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Walt Disney Productions
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Walt Disney et les productions médico-sanitaires à vocation pédagogique
Walt Disney est un nom qui parle à l’imaginaire collectif. À l’évocation de ce nom, certains pensent à la pléiade de dessins animés qui ont bien souvent bercé leur enfance ; d’autres aux parcs d’attractions ou bien à l’homme lui-même, qui, étant parti de rien, a réussi à se créer un véritable empire.
Mais l’entreprise Disney comporte d’autres facettes, beaucoup plus méconnues telles que sa contribution à l’effort de guerre entre 1939-1945, ou la réalisation de films médico-sanitaires destinés tant à l’éducation des jeunes Américains que de populations étrangères. Cette courte présentation a pour but de lever le voile sur cette zone d’ombre et de faire le lien avec les différents films pédagogiques qui sont désormais disponibles sur Medfilm.
I. Les origines et le rôle de certains personnages :
Laugh-O-Grams Films. Ce nom n’évoque généralement rien, et pour cause : cette entreprise a survécu moins d’un an avant de faire faillite. Il s’agit pourtant du nom du tout premier studio ouvert par Walt Disney en mai 1922, à Kansas City dans le Missouri.
Dès ses premiers cartoons (The Four Musicians of Bremen, Puss in Boots, Cinderella, etc.) commandités par un distributeur local, le jeune Walt met en place les prémices de ce qui sera la patte Disney : essais de nouvelles techniques et d’effets spéciaux, réutilisation de certaines scènes d’animation ou développement de personnages récurrents.

Mais son studio est très vite mis à mal financièrement par le distributeur qui n’honore pas le paiement promis (11 000 $). Tentant de faire face pour sauver sa société, Walt Disney accepte alors la réalisation d’un court-métrage commandé par un dentiste local, le Dr Thomas McCrum. Va alors naître ce qui est considéré comme le tout premier film pédagogique de Walt Disney, Tommy Tucker’s Tooth. Ce film mêle prises de vue réelles et animation, et démontre déjà la capacité de son créateur à mêler éducation et divertissement. (Le film plaît d'ailleurs tellement au dentiste qu’il demandera 4 ans plus tard à Walt Disney de lui en tourner un second. Disney livre ainsi en 1926 le film Clara Cleans Her Teeth, dont le rôle principal est interprété par sa nièce, Marjorie Sewell.)
Cependant, le maigre revenu apporté par cette commande (500 $) ne permet pas de sauver le studio de la faillite. En 1923, Walt Disney met la clé sous la porte et part avec son ami et collaborateur, Ub Iwerks, pour Hollywood. C’est là que va commencer l’histoire des studios Walt Disney Productions.
Nés en 1923 de l’association de Walt et Roy Disney (d’abord sous le nom de Disney Brothers Studios), ils doivent se faire une place dans cette industrie relativement nouvelle qu’est le cinéma d’animation.
Les États-Unis des années 1920 ont déjà leur vedette dans ce domaine depuis quelque temps : Felix the Cat (créé par Otto Messmer et Pat Sullivan en 1919). Afin de se rendre visibles et de se construire une certaine notoriété, les frères Disney, et Walt tout particulièrement, ressentent la nécessité d’avoir leur propre mascotte.
Après quelques vicissitudes, Mickey Mouse voit le jour en 1928 sous le trait de crayon de Walt Disney. D’abord muettes et en noir et blanc, ses aventures deviennent très vite populaires grâce à l’addition du son, puis de la couleur au début des années 1930. Felix the Cat ne prend pas ce virage moderne, ce qui est la cause de sa disparition : il laisse le champ libre à ce tout jeune Mickey qui devient alors l’égérie de toute une nation.
Cependant, le poids de cette notoriété va, à courte échéance, peser sur le caractère de la souris : à l’origine facétieux, voire instigateur de mauvaises actions, Mickey se voit "édulcoré" dès le milieu des années 1930, d’une part à cause de la pression des parents qui souhaitent que leurs enfants aient un modèle de bonne conduite et non un impertinent mal éduqué, et d’autre part par l’internationalisation de Mickey qui s’exporte un peu partout dans le monde. Mickey devient petit à petit sage, bien sous tous rapports. C’est d’ailleurs ce qui va lui porter préjudice dans cette période trouble que sont les années 1939-1945.
