Logo de la Cinémathèque Delagrange. Titre en rouge sur fond noir en écriture manuscrite, sur musique de cirque. Pour le reste du générique, les couleurs des écritures changent.
Origine modeste, jeunesse tourmentée
La musique se faisant plus douce, une voix off présente Sylvain Fusco, sous les photographies noir et blanc des lieux et situations illustrant le commentaire : « Sylvain Fusco est né en 1903 à Rive de Villiers. Dans une famille nombreuse d'origine italienne, de condition très modeste, et décimée par la tuberculose. Après l'école primaire, Sylvain sculpte des meubles dans l'atelier de son père, tout en fréquentant les beaux-arts de Lyon. Aux alentours de 1920, il se passionne pour la danse, il hante les bals musette » (musique plus rapide, de bal musette) « il rencontre une prostituée dont il s'éprend passionnément. De cette liaison naît un enfant qui meurt en bas âge. Il fréquente le milieu lyonnais, et un soir à la suite d'une rixe il tue la sœur de son ami. Sylvain, qui n'a alors que 17 ans sera condamné à deux années de prison. » (gros plan sur des barreaux de prison (vue de derrière les barreaux), vue de la façade de prison avec des bruits de pas.
Prison et internement en asile
« Dès sa sortie, il est incorporé dans les bataillons d'Afrique. » (à nouveau des images de photographies qui illustrent le commentaire) « Durant cinq ans de régime disciplinaire, Sylvain Fusco ne tolère pas le climat, la promiscuité, les brimades. Il ne fera pas moins de dix mois de mitard » (une petite cellule est filmée) « Un mutisme total entrecoupé de crises de fureur, contraint l'armée à le réformer et à le rapatrier. Son état ne fait qu'empirer ; il erre sans but pendant des heures, devient bizarre voir inquiétant, se clochardise, sombre dans la catatonie. Devant ce comportement, le 9 avril 1930, à 27 ans, Sylvain Fusco est interné d'office à l'Asile de Bron, qu'il ne quittera plus. Il a rejoint les autres schizophrènes dans leur grande misère d'alors. Pourtant c'est là qu'il est remarqué par un nouveau médecin-chef, le Docteur André Recquet. »
Une séquence d'entretien avec le Docteur en question (Docteur André Recquet) nous explique comment, au Vinatier, il a pu s'intéresser à Sylvain Fusco et à ses dessins (d'abord des graffitis dans sa chambre puis des peintures sur les murs du pavillon) qui ressemblaient à des sexes de femme. Quand le médecin lui a laissé la possibilité de dessiner sans être dérangé par les autres, « son style a changé », et il se mit à peindre des « formes humaines, plus ou moins ambiguës » avec des seins et parfois une moustache ou une épée. Il changea encore son style lorsqu'il accepta le matériel de peinture que le Docteur mettait à sa disposition : « des têtes de femmes (…) au caractère sexuel féminin très accentué, très ornées ». Il a peint des têtes de femmes pendant des mois, toujours avec le « regard énigmatique qui caractérise ses portraits ». Le médecin est assis dans une pièce avec une grande peinture sur le mur arrière, la caméra faisant se succéder gros plan et plan plus large, il présente même l'une des œuvres (en recto verso) de Sylvain Fusco.
Naissance d'une œuvre
Succession de plusieurs avis et réactions aux œuvres en voix off ; la caméra se déplace de peinture en peinture au rythme des commentaires : « L'éclatement de l'espace intérieur du psychotique, projeté sur le papier », « c'est rempli de stéréotypes, ça n'est pas de la peinture, c'est de la pathologie », « s'il n'avait pas été fou, Fusco aurait égalé Picasso », « l'enfermement comme expérience d'isolement sensoriel est source d'hallucinations créatrices », « bien sûr, il y a de la technique, mais ça n'est pas de l'art », « exemple typique du phénomène de remplissage, de tassement du schizo », « c'est beau, mais ça fait peur », « encore une peinture de fou ».
Séquence d'entretien avec le Docteur Patrick Lemoine. Il est assis dans une pièce, dont le mur arrière est peint ; il présente quelques œuvres et explique la difficulté de l'interprétation qui peut aussi être son contraire. « Tous ces systèmes d'interprétation, de l'ordre de l'art psychopathologique, de l'art schizophrénique ou de l'étude de l'art sont assez caduques. Que devant une œuvre réellement créatrice, que devant quelque chose où il y a un peu de génie, tout ça est caduque. Que les classifications de nosographie ou de l'histoire de l'art ont rarement été moteur de création. Et que ce qui compte finalement, c'est le choc esthétique, c'est l'émotion subjective qu'on a devant cette œuvre. »
Sous une musique de bal musette se succèdent des plans sur quelques œuvres d'art du peintre Sylvain Fusco, sans commentaire. (zoom avant, zoom arrière, défilement latéral, pivotement de la toile pour montrer le verso, gros plans. Suit la chanson de Mistinguett Au fond de tes yeux, toujours sur les plans des peintures. Retour sur une musique de bal musette, puis Mistinguett dans les bouges de la nuit, et encore une musique de bal. Le tout dure pendant 5 grandes minutes. « Le 29 décembre 1940, Sylvain Fusco meurt de faim, premier des 15'000 malades mentaux qui vont mourir ainsi pendant la guerre ». Musique d'orchestre et zoom arrière sur un drap accroché dans un arbre.
Fonds Eric Duvivier code 488.