"Il ne faut prendre aucun risque"
Le générique se déroule sur le fond d'une prise de vue fixe montrant la statue d'un homme tenant un objet, sans doute un flacon de laboratoire. Nous saurons, plus tard dans le film, qu'il s'agit de la statue de Louis Pasteur à Lille. A remarquer qu'elle est filmée en contreplongée pour faire ressortir la puissance supérieure du personnage. Musique échevelée sur une image de flots écumants, fendus par la coque d'un navire. Sur le pont de celui-ci, un homme regarde l'horizon, plongé dans les souvenirs de sa vie. Le commentaire le présente comme le scientifique Albert Calmette. Fondu sur deux hommes se saluant. Le commentaire précise que l'autre hommes est Camille Guérin, son principal collaborateur. Saynète de fiction que le commentaire date de 1921. Un médecin vient voir Calmette et le supplie de vacciner un enfant malade de tuberculose. Hésitations de Calmette : il n'est pas encore certain de son vaccin. Le 21.05 de la même année, Calmette s'étant laissé convaincre, le médecin administre le vaccin au bébé par voie orale. "C'était le résultat logique de trente années de recherche de Calmette et Guérin." (03:33)
Etude des "maladies exotiques" et des "fièvres tropicales"
Les débuts de Calmette comme médecin des colonies. Photos de navire et de populations indigènes, vues de paysages marins pour évoquer le passage de Calmette dans la marine, de mission au Tonkin pour y étudier les "maladies exotiques", puis au Gabon en 1886, puis à Saint-Pierre et Miquelon. C'est dans cette dernière destination que Calmette fait ses premières découvertes en microbiologie à partir de morues putréfiées. Photo de Pasteur : celui-ci lui confie la direction d'un laboratoire à Saïgon. Il y travaille pour une population "en proie aux maladies tropicales", met au point un serum contre le venin des cobras. (05:01)
La direction de l'Institut Pasteur de Lille
Vue en plongée sur les toits d'une ville occidentale. Le commentaire nous indique qu'il s'agit de Lille. Calmette va devenir le directeur de l'Institut Pasteur récemment mis en place dans cette ville. C'est ici que débute sa collaboration avec Guérin, alors biologiste. A Lille, la priorité sanitaire est alors la lutte contre la tuberculose dans les quartiers ouvriers. Vue en contreplongée d'une façade d'immeuble en briques noirâtres, avec du linge pendant aux fenêtres ; vue en plongée dans une cage d'escalier aux hautes ouvertures couvertes de toiles d'araignée ; vue dans la rue d'un enfant solitaire devant une affiche de prévention. "Calmette découvre à l'ombre des cheminées d'usines les logements insalubres et les ravages de la tuberculose". Vue d'une rue de quartier ouvrier, encaissée, avec sa chaussée pavée et étroite et ses immeubles sombres. "Il lutte contre certaines conséquences tragiques de cette sciences dont les applications ne font pas encore le bonheur de tous". Malgré ses euphémismes, le commentaire émet une critique adressée à la recherche mise au service du système industriel. Reprenant son récit, il précise que Calmette créé en 1901 "le premier dispensaire antituberculeux de France qui sert de modèle à tant d'autres" : vue sur la plaque du bâtiment correspondant, puis panoramique accéléré pour enchaîner avec la séquence suivante axée sur l'activité de laboratoire. L'aventure de la recherche médicale est le thème du film, davantage que ses apports concrets sur les modalités du soin.(06:21)
Expérimentations pour un vaccin (1) : l'incertitude
