L'histoire de Stéphane
Intérieur jour, pièce d'appartement. François Vasseur, membres d’AIDES Normandie, témoigne, assis dans sa maison. « L’annonce qui a été faite à Stéphane à Quimper a été réalisée sans ménagement. Nous avons appris que Stéphane était séropositif. ça a été la terre qui se dérobe sous ses pieds. Il se savait condamné. »La voix du journaliste demande comment cela s’est passé par la suite en milieu hospitalier.François Vasseur répond : à Rouen, il a été pris en charge dans un service compétent, presque rien à redire. Quand il a été transféré, le personnel était peut-être mal informé, il a été victime d’une attitude discriminatoire qu'il ne comprenait pas.
Filmée assise dans un fauteuil bleu, une femme en blouse blanche parle. Son nom apparaît en blanc en bas de l’écran : Dr Françoise Borsa, CHU de RouenStéphane était très mal, explique-t-elle. On venait de lui apprendre à la fois sa séropositivité et une localisation cérébrale grave de sa maladie. Il était doublement malade, physiquement et psychologiquement, et la localisation cérébrale l’empêchait de voir les choses en toute clarté. « C’était quelqu’un de brutalement handicapé, un peu comme l’on peut voir dans un accident de voiture où vous avez quelqu’un de jeune, qui d’un seul coup devient une victime qui ne comprend pas ce qui lui arrive, avec un handicap très important, puisque Stéphane était semi-paralysé. Stéphane était un passionné de peinture, ses premières questions ont été de savoir s’il pourrait un jour reprendre ses activités. »
Pièce d’une maison ou d’un appartement, vide. Panoramique lent qui détaille l'ameublement et les objets de décoration. Ca et là, des photographies retouchées, des peintures. Le spectateur devine qu'il s'agit du logement de Stéphane. En off, voix masculine. Le témoin explique qu’il a une profession médicale, qu’il veut bien parler mais ne veut pas être filmé. « Avec ce que l’on entend dans les journaux, cela me ferait certainement perdre le peu de clientèle que j'ai. La voix du journaliste demande s’il n’est pas douloureux pour lui de vivre caché. « On a tous une part cachée », répond-il en renvoyant dos à dos les malades du SIDA et les autres.
Témoignage sur la prise en charge
Une médecin généraliste témoigne à propos des réactions de ses patients à l’annonce de la séropositivité. Elle est suivie d'une panique et une angoisse de plusieurs jours. Ensuite, certains retournent cela positivement et vivent profondément chaque instant, d’autres continuent à vivre un stress intense.
Dans un appartement, deux hommes sont assis l’un à côté de l’autre sur un sofa. L'homme au premier plan explique qu’un don de sang lui a permis d'apprendre sa séropositivité. Quand le deuxième homme lui demande s’il l'a fait pour savoir, il répond oui. L'annonce du diagnostic, qui s'est faite Salpêtrière s’est selon lui assez bien passée. Par contre, il juge avoir été « mal reçu » dans l'hôpital où il a été accueilli : ses draps étaient en papier et ses couverts en plastique, contrairement aux autres malades. « C’est vexant, et on dort mal dans des draps en papiers. On te dit : 't’es malade, tu contamines' ». Les proches qui sont venus le voir ont été invités par l’équipe à mettre des masques et des gants. Une amie, « très informée » a refusé de les mettre. Il ajoute : « Elle avait raison ».
Le manque d'information du personnel soignant
Une infirmière, Nicole, décrit la panique initiale des soignants et le manque d’informations sur la transmission de la maladie. Une sage femme explique qu’en salle d’accouchement, elle se sent très exposée. Elle manipule le placenta, le liquide amniotique… Elle ne met pas de gants. « On ne va pas mettre des gants à chaque fois que l’on fait quelque chose… » Elle explique qu’elle ne rentre pas facilement dans la chambre de patientes séropositives, il faut qu’elle se force. Des élèves sages femmes déplorent le manque de formation sur le sida, affirmant qu'il en a été question pendant 10 minutes à la fin d’un cours.
Vivre la maladie : les différentes stades psychologiques traversés
Dans un parc, assis sur un banc, un homme jeune parle. Son regard est grave, son visage marqué. Son propos, clair et nettement formulé, est entrecoupé de silences : le jeune homme montre ainsi qu'il a longuement réfléchi sur son expérience. Il a été hospitalisé en 1985 pour dépression. Des sérologies ont été réalisées, sans qu'il ait été au préalable prévenu. Il lui a été annoncé une sérologie positive pour le sida et d’autres maladies vénériennes. « On m'a balancé ça, sans ménagement ». Le jeune homme explique que sa réaction a connu plusieurs phases : révolte, colère, envie de contaminer à son tour, puis acceptation de la maladie. Cela implique d’en parler à son entourage. Mais il a été blessé par l’intolérance de certains, plus que par la maladie elle-même. Il ne fait pas de projets à long terme, il vit au jour le jour, en se réjouissant des petites joies du quotidien. Il n’attend pas immédiatement quelque chose de la science. « Il faut laisser travailler les scientifiques, ils trouveront bien quelque chose. »