la réception de son message. Dans la bande-son, ses coups se sont fondus dans le crépitement d'un télégraphe en marche. Une standardiste devant sa table de liaison annonce : "Maladie du sommeil dans Kilimandjaro - stop - réapprovisionnez en Bayer 205." De nouveaux plans d'usine en marche suggèrent que des médicaments sont fabriqués en urgence suite à ce signal. "La science et l'expérience, une production et un approvisionnement méthodiques, tels sont les armes par lesquelles des épidémies dévastatrices peuvent être contrées." Nouvelle étape dans la chaîne des tâches : la manutention des caisses de médicaments (frappés du logo Bayer comme certaines machines de fabrication : le film assure incidemment son placement de marque) dans les camions de livraison. "Où que la maladie apparaisse sur Terre, l'entreprise Bayer est prête à répondre en urgence." Les caisses superposées sont prises en charge par des avions. Regard confiant d'un homme de livraison qui suit son décollage. En animation, passage d'un avion au-dessus du globe terrestre. "Les médicaments sont transportés vers la zone menacée, même la plus isolée, par les moyens les plus modernes."
La lumière du plan d'animation s'obscurcit, l'avion continue son vol de nuit. Pendant que le grondement de ses moteurs continue, gros plan sur une femme noire qui lève les yeux au ciel avec un sourire confiant. Une tête se dresse au premier plan, celle de l'enfant qu'elle tient dans ses bras. Le film se termine sur le globe terrestre roulant sur lui-même, auquel se superpose le logo Bayer fait de lumignons. "La croix Bayer, symbole de fiabilité, envoie son message d'espoir et de délivrance". Derniers flonflons triomphants de l'orchestre. (15:28)