En effet, au cours des années 1930, l’entourage de Mickey s’est étoffé avec l’apparition de personnages au caractère plus marqué, comme Donald Duck ou Dingo.
Dans un contexte mondial qui bascule, Mickey, gentil et presque niais, devient alors de plus en plus compliqué à mettre sur le devant de la scène. En outre, Walt Disney n'accepte pas de le transformer en un personnage de propagande, ni de l"'envoyer au front". C’est la raison pour laquelle Donald Duck va émerger comme vedette à partir de 1939.

Selon le scénariste et critique Lewis Jacobs, cette émergence est intimement liée à la montée des gouvernements nationalistes et des conflits dans le monde car le tempérament du canard reflète mieux l'esprit violent de l'époque, le public étant lui-même en quête de personnages plus volontaires, plus forts, parfois brutaux.
Tandis que des personnages comme Minnie participent à l'effort de guerre depuis le "pays" (que ce soit dans le film d’animation Out of the Frying Pan Into the Firing Line ou dans les affiches de propagande), Donald, tout au contraire, va voyager et vivre des aventures à l’étranger.
Sa popularité, comme celle de Bugs Bunny (Warner Bros), monte alors en flèche tandis que celle de Mickey Mouse décline. C’est ce qui explique l’absence quasi-totale de ce dernier dans le cinéma de propagande des années 1939 à 1945 : il ne cadre plus avec son époque.
II. Une histoire au milieu de l’Histoire :
C’est à cette période que les Studios Disney prennent un tournant relativement méconnu, auquel leur situation financière n’est pas étrangère.
Pour produire Blanche-Neige, Walt Disney a pris un pari énorme en contractant de grosses dettes. Mais le pari s’est finalement avéré gagnant puisque dès sa sortie en 1937, le succès est retentissant : les recettes permettent de renflouer les caisses, tout en maintenant le nombre des salariés qui était passé de 10 à 400 pour la conception du film.
Fort de cette réussite, Walt Disney engage de nouveau beaucoup d’argent : il inaugure en 1940 un studio de 18 hectares et embauche près de 1 600 employés. Cependant, les grands projets d’animation menés dans le même temps, Pinocchio et Fantasia, sont des échecs. Les studios sont alors au bord de la banqueroute et une grève générale des employés en 1941 met l’entreprise encore plus à mal (ils accusent Walt Disney de les exploiter, de mal les payer et d’entretenir des inégalités entre salariés). Mais tout bascule le 7 décembre de la même année, avec l’attaque de la base navale de Pearl Harbor par les Japonais. L’armée américaine s’installe dès le lendemain dans les Studios Disney afin de contribuer à la défense de la Californie, au cas où l’aéroport Lockheed, tout proche des studios, serait la cible de bombardements ennemis.
Ce sont ainsi 700 militaires de la défense anti-aérienne qui viennent occuper pendant 8 mois les locaux avec force véhicules et munitions (près de 3 millions de cartouches). Les studios de Burbank seront ainsi les seuls d’Hollywood à être occupés de la sorte pendant la guerre. Ils participent même, avec d’autres studios, à une vaste opération de camouflage à la fois du matériel militaire environnant et de l’aéroport Lockheed (Operation Camouflage). Tout un faux paysage est ainsi mis en place, avec des décors peints et des éléments en relief ingénieusement fabriqués (arbres en fil barbelé avec des plumes peintes en diverses tonalités de vert, voitures en caoutchouc, etc.)

Reconnaissant le potentiel de l’animation, le Navy Bureau of Aeronautics "réquisitionne" également Walt Disney en personne : il lui demande de produire, moyennant un contrat de 90 000 $ (un montant dérisoire), une vingtaine de courts-métrages de formation pour la marine et l’aviation. La production de films liés à l’effort de guerre, militaires ou gouvernementaux, finira par représenter 90 % de l’activité de Disney en 1943.
Ce rapprochement entre le gouvernement Roosevelt et les studios Disney n’est toutefois pas le premier. L’Office of Inter-American Affairs (OIAA) est déjà entré en relation avec Disney dès 1940 car, même si les États-Unis n’ont alors pas encore pris part à la guerre, ils surveillent et souhaitent juguler l’extension croissante de l’idéologie nazie en Amérique latine. (L'OIAA est une agence créée en août 1940 par le Conseil national de la Défense et destinée à promouvoir les liens économiques et commerciaux panaméricains durant les années 1940. Elle est dirigée par Nelson Rockefeller qui se dote très rapidement d’un département films destiné à gagner la sympathie des populations vivant en Amérique du sud.)
