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''La guerre, période de formation'' | ''La guerre, période de formation'' | ||
Entretien en 1982 : "J’ai bénéficié de ce qu’on peut appeler une formation tout à fait exceptionnelle, et qu’il serait intéressant de pouvoir théoriser, mais dont les autorités enseignantes n’ont jamais voulu tenir compte ; c’est-à-dire que les années de guerre, ça a été des années où il y a eu des innovations. Simplement, quand la guerre a été finie, il a fallu ne plus en parler et faire comme si ces quatre années n’avaient pas existé. Or, j’ai été admise – parce que j’étais en analyse déjà –, j’ai été admise à l’hôpital psychiatrique Bruckman à Bruxelles, et ensuite dans un service d’enfants, à Anvers. Et ma formation sur le tas a été de côtoyer des psychiatres tout ce qu’il y a de classique, qui m’ont donné ce quelque chose de tout à fait unique : une grande liberté dans ma démarche. C’est-à-dire qu’à ce moment-là, j’ai pu emmener des patients hors de l’hôpital, ce qui, pour cette époque, était quelque chose de tout à fait inconcevable. Et j’ai pu donc m’apercevoir que, hors de l’hôpital, on n’a pas le même discours que celui qui se tient en institution, c’est-à-dire le discours produit par l’institution et qui fait qu’en institution, qu’on le veuille ou non, il y a un symptôme qui est offert, parce que le patient n’a rien d’autre à donner au médecin qu’un dossier. J’ai travaillé dans un Centre, à Anvers, qui était une institution psychiatrique s’adressant aux adolescents plus ou moins délinquants, aux adolescents rejetés de toutes les institutions, et qui tombaient sous le coup d’une loi belge qui permet les soins, au lieu de la prison, jusqu’à la majorité. Et j’avais affaire à des durs et à des adolescents psychotiques dont la langue était un patois flamand, alors que la langue des maîtres, c’était le français ou le néerlandais. J’ai pu emmener ces adolescents hors de l’institution dans des terrains vagues où nous avions, avec des désœuvrés du quartier, créé une troupe de théâtre ambulant. C’est une expérience qui m’a marquée – ça a été repris à Bonneuil trente ans plus tard – où, à propos de thèmes majeurs, on fournissait aux adolescents la trame d’une œuvre théâtrale qu’ils pouvaient restituer dans leur patois flamand. Et dans ce patois, quelque chose était comme arraché aux inhibitions et aussi aux commandements qui les traversaient. Enfin, quelque chose à effet thérapeutique s’est produit là sans qu’on n’en ait rien tiré à l’époque, puisque ces adolescents se sont améliorés d’une façon assez spectaculaire. Et, la guerre finie, ils ont été envoyés dans des centres de défense sociale parce qu’entre-temps, nous avions été bombardés. Je pointe quelques expériences." | Entretien en 1982 (RIZZO Lenio, « Entretien avec Maud Mannoni, 1982 », Figures de la psychanalyse, 2006/2 (n° 14), p. 135-150. DOI : 10.3917/fp.014.0135.) : "J’ai bénéficié de ce qu’on peut appeler une formation tout à fait exceptionnelle, et qu’il serait intéressant de pouvoir théoriser, mais dont les autorités enseignantes n’ont jamais voulu tenir compte ; c’est-à-dire que les années de guerre, ça a été des années où il y a eu des innovations. Simplement, quand la guerre a été finie, il a fallu ne plus en parler et faire comme si ces quatre années n’avaient pas existé. Or, j’ai été admise – parce que j’étais en analyse déjà –, j’ai été admise à l’hôpital psychiatrique Bruckman à Bruxelles, et ensuite dans un service d’enfants, à Anvers. Et ma formation sur le tas a été de côtoyer des psychiatres tout ce qu’il y a de classique, qui m’ont donné ce quelque chose de tout à fait unique : une grande liberté dans ma démarche. C’est-à-dire qu’à ce moment-là, j’ai pu emmener des patients hors de l’hôpital, ce qui, pour cette époque, était quelque chose de tout à fait inconcevable. Et j’ai pu donc m’apercevoir que, hors de l’hôpital, on n’a pas le même discours que celui qui se tient en institution, c’est-à-dire le discours produit par l’institution et qui fait qu’en institution, qu’on le veuille ou non, il y a un symptôme qui est offert, parce que le patient n’a rien d’autre à donner au médecin qu’un dossier. J’ai travaillé dans un Centre, à Anvers, qui était une institution psychiatrique s’adressant aux adolescents plus ou moins délinquants, aux adolescents rejetés de toutes les institutions, et qui tombaient sous le coup d’une loi belge qui permet les soins, au lieu de la prison, jusqu’à la majorité. Et j’avais affaire à des durs et à des adolescents psychotiques dont la langue était un patois flamand, alors que la langue des maîtres, c’était le français ou le néerlandais. J’ai pu emmener ces adolescents hors de l’institution dans des terrains vagues où nous avions, avec des désœuvrés du quartier, créé une troupe de théâtre ambulant. C’est une expérience qui m’a marquée – ça a été repris à Bonneuil trente ans plus tard – où, à propos de thèmes majeurs, on fournissait aux adolescents la trame d’une œuvre théâtrale qu’ils pouvaient restituer dans leur patois flamand. Et dans ce patois, quelque chose était comme arraché aux inhibitions et aussi aux commandements qui les traversaient. Enfin, quelque chose à effet thérapeutique s’est produit là sans qu’on n’en ait rien tiré à l’époque, puisque ces adolescents se sont améliorés d’une façon assez spectaculaire. Et, la guerre finie, ils ont été envoyés dans des centres de défense sociale parce qu’entre-temps, nous avions été bombardés. Je pointe quelques expériences." | ||
