Drones inquiétants en musique de fond. Carton avec mots en blanc sur fond noir : "Les hôpitaux" ; puis, en clignotement autour de "les hôpitaux", les noms de "Brabant" et "Pottecher" ; puis les mots "aujourd'hui" et "les soignants".
"Passer 150 instruments quand il le faut, sans jamais se tromper..." : compétences techniques des infirmières
Une femme en blouse blanche ajuste des capteurs sur l'oeil d'un homme assis en face d'une machine, dit "ne bougez pas". Au plan suivant, elle manie des commandes sur un tableau. Le commentaire explique que nous sommes dans un service d'ophtalmologie de Marseille, et que nous voyons une infirmière mesurer la capacité rétinienne d'un malade. Il insiste sur la compétence technique que requiert sa tâche : lire et interpréter une courbe graphique donné par l'instrument de mesure. Pour un médecin interrogé, la médecine devenant "de plus en plus complexe", les infirmières sont responsabilisées sur des tâches qui leur demandent une formation, comme la distribution des médicaments ou la surveillance des malades. Elle peut être appelée à participer au "dépistage des complications". Retour du drone du générique pour accompagner la vue en pongée d'une opération chirurgicale : ballets de mains munies de pinces et d'écarteurs dont les gestes se recoupent au-dessus du champ opératoire. Le commentaire précise qu'il s'agit d'une opération à coeur ouvert menée à l'hôpital Broussais. "Qui dirige, et qui assiste?" demande-t-il. Une voix de femme répond en off, désignant chaque participant : deux professeurs, deux internes - le Pr. Dubost (Charles Dubost, le premier à avoir opéré à coeur ouvert, opération effectuée en 1955 au même hôpital Broussais). Au journaliste qui demande à la femme en quoi consiste le geste que le professeur effectue en ce moment à l'image, elle répond qu'elle ne voit pas bien mais que, selon elle, "il doit attaquer une valve". Nous verrons plus loin que la femme qui parle est une infirmière. Elle sera montrée à l'image en compagnie de Frédéric Pottecher, le journaliste qui joue de nouveau, comme dans les autres volets de la même série, le rôle du candide qui se fait expliquer les contenus filmés par les professionnels qui agissent sur place. Son intervention témoigne de sa capacité à décrypter le déroulement de l'opération et à identifier chacun de ses acteurs. Elle parle doucement, économisant ses mots comme si elle veillait à en pas troubler la marche de l'opération alors qu'elle en est séparée par la paroi de verre à travers laquelle elle l'observe, comme si, aussi, la gravité de la situation lui imposait une voix recueillie.
Le commentaire précise que la durée de ce type d'opérations est de 3 à 5 heures et qu'elle requiert la participation de 4 chirurgiens. "... Et s'ajoutent encore : un médecin anesthésiste, un médecin pompiste (chargé de surveiller la circulation extra-corporelle), un médecin électronicien, tous assistés d'infirmières diplômées". Il explique ensuite que l'infirmière qui assiste le chirurgien pompiste, tous les deux montrés à l'image, a "assuré le nettoyage et l'entretien du coeur artificiel". Sur un gros plan en plongée du visage de l'infirmière, le commentaire ajoute : "si l'appareil tombe en panne, elle en assurera le fonctionnement manuel". Dans cette éventualité, le malade ne vivant que "par le coeur artificiel", c'est à elle qu'il devrait son maintien en vie. L'infirmière, continuant sa description, évoque un médecin situé à l'extérieur de la salle d'opération, qui surveille la pression sanguine sur "le scope" (moniteur montré à l'image). La séquence se poursuivant dans la salle d'opération, elle montre l'infirmière panseuse qui "fait l'instrumentation", tâche qui consiste à passer aux chirurgiens les instruments qu'ils demandent. Le commentaire souligne : "Passer 150 instruments quand il le faut, sans jamais se tromper..." Tout le but de la séquence est de mettre en évidence le degré de compétence du personnel infirmier impliqué dans une opération aussi ambitieuse que celle-ci. (06:36)
"Je crois que certains médecins manquent de considération vis-à-vis de l'infirmière."
L'infirmière reprend en expliquant que beaucoup de médecins viennent voir le Pr. Dubost opérer dans le cadre de stages en chirurgie cardio-vasculaire qui peuvent durer de six mois à un an. Commentaire : "soigner et enseigner, tâche essentielle de la médecine moderne, mais au prix d'énormes efforts techniques et financiers". Entretien avec le Pr. Dubost filmé en gros plan. Il explique que le fonctionnement du service, pour des opérations "plus compliquées et plus longues", suppose "une très haute spécialisation" du personnel, et l'augmentation de ses effectifs. Le Pr. Paul Milliez enchaîne en déplorant le manque de personnel infirmier "technique de valeur" : "nos normes sont basées sur ce qu'était la médecine de 1920, c'est-à-dire à une époque où il n'y avait pratiquement ni piqûres ni examens." Un troisième médecin évoque une étude prospective établit que le service dont il s'occupe nécessite 23 infirmiers-infirmières ; lui-même n'en demande que 18 ; il ne lui en sera "accordé" que 11. Or, à compter avec les absences qui surviennent parmi elles, il ne doit compter que sur 8 à 9 d'entre elles. Le plan où ce médecin intervient le montre au premier plan bord cadre droit, ainsi que deux infirmières qui l'écoutent en profondeur de champ. Retour sur Milliez pour lequel le corps médical est en partie responsable de la carence actuelle en personnel : "nous n'étions pas solidaires de notre personnel, nous ne comprenions pas leurs conditions de vie". Une infirmière filmée en gros plan approuve le professeur : "je crois que certains médecins manquent de considération vis-à-vis de l'infirmière." Comme Pottecher, auquel elle s'adresse, demande à quel propos, elle sourit et regarde vers le sol, avouant qu'elle hésite à continuer. Pottecher insiste, si bien qu'elle évoque un chirurgien qui considère une infirmière comme une "femme de chambre évoluée".
Une autre infirmière, également filmée en gros plan, décrit la journée normale des personnes exerçant sa profession : début à 06h45, fin vers 16h, avec une demie heure pour déjeuner "qu'elle ne prend pratiquement jamais". Dans une chambre collective, Pottecher interroge une autre infirmière qui explique que le service doit s'occuper de 33 malades alors qu'il ne dispose que de 2 infirmières, sans possibilité de remplacement aux jours de maladie ou de repos. Une des infirmières filmées en compagnie du médecin interrogé dans la séquence précédente explique qu'elle soit se lever deux heures avant le début normal de sa journée pour arriver à faire son travail. Une autre infirmière se plaint de faire trop de "nursing", mot qu'elle doit expliquer à Pottecher qui le lui demande, parce que le "personnel d'aides soignants employées n'est pas suffisant". Vue sur une infirmière en train de changer une literie pour seconder trois aides soignantes qui rangent une chambre. Une aide soignante interrogée, alors qu'elle en train de plier du linge, explique qu'elle finit ses journées "crevée" : "fallait faire la plonge, il fallait tout faire". Elle ajoute : "j'ai donné toute ma jeunesse à l'hôpital, arrive un moment où on n'en peut plus". Le commentaire de Pottecher appuie : "trop de temps pour des tâches ménagères, trop de compétences et de fatigue gaspillées". Il est ensuite question d'heures supplémentaires non rémunérées : "si le travail n'a pas été terminé, évidemment, je ne peux pas partir du service".