En effet, les puissances de l’Axe, fortes de leurs conquêtes européennes, commencent à vouloir disséminer leur idéologie, notamment en Amérique latine et du sud. Vu que l’Angleterre connait depuis quelques années un affaiblissement croissant de son influence au Brésil, l’Allemagne en a profité pour y devenir un partenaire économique européen de premier ordre : ce pays constitue ainsi un bon point d’entrée pour répandre le courant de pensée nazie.
Dans le même temps, les États-Unis entendent conserver leurs intérêts dans cette zone, voire les étendre, en profitant eux aussi de la faiblesse de l’Angleterre.
Le programme Lend-Lease (Prêt-Bail) de mars 1941 appuie ces intérêts. En effet, sous couvert d’aider les Alliés sans s’impliquer pour autant directement dans la guerre (et ainsi tenter de respecter les Neutrality Acts des années 1930), les États-Unis prêtent des fonds ou du matériel de guerre à bon nombre de pays en conflit, notamment l’Angleterre.
Cependant, les remboursements seront bien cher payés (l’Angleterre n’a fini de rembourser qu’en 2006) et des compensations tacites sont demandées, comme le retrait commercial implicite de l’Angleterre en Argentine, au profit des États-Unis. Mais surtout, afin de contrecarrer les plans de l’Allemagne sur le continent, l’OIAA procède à la mise en place de sanctions à l’encontre d’entreprises et/ou de dirigeants ouvertement favorables à la mouvance nazie (filiales d’IG Farben dans la région, Bayer au Brésil, maison d’édition Antonio Lehmann au Costa Rica, importateur de quincaillerie Casa Helda en Colombie, etc.) L’objectif est de saboter l’implantation à la fois idéologique et commerciale des puissances de l’Axe via leurs partenaires locaux. (Cependant, notons que cette Proclaimed List of Certains Blocked Nationals (PL) se trouve très vite controversée, même au sein de l’OIAA, car elle blackliste des citoyens sur le seul fait d’avoir des origines allemandes ou de la famille encore en Allemagne, sans chercher de raisons plus poussées. Nombre de Juifs ayant émigré pour fuir le nazisme seront ainsi inscrits sur cette liste et cela provoquera la ruine ou des stigmates sociaux sur la plupart de ces personnes, parmi lesquels Max Brill, juif allemand émigré en Équateur qui s’est retrouvé mis au ban de la sociétél après son inscription sur la PL, vraisemblablement suite à une dénonciation calomnieuse. Il en est de même pour les entreprises, comme Brahma au Brésil qui a été blacklistée car une minorité de ses actionnaires étaient allemands. Le point le plus particulier est le fait qu’aux États-Unis mêmes, les sanctions ont été beaucoup moins importantes que celles qui ont été mises en oeuvre en Amérique latine. Les entrepreneurs avaient interdiction de commercer avec l’Allemagne ou ses alliés, mais pouvaient continuer leur activité sans souci, alors qu’en Amérique latine, ces personnes ont été exclues du monde des affaires, voire dépossédées de leur entreprise.)
Pour en revenir à Walt Disney, l’OIAA, en la personne de Rockefeller, l’approche dès 1940 par le biais de relations communes. En 1941, souhaitant mettre à profit son aura, l’agence lui demande de partir en tournée dans la zone sud-américaine. Walt Disney doit y tenir le rôle d'ambassadeur de bonne volonté ("a goodwill mission" comme l’appelle Rockefeller) auprès des gouvernements et des populations d’Argentine, du Brésil, de l'Uruguay, du Pérou et du Chili.
L’objectif de cette tournée relève en fait d’une triple dimension :
- artistique : ce voyage permet à Walt Disney et à l’équipe de dessinateurs qu’il emmène, de s’immerger dans les diverses cultures d’Amérique du Sud et de rassembler des idées pour des courts-métrages.
- managérial : son absence éloigne Walt Disney de la grève de ses studios qu’il n’arrive pas à résoudre (son frère Roy parvient à un accord salarial en son absence).