''A l'hôpital Troussau avec Françoise Dolto'' | ''A l'hôpital Troussau avec Françoise Dolto'' | ||
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Mais on se rend compte que, pris dans une situation donnée, le diagnostic peut très bien subir des fluctuations. Alors posons des diagnostics, si c’est pris dans un certain contexte qui ne fige pas les enfants dans ce qu’on attend d’eux ou qu’on n’attend plus d’eux. Je me rappelle que j’avais en contrôle un jeune médecin-chef qui avait dans son hôpital surtout des arriérés profonds. Il se trouve que le travail que j’ai mené avec lui l’a amené, lui, à organiser son lieu d’une façon toute différente, c’est-à-dire qu’au lieu d’avoir uniquement un personnel soignant spécialisé – mais soignant pour ne rien faire avec les arriérés profonds –, il a introduit dans son hôpital des menuisiers, différents corps de métier. Et les adolescents ont été pris dans des possibilités de travail vrai qui les ont réveillés de l’espèce de léthargie dans laquelle ils se trouvaient. Au bout d’un an, 80% de ces dits arriérés se sont révélés être des psychotiques. Et à ce moment-là, ce sont les parents qui sont intervenus pour dire au médecin : « Docteur, qu’est-ce qui se passe ? Cet enfant qui était si calme, voilà qu’il parle maintenant. Il parle tout le temps. Il bouleverse tout dans la maison. Docteur, redonnez-lui des calmants parce que ce n’est pas possible. » Alors là, on peut dire que le renversement a été tout à fait spectaculaire – dans les plus mauvaises conditions, puisque ce sont des structures publiques, sauf qu’on lui a laissé la possibilité d’introduire de nombreux changements. Mais il a fallu quelques jeunes médecins qui soient ouverts à une dimension analytique pour que, en bouleversant tout dans une organisation, quelque chose soit rendu possible. Et ensuite, s’est posée la question de l’analyse, etc. Ces enfants-là, hors de l’hôpital, c’était une tout autre aventure." | Mais on se rend compte que, pris dans une situation donnée, le diagnostic peut très bien subir des fluctuations. Alors posons des diagnostics, si c’est pris dans un certain contexte qui ne fige pas les enfants dans ce qu’on attend d’eux ou qu’on n’attend plus d’eux. Je me rappelle que j’avais en contrôle un jeune médecin-chef qui avait dans son hôpital surtout des arriérés profonds. Il se trouve que le travail que j’ai mené avec lui l’a amené, lui, à organiser son lieu d’une façon toute différente, c’est-à-dire qu’au lieu d’avoir uniquement un personnel soignant spécialisé – mais soignant pour ne rien faire avec les arriérés profonds –, il a introduit dans son hôpital des menuisiers, différents corps de métier. Et les adolescents ont été pris dans des possibilités de travail vrai qui les ont réveillés de l’espèce de léthargie dans laquelle ils se trouvaient. Au bout d’un an, 80% de ces dits arriérés se sont révélés être des psychotiques. Et à ce moment-là, ce sont les parents qui sont intervenus pour dire au médecin : « Docteur, qu’est-ce qui se passe ? Cet enfant qui était si calme, voilà qu’il parle maintenant. Il parle tout le temps. Il bouleverse tout dans la maison. Docteur, redonnez-lui des calmants parce que ce n’est pas possible. » Alors là, on peut dire que le renversement a été tout à fait spectaculaire – dans les plus mauvaises conditions, puisque ce sont des structures publiques, sauf qu’on lui a laissé la possibilité d’introduire de nombreux changements. Mais il a fallu quelques jeunes médecins qui soient ouverts à une dimension analytique pour que, en bouleversant tout dans une organisation, quelque chose soit rendu possible. Et ensuite, s’est posée la question de l’analyse, etc. Ces enfants-là, hors de l’hôpital, c’était une tout autre aventure." | ||
Version du 8 juillet 2024 à 10:33
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Titre :
Vivre à Bonneuil
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Métrage :
90 mètres
Format :
Parlant - Couleur -
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :
Générique principal
Contenus
Sujet
Genre dominant
Résumé
Contexte
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Non.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Non.
- Animateur : Non.
- Voix off : Non.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.

