Lendemain de fête
Panoramique oblique descendant sur un miroir. Sur sa surface sont collées des lettres découpées dans des imprimés. Elles forment les mots du titre : "Passions éphémères". Dans la bande sonore, interventions d'un orchestre symphonique qui mime une voix qui pousse des exclamations scandalisées, effet qui avertit le public du contenu moralement répréhensible qui va suivre. S'y substitue une mélodie tranquille jouée au piano, rappelant une musique d'ambiance dans un bar. La reprise du mouvement de caméra saisit tour à tour un noeud papillon accroché au goulot d'une bouteille, deux chopes, la page d'un calendrier orné de la photographie d'une pin-up, un téléphone... Tous ces objets sont mis en vrac sur une commode rangée contre le mur, recouverte de toile cirée. Le téléphone se met à sonner. Au vu des cadavres de bouteille et des verres vides amoncelés sur le meuble, on devine que ses sonneries font office de réveil. La caméra desserre sur un jeune homme torse nu qui enfile un jean à la hâte. La caméra desserre, montant une pièce en grand désordre : des affaires de literie sont entassés dans l'espace entre la tête de lit et le mur, un journal est ouvert sur le siège d'une chaise. Literie et chaise bloquent l'ouverture de la porte située derrière. Des t-shirts sont pendus ça et là. Cette disposition des objets, cette obturation des ouvertures témoignent d'une existence de patachon. L'homme a un corps musclé et une moustache de séducteur. La conversation téléphonique le rend rigolard. Il parle d'un ton détaché, avec un amusement complice, des événements de la veille. En s'accoudant à la commode, il prend une pose décontractée, comme s'il paradait dans un bar. La pin-up du calendrier, le temps d'un insert, semble le regarder avec une bienveillance intéressée. D'un geste négligé, il saisit une fourchette et ôte d'un verre à pied la mouche qui était noyée dans le fond de vin qu'il contient. Ce dernier plan revêt un double sens si on le considère comme métaphorique de la maladie dont il va être bientôt question.
Au téléphone, nous comprenons par ses répliques que son ami le prévient qu'il a dû se rendre à l'hôpital pour se faire soigner d'un chancre. Il recommande au séducteur d'en faire autant. Celui-ci prend le conseil pour une plaisanterie. (01:00)
Séduction anonyme
Son de musique pop, des jambes mobiles sur un plancher : scène de bal populaire. C'est un orchestre qui joue, le point de vue est filmé depuis son batteur. Jeu de champ et contrechamp entre deux hommes habillés avec soin (dont le séducteur de la première séquence) et une jeune femme qui, d'un air anxieux, attend quelque chose, sans doute une invitation. Le séducteur fend la foule dansante pour la rejoindre. Plans de coupe sur d'autres femmes qui, pendant son passage, lui jettent des regards de désir et d'espoir. Le séducteur et sa nouvelle conquête sont filmés en gros plan ; il la baratine, elle sourit. Un autre couple danse, un homme et une femme plus âgés. Les faisceaux de lumière tournoient, aveuglent le plan quand les danseurs ne s'interposent pas entre lui et la caméra. Le séducteur embrasse sa partenaire au cou, le regard de celle-ci chavire. En off, la voix du séducteur : "Edouard m'a prévenu. J'ai pensé que c'était une blague. Hélas, c'était bien vrai." Une autre voix intervient, également celle d'un homme, sans doute un médecin : "Vous comprenez que vous ne pouvez pas cacher le nom de cette femme". Cette réplique laisse entendre que le séducteur a bien écouté son ami et qu'il a, à son tour, été examiné (03:00).
Interrogatoire : pleurs et déni
En gros plan, visage de femme en pleurs. Il ne s'agit pas de la danseuse de la séquence précédente. Une autre femme l'interroge, que la suite du dialogue désigne comme médecin. La femme interrogée se réfugie mollement dans le déni : "je suis sûre que je n'ai rien". Elle explique qu'il lui a été très difficile d'être embauchée dans un camp de vacances, sous entendant que la révélation de sa maladie pourrait lui interdire d'y travailler encore. La médecin lui répond que la syphilis doit être traitée sans attendre le développement des symptômes, sinon ses dommages sur le corps et l'organisme pourraient être terribles : "Vous êtes une jeune femme, une future maman...". Elle fait allusion à une possible transmission congénitale. Pour finir, elle lui enjoint de signer le document qu'elle lui tend, qui la responsabilise si elle entreprend une contamination volontaire.
La jeune femme écoute en se tordant les mains. Elle a un mouvement de colère quand il est question de son partenaire : elle ne veut plus en entendre parler.(04:42)
Une leçon ne concerne pas que les personnages qui la reçoivent
Le partenaire en question est bien sûr le séducteur. Un plan le montre à présent revêtu d'un pyjama, assis sur un lit, l'air songeur et contrarié. En off, la voix de la médecin qui s'entretenait avec la jeune femme en pleurs lui apprend qu'il va suivre un traitement. La pièce où il se trouve est en effet une chambre d'hôpital. Séquence parallèle qui alterne des répliques de ce plan avec des vues du séducteur au bal populaire, en train de multiplier les conquêtes. Une voix de commentaire interpelle le public : cette histoire le concerne et ne met pas uniquement en jeu des personnages fictifs : "Voici comment les passions éphémères se terminent bien souvent : songez-y!" Panoramique vertical ascendant qui part de la piste de danse pour rejoindre le noir sur lequel se détachent les mots du générique. Une dernière plainte de guitare électrique se fait entendre : cri d'excitation, ou plainte mélancolique?