Encart « La projection de ce film est strictement réservée au corps médical » sur fond noir. Logo : Cinémathèque Delagrange
En fond, le tableau de Brouillet : Une leçon clinique de Charcot à la Salpêtrière. Un texte défile : « Les malades de ce film ont tous été victimes d'un accident de transport ou de travail qui a déclenché des troubles névrotiques. Il ne s'agit dans aucun cas du « syndrome subjectif des traumatisés du crâne » ; ils présentent les symptômes regroupés par Charcot dès 1885 sous le terme de « névrose hystéro-traumatique » associant parfois hystérie et neurasthénie. Ces études cliniques ont été décisives pour Freud puisqu'elles ont marqué un tournant dans l'orientation de ces travaux et l'ont mis sur la voie de la découverte de la psychanalyse. » Zoom avant sur le tableau.
Accidents et hystérie masculine
Bruits de train et cris, gravure représentant un train, un accident, des personnes ensanglantées au sol. Le commentaire : « Tout récemment, l'hystérie mâle a été étudiée en Amérique par messieurs Podnam et Walton. Principalement à la suite de traumatismes et plus spécialement des accidents de chemin de fer, les victimes demandent tout naturellement des dommages et intérêts aux compagnies. On plaide ; des milliers de dollars sont dans la balance. Ces éclats nerveux, graves et tenaces, qui se présentent à la suite des collisions de ce genre, et qui mettent les victimes dans l'impossibilité de se rendre à leur travail ou de se livrer à leurs occupations pendant des périodes de plusieurs mois ou même de plusieurs années, ne sont souvent que de l'hystérie, rien que de l'hystérie. »
Titre et générique en surimpression sur plusieurs vues de la façade de l'hôpital de la Salpêtrière. La grille s'ouvre au paroxysme de la musique (Richard Strauss, Introduction (Einleitung) de Also Sprach Zarathustra, 1886).
En commentaire, un passage des "Œuvres Complètes" de J.M. Charcot, portant sur un cas clinique – images de la couverture du livre, de la page lue, et d'une gravure illustrant l'accident dont il est question. Pour illustrer le propos, des scènes de cours de Charcot en amphithéâtre sont reconstituées par des acteurs. Scène de patient filmé : la grande crise décrite par Charcot. Cette scène de crise peut être mise en parallèle avec celle du film réalisé par Éric Duvivier, Hystérie, langage du corps (Laboratoires Delagrange, 196), qui met en scène la crise d'une femme filmée de la même manière. Le commentaire explique que l'accident est un « provocateur de la névrose » et que, bien qu'il n'y ait pas d'origines organiques, la notion de conflit psychique introduite par Freud est décisive.
Sinistrose et relation au patient
La description du mal d'un nouveau patient permet d'approcher la notion de sinistrose. Ce cas permet de soulever la difficulté de dissocier le trouble de la simulation (notamment pour les cas de demandes d'indemnisation). Le patient et médecin parlent en italien (pas de sous-titres), le patient suivant en allemand. Le dossier de production (archives Duvivier - CIL) indique que l'absence de sous-titres est intentionnelle par la mention : « dialogues italo-allemand (pas de s/ titres). Le commentaire distingue les paralysies hystériques des atteintes neurologiques par une comparaison de la marche de deux hémiplégiques. Le patient est certes rétabli sous « narcose barbiturique », mais « le retour à la vigilance entraîne la réapparition du symptôme ». Séquence de sommeil sous enregistrement électroencéphalographique et électro-homographique qui permet de montrer que la contracture cesse pendant le sommeil. Plusieurs séquences de patients filmés en situation de consultation. Leur comportement est assimilé à un langage : « La relation avec ce type de malade s'avère souvent difficile. Le malade, rivé à sa douleur, ne livre rien en dehors d'elle. Ce comportement est un langage, une forme de communication. Le malade tente d'attirer l'attention de son entourage sur sa détresse morale, sur sa faiblesse physique. Il se pose en victime. Ces visages (…) expriment tous un martyre silencieux, mime pathétique de la souffrance. ». Pendant le commentaire se succèdent les gros plans sur des visages de patients.
Le terrain social
Un patient en consultation, explique ses symptômes : « mais je suis pas fou (…) c'est comme ma mère, on me prend toujours pour un imbécile ». Un autre patient, transplanté, explique son éloignement familial. Les conditions de travail des immigrés seraient favorables à la névrose – images de bâtiments en travaux et en chantier. Un gros plan sur une personne qui passe au feu rouge, sous des bruits de crissement de pneus, introduit le témoignage d'un patient dont le commentaire présente son cas : « neurasthénie après accident en traversant un passage clouté ». Le patient montré en gros plan ou en plan moyen avec le dos du médecin en amorce pour mettre en scène la situation de consultation. Ce cas permet d'évoquer la difficulté de reconnaissance du trouble par les experts médicaux légaux. Un autre patient, qui se présente lui-même (pas de commentaire introductif), évoque la " multiplication d'examens coûteux » qu'il doit affronter « alors que le problème est ailleurs ». La névrose post-traumatique peut aussi concerner les plus jeunes : ici, un garçon d'une quinzaine d'années.
Les malades se succèdent ; un homme d'abord allongé, parle de la violence que son père lui a infligée pendant son enfance. Assis, il explique comment il se retrouve en conflit brutal avec un supérieur exigeant. Un autre homme présente des troubles très importants de la parole suite à un accident qui a causé la mort de sa femme. Le même patient est montré sept ans après, présentant une régression impressionnante des troubles ; il raconte les différents diagnostics (psychiques ou organiques) posés par plusieurs médecins : « c'est clair que pour moi : c'est toujours grimper, grimper, et je ne suis pas encore en haut, vous savez ».
Sous la musique douce du générique, les visages modifiés des patients se succèdent. Dernier commentaire : « Malgré les travaux de Charcot et Freud, les mécanismes de la névrose post-traumatique, les symptômes de conversion et même l'hypnose sont loin d'être élucidés. Mais c'est à partir de ces recherches que Freud a jeté les bases de la psychopathologie moderne et prouvé l'existence de l'inconscient. Il élabore la théorie psychanalytique fondée sur les notions de pulsion et de défense, de refoulement et de conflit. Dépassant les perspectives mécanistes de ses contemporains, Freud introduit la dimension véritablement humaine du désir. »
Fonds Éric Duvivier code 425.