Le commentaire rappelle que Calmette s'inscrit dans la démarche de Pasteur pour lutter contre la tuberculose. Cherchant à démontrer que cette maladie ne se contracte pas uniquement par les voies respiratoires, il fait avaler à un veau un bouillon de bacille virulent au moyen d'une sonde, puis, trois mois plus tard, étudie les tissus prélevés sur l'animal : les résultats qu'il obtient confirment son hypothèse. Reconstitution des différents stades de cette expérimentation qui a eu lieu en 1905. S'adressant à Calmette, Guérin constate : "le bacille a traversé l'intestin pour se retrouver dans les poumons". Calmette répond : "En somme, mon cher Guérin, on peut se contaminer ou se vacciner par la voie digestive". L'emploi du "mon cher", la proximité physique des deux hommes dans le plan témoignent de leur complicité au travail. Suite du récit de la mise au point du vaccin, avec des expériences sur l'animal qui sont l'occasion d'un déploiement d'équipements à l'image. Les premières tentatives échouent : l'ingestion de bacilles par le cobaye ne donne pas lieu à une immunité de longue durée comme le révèle son autopsie. Flash forward sur le visage du Calmette actuel, toujours sur le pont du navire, fronçant des sourcils au souvenir de cet épisode d'incertitude. (08:43)
Expérimentations pour un vaccin (1) : "aucun doute"
Nouvelles orientations avec l'emploi de bacilles vivants. Le commentaire précise qu'elles sont inspirées par les découvertes de Robert Koch : "un animal qui a été inoculé par un bacille tuberculeux vivant se montre résistant à une nouvelle inoculation avec un bacille virulent. Mais si celui-ci protège contre une nouvelle agression de bacille, il n'en continue pas moins sourdement son oeuvre." Nouvelle séquence de reconstitution de la situation de recherche, nouveau face à face entre Calmette et Guérin qui, en échangeant leurs réflexions, s'épaulent mutuellement dans cette quête du vaccin qui les implique l'un et l'autre. Quand l'un met sa cigarette à la bouche, l'autre craque une allumette et la lui allume. Microscope, lame avec tissu, éprouvette en gros plans successifs pour décrire le processus. La musique jaillit, triomphale, quand Guérin va chercher dans une chambre étuve les bacilles ré-ensemencés : le "trentième passage" du bacille sur le cobaye présente chez celui-ci des "symptômes très légers", le bacille "est devenu presque inoffensif". "Aucun doute", appuie Guérin, levant les yeux du rat autopsié pour les porter sur Calmette. La victoire est proche...
Dernières et capitales expériences sur des veaux, dont un veau témoin qui reçoit une injection de bacille atténué. Un mois plus tard, injection de bacilles virulents à l'ensemble du cheptel. Le veau témoin survit, les autres meurent. Séquence qui reconstitue cette expérimentation, filmée en plongée dans une étable. (12:55)
Les épreuves de la guerre
Le cours de la recherche est troublé par des événements extérieurs. Calmette doit quitter la chaire de bactériologie à Lille pour poursuivre ailleurs sa carrière. Plongé dans correspondance, il lève les yeux vers Guérin : "Voyez-vous Guérin, vous n'aurez pas trop de toutes mes forces, et des années qu'il me reste à vivre pour développer les conséquences de nos travaux. En août 1914, les débuts de la guerre amènent l'occupation allemande dans le Nord de la France. Du ruban adhésif sur les carreaux des croisés et des portes de communication témoignent de coups de feu réguliers dans les environs. Guérin veille à entretenir les souches pour que des années de travail ne soient pas réduits à néant. Vue en plongée sur Calmette s'attelle à des travaux de rédaction pour publier leurs résultats. Bris de vitre, un flacon se renverse, un homme inspecte les dégâts avec une lanterne. Le commentaire explique que l'"explosion de l'arsenal des Dix-huit ponts", survenu à Lille en 1916, a endommagé l'Institut... "mais la souche est intacte!" L'homme à la lanterne est Calmette : gros plan sur son visage qui prend une expression rassurée devant ses éprouvettes. Son regard les couve tendrement comme s'il voyait un bébé dans son premier sommeil. (16:10)
Naissance et essor du B.C.G.