- politique : Walt Disney et son équipe se présentent au nom des États-Unis, pour célébrer l’amitié des peuples sud- et nord-américains. Il endosse ainsi des responsabilités relatives à la diplomatie culturelle américaine en Amérique latine qui s’inscrivent officiellement dans la Good Neighbour policy mise en place par Roosevelt près d’une décennie plus tôt (1933). (Cette politique visait à réduire les interventions et donc l’ingérence nord-américaine dans les affaires intérieures des pays de la zone d’Amérique latine et du sud (par opposition à la doctrine Monroe de 1823 qui légitimait l’influence des États-Unis sur le continent sud-américain). Son but était de pacifier les relations tant politiques qu’économiques avec les pays de la zone et d’apporter plus de stabilité sur le continent.)

Grâce à la popularité que connaissait déjà Walt Disney dans ces pays, la tournée de six semaines (d’août à octobre 1941) est une réussite sur tous les plans. L’équipe, surnommée "El Grupo" par les Sud-Américains, revient de cette tournée avec une foule d’idées pour réaliser ou améliorer des films qui étaient en attente, tout en leur donnant une tonalité latino-américaine.
Les fruits de ce séjour sont une compilation de courts-métrages appelée Saludos Amigos qui voit le jour en 1942. Elle permet aux studios de redresser un peu la barre financièrement puisqu’elle connaît un accueil positif aux États-Unis et surtout une brillante carrière cinématographique sur le continent sud-américain.
Un second opus, mêlant cette fois animations et prises de vues réelles, et intitulé Les Trois Caballeros, suivra en 1944. Il connaît le même succès puisque l’OIAA enregistre, en 1945, 8 000 projections par mois aux États-Unis, pour un total de 4 millions de spectateurs.
D’autres œuvres mineures (Au Sud de la Frontière avec Disney, 1942 ; Pluto et l’Armadillo, 1943 ; etc.) verront également le jour.

III. Les personnages Disney et leurs contributions patriotiques :
Il est à souligner que c’est pendant cette période que la "carrière" de Donald prend deux directions différentes :
- d’un côté, il tient un rôle de propagande dans des courts-métrages nationaux où il joue souvent le rôle d’un soldat
- de l’autre, il endosse un rôle d’ambassadeur sous les traits d’un Américain moyen visitant les pays d'Amérique du Sud (un peu comme Walt Disney).
Dans Saludos Amigos, Donald est ainsi présent dans deux des quatre séquences du film dont l’histoire est celle d’un voyage touristique en Amérique du Sud : on y voit à la fois des scènes de vie, artistiques et musicales typiques, mais aussi une caricature du touriste américain.
L’internationalisation de Donald est d’ailleurs facilitée par le fait que, même dans sa langue natale, le canard est presque incompréhensible. Les animateurs, en développant fortement son langage corporel, ont habilement résolu le problème de la traduction (et de son coût) pour la sortie du film en Amérique du Sud.
Comme l’écrit Theodore Strauss dans le New York Times en février 1943, Donald devient le meilleur vendeur du modèle de la société américaine ("ambassador-at-large, a salesman of the American Way").
Dans Les Trois Caballeros, Donald est même encore plus présent puisqu’il sert de fil conducteur à tout le film.

En parallèle, les autres personnages Disney sont également mis à contribution pour soutenir l’effort de guerre. Les supports et propos sont variés. On y retrouve :
- les insignes militaires dont la vocation principale est de remonter le moral des troupes (environ 500 en tout sont créés et distribués à près de 1 300 unités entre 1941 et 1945) (Walt Disney injecte de ses deniers personnels dans son entreprise en déficit pour produire et distribuer une partie de ces insignes militaires. Ayant falsifié son âge pour pouvoir s’engager à la Croix-Rouge en 1918 et rejoindre son frère parti combattre en France, il est un fervent défenseur de l’utilité de l’effort de guerre pour le bien de la nation et le moral des troupes.)
- les bons de guerre
- les affiches destinées aux civils dont les emplois ont un lien avec la guerre. Ces affiches vantent l’intérêt d’avoir une bonne nutrition afin de pouvoir être performant au travail. Elles sont créées à la demande du California War Council's Food and Nutrition Committee.
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