La méthode Read
Le film promeut une méthode éclose en Grande Bretagne après la Seconde Guerre Mondiale. Depuis 1847, date de la première application de l’anesthésie au soulagement des parturientes, seules l’analgésie médicamenteuse ou différentes formes d’anesthésies étaient proposées. Dans les années 1930 en Angleterre est mise au point une première méthode psychologique d’atténuation des douleurs obstétricales, dite accouchement « naturel », due à Grantly Dick-Read (1890-1959) qui est accoucheur à Woking dans la banlieue de Londres de 1923 à 1948. Observant les femmes en travail et étudiant des pratiques médicales variées (Franz Anton Mesmer, Jean-Martin Charcot, Émile Coué), il construit peu à peu une méthode d’accouchement « sans peur », fondée sur la conviction que, dans certaines circonstances, l’esprit peut commander au corps. En 1933, dans son premier ouvrage Natural Childbirth, il condamne l’accouchement « scientifique » sous anesthésie générale, largement pratiqué de son temps dans les pays anglo-saxons, et propose l’accouchement « selon la loi naturelle ». Pour cela, il faut briser le cycle fatal Peur-Tension-Douleur : la peur entraîne une tension des muscles, en particulier de l’utérus, et c’est ce qui cause la douleur. Pour atténuer la douleur, il faut d’abord supprimer la peur en préparant la femme qui va accoucher. Après avoir été instruite des différentes phases du travail, elle doit faire preuve pendant la phase de dilatation de patience et de contrôle de soi grâce à la pratique de la relaxation. Au moment de l’expulsion du fœtus, elle doit être capable de fournir un gros effort physique auquel elle aura été préparée. Le fondement de la méthode de Dick-Read est un spiritualisme qui exalte la fonction reproductive de la femme. En changeant les conditions de la venue au monde de nouveaux humains, il espère faire triompher la paix et l’harmonie sociale. (d'après Paula A. Michaels, Lamaze. An International History, Oxford University Press ; Andrée Rivard, Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne, Les éditions du remue-ménage).
Hôpital et analgésie
C’est l’« accouchement naturel » ou « accouchement sans crainte » qui inaugure l’histoire des méthodes d’analgésie psychologique, en Angleterre, au début des années 1930. Vingt ans plus tard, la méthode psychoprophylactique d’« accouchement sans douleur » est développée en Union soviétique, d’où elle est importée en France. (...) Dans les années qui suivent la Libération, l’hospitalisation de la naissance s’intensifie et les maternités commencent à se moderniser. Les obstétriciens invoquent la sécurité pour attirer la clientèle dans leurs établissements [5]. L’argument porte auprès des femmes enceintes, renforcé par l’attrait de la modernité et par le souhait de bénéficier d’une analgésie difficilement accessible à domicile [6]. Toutefois, même à l’hôpital, l’analgésie n’est pas assurée. Lorsqu’elle est administrée, c’est souvent en complément d’autres médicaments visant à accélérer le travail. Ces cocktails se répandent dans plusieurs services hospitaliers sous les appellations d’« accouchement accéléré », « médical » ou « dirigé ». Ils connaissent de nombreux adeptes et tout autant de détracteurs, qui leur reprochent d’augmenter les risques obstétricaux et de brouiller la conscience des femmes [7]. Ainsi, sur le plan obstétrical, l’accouchement sans douleur apparaît dans des contextes nationaux de pratiques diversifiées, de débats médicaux ouverts et d’essais analgésiques variés dans l’espoir de trouver une solution idéale au problème complexe de la douleur. (VUILLE Marilène, "L’obstétrique sous influence : émergence de l’accouchement sans douleur en France et en Suisse dans les années 1950". Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2017/1 n° 64-1, p.116-149.