1919. Adieux émus de Calmette et Guérin sur un quai de gare. Calmette est nommé à l'Institut pasteur de Paris. Il voit la nécessité de nouvelles et longues expériences avant la mise au point définitive d'un vaccin. Guérin au laboratoire, de nouveau avec ses éprouvettes, pipettes, autoclaves. Il poursuit seul les expérimentations : 230 nouveaux ensemencements. "L'étude biologique confirme son innocuité et l'impossibilité pour le bacille atténué de reprendre de la virulence." Le B.C.G. est né. En 1921, les essais sur les animaux sont convaincants. Retour à la scène du début : Calmette dans son bureau, confronté à la demande pressant d'un médecin généraliste pour un enfant dont la mère était morte de tuberculose, confié à sa grand-mère elle-même tuberculeuse. Gros plan sur calmette qui répond finalement oui en regardant le médecin droit dans les yeux. saynète avec le bébé concerné. Paroles de Calmette pour expliquer ses hésitations : "nous ne savions pas encore si l'organisme des jeunes enfants supporterait le B.C.G. aussi bien que celui des animaux." En 1924, le vaccin est diffusé. Travelling sur des registres administratifs qui symbolisent la prise en main massive de cette diffusion. "De 1924 à 1928, 114 000 enfants sont vaccinés. la vaccination s'étend dans les colonies comme à l'étranger".(18:33)
Le scandale de Lübeck
Saynète reconstituant le jour de mai 1930 où Albert Calmette, prenant connaissance d'un quotidien allemand, tombe sur un article annonçant que "71 enfants sont morts après avoir été vaccinés par le B.C.G. à Lübeck". Calmette voit Guérin à l'Institut, qui l'informe que la culture employée à Lübeck avait déjà servi au vaccin de 5000 enfants sans le moindre incident. Musique sombre, solitude de Calmette qui arpente le couloir de l'Institut, suivi en travelling arrière. "Calmette vit là une période dramatique de sa vie. la persistance du moindre doute peut détruire trente ans d'un labeur poursuivi avec la plus scrupuleuse rigueur". Il doit se rendre à Oslo, au mois d'août de la même année, pour assister à la conférence internationale organisée sur la tuberculose. Dans la cabine du bateau qui le mène - nous comprenons alors que ce trajet constitue le point de départ du récit du film et que, désormais, nous ne sommes plus en flash back - Calmette, méditatif n'entend pas les coups à sa porte. Des hommes l'attendent sur le pont, lui annonce le steward. Il s'y rend, le visage trahissant son appréhension. L'un des hommes se présente : il est le chef de la délégation des médecins allemands que forme ce groupe. Contrechamp et légère plongée sur cet homme : c'est le regard de Calmette qui est reconstitué, par un plan subjectif. Celui-ci poursuit, avec gravité : "Nous savons les attaques injustes dont vous êtes l'objet dans notre pays et nous avons tenu à vous témoigner de notre respectueuse admiration et de notre confiance totale en vous, et dans le B.C.G. dont la culture livrée à Lübeck était irréprochable." Contrechamp sur le visage en gros plan de Calmette dont les traits se détendent. Il sourit devant cette preuve de confiance donnée par ses pairs outre-Rhin. Vue sur le palais d'Oslo où la conférence se tient. Le commentaire affirme que Calmette y est félicité et l'Institut remercié "pour la libéralité avec laquelle il met les cultures de B.C.G. à la disposition de tous les pays." Panoramique depuis la vue cavalière de la ville jusqu'au visage d'un jeune garçon : il symbolise cette jeunesse qui va bénéficier des apports de l'Institut pour échapper à la tuberculose. Nouvelle coupure d'un journal allemand : "Le 6 février 1932, le verdict du procès de Lübeck déclare : 'la catastrophe de Lübeck ne peut être attribué à un retour de virulence du B.C.G.'" Sa cause serait une erreur commise dans les laboratoires allemands pendant la préparation du vaccin. Calmette à nouveau dans les couloirs de l'Institut Pasteur, reconnaissable d'un plan l'autre du film à son sol carrelé en damier. "C'est pour Calmette la fin d'un profond cauchemar." Le commentaire ajoute cependant que, "marqué par ces dernières épreuves", il meurt le 29 octobre 1933.
Plans sur le laboratoire de l'Institut en pleine activité : c'est son héritage, à la suite de celui de Pasteur. Succession de vues de vaccination de masses dans différents pays. "Le B.C.G. a servi à vacciner des millions et des millions de sujets, du Nord au Sud, d'Occident en Orient." Plan sur le buste de Calmette devant l'Institut Pasteur de Saïgon qu'il a fondé. Le film avait commencé sur la statue de Pasteur à Lille : le film achève de présenter Calmette comme son parfait successeur dans la même mission. La dernière séquence montre Guérin au travail, les cheveux blanchis : c'est lui le continuateur de cette lignée tracée par Pasteur et Calmette. Le commentaire reprend alors la réflexion de Pasteur qui décrivait la nécessaire abnégation que la recherche requiert : "Ne proclamer sa découverte que lorsqu'on a épuisé toutes les hypothèses est une tâche difficile". Le titre du film est ainsi expliqué. Musique en fanfare, carton "fin".